par Vassily Prozorov.
Précédemment, nous avons décrit de manière assez détaillée comment Petro Porochenko a tenté d’influencer l’élection américaine de 2016 et comment il a fait un très mauvais calcul en jetant toutes ses forces pour soutenir Hillary Clinton.
Et maintenant, l’histoire a donné à l’ancien président de l’Ukraine une chance de retrouver sa place légitime parmi les amis proches du président américain nouvellement élu, et en même temps de se venger de Volodymyr Zelensky pour sa défaite dans la course présidentielle en 2019.
Le 17 mars, M. Porochenko a lancé une nouvelle offensive contre la Russie et M. Poutine, a vivement remercié M. Biden pour ses mots durs à l’encontre du président russe et a accusé M. Zelensky de s’être immiscé dans les élections américaines au profit de Donald Trump.
L’ancien Président a évoqué les enregistrements scandaleux de conversations téléphoniques entre Biden et Porochenko, rendus publics par le député ukrainien Andreï Derkatch au plus fort de la campagne électorale américaine de l’été 2020. Ils ont révélé que le vice-président américain Joe Biden a fait pression sur le Président ukrainien pour qu’il licencie le procureur général Chokine sous la menace de retirer le consentement américain à un prêt d’un milliard de dollars du FMI à l’Ukraine. Cette révélation a confirmé les nombreuses rumeurs sur les liens corrompus des dirigeants du Parti démocrate américain en Ukraine qui circulaient en Amérique depuis 2019, et a failli faire dérailler la campagne électorale de Biden.
Le 18 mars, la déclaration de M. Porochenko a été littéralement confirmée par un ancien membre de la faction Serviteur du Peuple, Alexandre Doubinski, qui a été exclu du parti au pouvoir pour sa proximité avec l’oligarque en disgrâce Kolomoïski et sa participation à la dénonciation de systèmes de corruption. Selon le député, les véritables clients du scandale, contrairement à l’opinion des autorités américaines, n’étaient pas les omniprésents agents des services secrets russes, mais le chef du bureau du président ukrainien, Andreï Yermak, et Zelensky lui-même. Ils ont directement demandé à Doubinski d’aider Derkatch à organiser une série de conférences de presse pour rendre les enregistrements publics et l’ont même chargé de former au sein de la Verkhovna Rada une commission d’enquête sur le scandale.
Alors, première question : qui est Andreï Derkatch ?
Les données biographiques du député sont faciles à trouver sur son site Internet personnel. Nous ne les donnerons pas ici. Le plus important est une chose qui n’est pas mentionnée sur son site web : il est le fils de Léonid Derkatch, ancien chef du SBU dans les années 1990 et l’un des initiateurs du premier « scandale des cassettes » avec les enregistrements des conversations privées du président Koutchma.
Le fils a suivi les traces de son père. En 1993, il est diplômé de ce qui fut l’école supérieure du KGB (devenue depuis l’académie du FSB) à Moscou et a ensuite servi pendant longtemps dans le service de contre-espionnage de l’Ukraine indépendante, bénéficiant du soutien de son puissant parent. Le député proche des services secrets n’a pas révélé les sources des enregistrements audio scandaleux, mais étant donné la quantité de matériel compromettant qu’il a collecté auprès de diverses institutions d’État, il ne fait guère de doute qu’une structure ukrainienne héritière du KGB a participé à la constitution de cette collection.
Le 6 avril, M. Derkatch a déclaré qu’un groupe de tueurs à gages, originaires pour la plupart du Royaume-Uni et d’Albanie, comptant 8 personnes, engagés, selon des chaînes Telegram ukrainiennes, par des cadres de la société pétrolière et gazière ukrainienne Burisma, était arrivé en Ukraine pour le liquider. Il convient de mentionner que très récemment – le 9 avril – M. Derkatch a gagné en instance d’appel du tribunal de Kiev sur une autre plainte de cette société, qui était mentionnée dans ses révélations. Cette décision a mis fin à une longue affaire : le tribunal a reconnu que l’entreprise avait effectivement financé des activités de lobbying, utilisant les capacités de Joe Biden dans les structures de pouvoir de l’Ukraine pour clore les affaires pénales contre ses dirigeants. Nous avons déjà écrit sur cette histoire remarquable, connue sous le nom « d’affaire Burisma ».
Lorsque, après la « révolution de la dignité », l’opposition victorieuse s’est installée dans des fauteuils ministériels à Kiev, le problème de première importance pour les dirigeants du Maïdan était, comme on pouvait s’y attendre, la recherche des milliards mythiques du président déchu. Des demandes d’assistance dans cette affaire profitable du point de vue médiatique (et matériel, comme le pensaient à l’époque les nouveaux dirigeants de l’État) ont été envoyées aux services judiciaires de différents pays et, en premier lieu, aux alliés du coup d’État – les États-Unis et le Royaume-Uni. Les Britanniques ont réagi avec une rapidité inattendue. Ils ont réussi à retracer et à saisir d’importants transferts d’argent depuis les comptes de Burisma, une société proche de l’ancien ministre ukrainien des ressources naturelles et de l’écologie, Nikolaï Zlotchevski.
Entrepreneur et fonctionnaire bien connu, M. Zlotchevski s’est fait un nom et une fortune en supervisant l’octroi de licences d’État pour l’exploitation de gisements de pétrole et de gaz pendant la présidence de M. Ianoukovitch, non sans tenir compte, bien entendu, des intérêts de ses entreprises. En conséquence, sa petite entreprise d’extraction de gaz, Burisma, est devenue le plus grand fournisseur privé de gaz naturel du pays. Et maintenant, ses comptes à l’étranger, sur lesquels environ 30 millions de dollars ont été retirés d’Ukraine par le biais de divers systèmes offshore en décembre 2013 – janvier 2014, ont été bloqués par les autorités britanniques, et le bureau du procureur général ukrainien a ouvert une affaire pénale contre Zlotchevski lui-même.
Toutefois, comme l’a révélé l’enquête de M. Derkatch, il est vite apparu que les autorités ukrainiennes n’étaient pas pressées de récupérer les millions découverts auprès des banques britanniques et qu’elles ne répondaient tout simplement pas aux lettres de la police du Royaume-Uni. En conséquence, Scotland Yard, en raison du manque de preuves de l’origine criminelle des finances, a décidé de lever la saisie des comptes de Burisma, et en Ukraine même, la société a continué à s’engager avec succès dans la production d’hydrocarbures. L’enquête contre Zlotchevski, qui avait été transférée du bureau du procureur général au bureau national de lutte contre la corruption, a été rapidement suspendue et finalement fermée.
Deuxième question : Pourquoi l’affaire Burisma a-t-elle été fermée ?
Il s’avère qu’en avril 2014, deux citoyens américains se sont soudainement retrouvés au conseil d’administration de Burisma. L’un d’eux s’appelait Devon Archer et était un ami proche du beau-fils du secrétaire d’État américain John Kerry. L’autre s’appelait Hunter Biden, il était le fils du vice-président américain. Comme on l’a su par la suite, ces deux messieurs, qui n’avaient aucune expérience dans le domaine du pétrole et du gaz ni en Europe de l’Est, ont été très grassement rémunérés.
Selon divers rapports, Burisma a transféré entre 3 et 30 millions de dollars sur leurs comptes en 2014-2015.
Publication sur le site web du portail ukrainien NABULEAKS : Reçus de transferts d’argent sur les comptes de Rosemont Seneca Bohai, société liée à la famille Biden, en provenance de la société pétrolière et gazière ukrainienne Burisma
On ignore encore pour quelles raisons Kerry et Biden, deux poids lourds de la politique américaine habitués à une hygiène financière personnelle scrupuleuse, se sont impliqués dans les combines de corruption de l’homme d’affaires ukrainien Zlotchevski, qui n’est pas des plus habiles. Mais le fait est que Joe Biden et John Kerry étaient personnellement intéressés par le déblocage des comptes de la société et le développement de son activité lucrative. Compte tenu de leur influence sur les affaires ukrainiennes en tant que chefs de file de la politique étrangère américaine, cela signifie au moins la présence d’un conflit d’intérêts dans les juridictions américaine et ukrainienne.
Il convient de noter que les transferts d’argent à leurs parents et amis ont été effectués par le biais de systèmes offshore illégaux, ce qui a ensuite été signalé volontairement au tribunal ukrainien par deux citoyens lettons qui étaient directement impliqués dans les transactions. C’est probablement cette circonstance, ainsi que le contexte général de corruption entourant les activités de Burisma, qui a donné au procureur général Viktor Chokine les raisons de relancer une enquête contre la société et son propriétaire fictif Zlotchevski fin 2015. Cependant, à ce moment-là, Joe Biden semblait avoir déjà réalisé qu’il s’était engagé dans une histoire extrêmement fâcheuse. À cette époque, les préparatifs des élections présidentielles avaient commencé aux États-Unis, et les contacts des dirigeants du Parti démocrate avec Burisma, ainsi que d’autres traces de leurs liens corrompus en Ukraine, ont été nettoyés à la hâte. Dans ce contexte, l’activité du procureur général Chokine a commencé à constituer une menace sérieuse pour la réputation des démocrates et de leur candidate Hillary Clinton, ainsi que pour ses chances de devenir présidente des États-Unis. Les Américains étaient nerveux, ils pressaient leurs protégés du NABU, ils faisaient pression sur Porochenko.
Publication sur le site web du portail ukrainien NABULEAKS : Schémas de corruption impliquant des hommes politiques et des hommes d’affaires ukrainiens, ainsi que des dirigeants du Parti démocrate américain
La raison de l’insistance de Chokine à enquêter sur les affaires ukrainiennes de politiciens américains n’est pas non plus connue avec certitude. Peut-être était-il poussé par le sens de l’honneur du procureur, ou par le désir de mettre la main sur une affaire intéressante, ou encore par la haine du NABU et des ONG américaines, qui siphonnaient les millions de dollars alloués par les organisations internationales pour réformer le bureau du procureur général. Enfin, il est possible qu’il ait été un trumpiste secret… Du coup, la question de la démission de l’intraitable procureur est devenue le sujet d’une attention particulière de Kerry et Biden.
Dans un premier temps, une surveillance de Chokine a été organisée par le NABU afin de recueillir des informations compromettantes.
À l’époque, les médias ont lancé des accusations infondées de corruption et une campagne d’information pour le discréditer, mais Porochenko a décidé de ne pas sacrifier son ancien confident dans cette situation non plus. Par conséquent, pour faire taire le procureur général, M. Biden a dû persuader personnellement le président ukrainien de le démettre de ses fonctions. Pour pousser Porochenko, Biden a même dû aller jusqu’au chantage direct et menacer Kiev de retirer son accord pour un renflouement d’un milliard de dollars de la part du FMI, comme il l’a laissé échapper lors d’une table ronde du Council on Foreign Relations à Washington le 23 janvier 2018 : « Je les ai regardés et j’ai dit, je pars dans six heures, et si votre procureur général n’est pas viré d’ici là, vous n’aurez pas l’argent. Et ce fils de pute a été viré. »
La franchise excessive (ou simplement la garrulité) du président américain pourrait entraîner des pertes de réputation considérables, devrait-on dire. Le 12 avril dernier, l’EU Reporter a rapporté que l’ancien procureur général Viktor Chokine a déposé une plainte auprès de la Commission européenne concernant la violation de ses droits en raison de son licenciement illégal par l’ex-président Petro Porochenko sous la pression de Joe Biden en 2016. Si la Commission européenne se range aux arguments de l’ancien chef du parquet général ukrainien contre Porochenko et Biden, des sanctions personnelles pourraient être imposées, notamment une interdiction d’entrée dans l’UE, ainsi que le « gel » de tous les actifs financiers dans les banques européennes. « Le licenciement de Viktor Chokine a violé son droit au travail et à un procès équitable et, en outre, le droit de l’Ukraine à l’autodétermination a été violé », note la publication.
En conséquence, l’affaire Burisma a finalement été clôturée à la mi-2016. Bien qu’elle n’ait joué aucun rôle dans les élections américaines à l’époque, elle a retrouvé une pertinence politique avec le début du nouveau cycle électoral américain en 2019.
Troisième question : pourquoi l’affaire Burisma n’a-t-elle pas été rouverte ?
En 2019, le président élu Zelensky est confronté à un choix difficile : que faire du matériel compromettant dont il dispose au sommet du Parti démocrate américain ?
D’une part, il y avait des perspectives intéressantes de gagner un allié sérieux en la personne du président américain sortant Trump, l’aidant à vaincre le Parti démocrate. D’autre part, Porochenko a fait une mauvaise expérience en surestimant les chances de victoire d’Hillary Clinton. Et il faut reconnaître le courage de l’ancien comédien : il a décidé de maintenir l’équilibre et d’intriguer jusqu’au bout, montrant son utilité à la fois pour Trump (dans le cas de la divulgation de l’ensemble des informations compromettantes sur Biden et son entourage) et pour Biden (dans le cas de la dissimulation de ces informations). Jouant sur deux tableaux, le serviteur de deux maîtres, non sans l’aide du SBU, a pu à la fois collecter des informations compromettantes impressionnantes sur les Américains et ne rien donner de concret à l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani, envoyé par Trump à Kiev pour enquêter, et que Andreï Yermak a rencontré à plusieurs reprises sur ses instructions.
La décision finale de Bankova de jouer pour Biden n’a probablement été prise qu’en octobre 2020, déjà vers la fin de la campagne électorale, lorsqu’il est devenu évident que l’écart entre Biden et Trump ne diminuait pas, même sous l’influence de la publication de nouvelles informations compromettantes. Il convient ici d’accorder une attention particulière à la manière dont, un peu plus tôt, l’ordinateur portable personnel de Hunter Biden, contenant des photos et des courriels extrêmement désagréables pour sa famille, est apparu dans un magasin d’informatique américain.
L’histoire d’une « heureuse coïncidence » dans laquelle une information compromettante stupéfiante de Trump sur le chef du Parti démocrate américain se retrouve entre les mains d’un républicain convaincu en pleine campagne électorale ne semble pas être crue même par les partisans inconditionnels de Trump. Moins fantastique semble la version d’une opération spéciale des services secrets ukrainiens (ou israéliens ?) pour voler délibérément l’ordinateur portable et modifier les informations qu’il contient afin de discréditer Biden en tant « qu’agent chinois » et partisan de la levée des sanctions contre l’Iran.
Ceci est indirectement prouvé par le fait que Hunter était plutôt négligent avec ses effets personnels et pouvait créer des conditions parfaites pour le vol de son ordinateur portable lors des nombreuses sorties alcoolisées qu’il faisait régulièrement en compagnie de ses collègues ukrainiens de Burisma. D’ailleurs, au sein de l’entreprise jusqu’à la mi-2019, il figurait sur la liste des membres du conseil d’administration, participant de temps à autre à ses réunions.
En conséquence, Zelensky n’a pas gagné de gratitude particulière de la part des démocrates, ayant tardé à choisir ses priorités. Cependant, la « question ukrainienne » est sans aucun doute toujours à l’ordre du jour, gâchera l’humeur des dirigeants du Parti démocrate américain pendant longtemps encore et risque de devenir, avec le « dossier chinois », l’un des sujets des prochaines batailles électorales, dont les premières salves se font déjà entendre. Les démocrates sont obligés de se défendre et de continuer à effacer leurs traces. Le 6 avril, M. Hunter a lui-même lancé ses mémoires intitulées « Beautiful Things », dans lesquelles il aborde à la fois le sujet de son travail à Burisma et les circonstances entourant la disparition de l’infortuné ordinateur portable. Niant l’implication évidente de son père dans l’affaire ukrainienne, M. Hunter, dans son livre et dans les nombreuses interviews qui ont suivi sa présentation, a décrit de manière colorée comment il a dépensé l’argent qu’il a reçu de Burisma. Il n’aurait rien donné à son père et ne l’aurait même pas consulté au sujet de son emploi. Mais les Républicains, apparemment, n’ont pas l’intention de remettre l’affaire de la Burisma aux archives. En témoigne peut-être la récente mention de l’affaire par Mike McCormick, le sténographe de la Maison Blanche, dont le livre « The Unauthorized Biden » est devenu en 2020 l’un des exemples les plus brillants de la propagande de Trump.
En guise de conclusion – question numéro quatre
L’article était prêt à être publié sur le site lorsque la nouvelle est tombée qu’un certain Amos Hochstein avait été nommé comme envoyé du Président américain pour s’opposer à la construction du gazoduc Nord Stream 2.
Contrairement à l’hilarant Hunter, cet Américain n’est pas seulement le protégé personnel de Biden mais un véritable connaisseur du pétrole et du gaz. Il a commencé sa carrière au sein du personnel du Parti démocrate américain, travaillant sur la législation relative au contrôle des exportations, les sanctions commerciales, les régimes commerciaux de la nation la plus favorisée et la participation des États-Unis aux organisations économiques internationales au sein de la sous-commission de la politique économique du parti.
En 2011, Hochstein est passé au département d’État, à l’Agence des ressources énergétiques, et a rapidement été nommé adjoint aux affaires énergétiques de l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Carlos Pascual. Le 1er août 2014, Hochstein est devenu envoyé spécial et coordinateur des projets énergétiques internationaux – en fait le diplomate en chef des États-Unis en matière d’énergie, devenant le bras droit du vice-président Joe Biden dans ses efforts pour utiliser l’énergie comme un outil de politique étrangère des États-Unis. M. Hochstein a accompagné M. Biden dans tous ses voyages internationaux, participant à des entretiens avec des responsables et des dirigeants de grandes entreprises du secteur de l’énergie.
Mais c’est après la « révolution de la dignité » qu’il a connu son heure de gloire. Dès août 2014, les représentants de diverses organisations gouvernementales et privées américaines, qui avaient rejoint la lutte pour les actifs énergétiques ukrainiens, sont venus en masse à Kiev. En novembre 2014, le bruit courait que George Soros, idéologue inavoué du mondialisme américain moderne et chef spirituel du Parti démocrate, viendrait à Kiev pour discuter des réformes de Naftogaz. Le milliardaire a eu une série de réunions avec Andreï Kobolev, alors directeur de Naftogaz, et son conseiller principal Iouri Vitrenko. Hochstein était le principal idéologue de la transformation de Naftogaz. En conséquence, le cabinet de conseil américain McKinsey & Co. a été engagé pour réformer la société d’État, et en décembre 2015, un « conseil de surveillance » avec des ressortissants étrangers a été mis en place, conseil qu’Amos Hochstein lui-même dirigeait en fait.
Un « conseil de surveillance » quasi-public s’est vu confier des pouvoirs exceptionnellement étendus pour contrôler et diriger réellement l’entreprise. Sans son approbation, aucun marché ne pouvait être conclu, aucun paiement n’était effectué et aucune vanne de gaz n’était ouverte. Et c’est justement à cette époque que le vocabulaire de la langue ukrainienne moderne s’est enrichi du terme « inversé ».
En 2014, le gouvernement de M. Iatseniouk a même refusé d’acheter du gaz directement à la Russie, expliquant sa décision par son refus de commercer avec le « pays agresseur ». Au lieu de cela, le même gaz russe a été acheté à des fournisseurs européens dans le cadre du « système inversé », lorsque les hydrocarbures étaient d’abord censés entrer sur le territoire de l’UE, puis prétendument renvoyés en Ukraine. Bien sûr, il n’y a pas eu de « flux inversé » en fait – le compteur de gaz fonctionnait, les documents comptables étaient établis, l’argent était transféré, mais le gaz russe n’a jamais quitté le territoire de l’Ukraine. Dans le même temps, les consommateurs ukrainiens ont dû payer aux entreprises européennes un supplément pour la fourniture de gaz sur le marché ukrainien. Ainsi, avec un prix moyen du gaz dans l’UE en 2015-2018 de 211 dollars pour 1 millier de mètres cubes, Naftogaz l’a acheté aux importateurs pour 246 dollars, soit plus cher de 35 dollars (près de 15 %). Il n’est pas difficile de calculer que Naftogaz, qui achète 8,5 milliards de mètres cubes de gaz par an, a surpayé les fournisseurs d’environ 300 millions de dollars par an, et au total, de 2015 à 2020, environ 2 milliards de dollars !
Publication sur le site du portail ukrainien NABULEAKS : Données sur le prix moyen du gaz et les volumes d’importation en provenance d’Europe
Alors qui étaient ces vendeurs ? Ils sont tous bien connus. Le plus important d’entre eux était l’ERU Trading (Energy Resources of Ukraine). La société contrôlait jusqu’à 8 % de l’ensemble du marché inversé. Le propriétaire ultime de cette société – un natif de Moscou avec des racines à Odessa, un citoyen américain nommé Andreï Favorov, qui a travaillé dans les années 2000 dans les branches européennes de la société énergétique américaine AES, où il a découvert le secteur du gaz ukrainien. Mais, surtout, il est un ami proche et un partenaire d’Andreï Kobolev, et depuis 2018, il est aussi son adjoint chez Naftogaz (et la même année, sa société a changé de nom pour devenir Worland Trading).
Publication sur le site web du portail ukrainien NABULEAKS : Composition de la holding ERU et données sur ses revenus en 2015-2018
Il est clair que tous ces stratagèmes ne pouvaient pas rester hors de vue du conseil de surveillance et d’Amos Hochstein personnellement. Apparemment, l’Américain est le principal inventeur, ainsi que le gestionnaire du système inversé, qui permet au Parti démocrate américain de participer à l’obtention de superprofits corrompus sur le marché énergétique ukrainien. De manière révélatrice, Biden, dans des conversations téléphoniques rendues publiques par Derkatch, a dû demander à plusieurs reprises à Porochenko de ne pas toucher à Hohstein ou d’écarter Kobolev et d’autres dirigeants de Naftogaz – la première fois lorsque le gouvernement d’Iatseniouk a démissionné, et la deuxième fois déjà en décembre 2016, juste avant l’investiture de Trump. En maintenant l’intégrité du système inversé même après leur départ pour l’opposition, les démocrates ont continué à recevoir des ressources financières astronomiques en 2017-2019, plusieurs fois (des dizaines voire des centaines de fois) supérieures même aux millions de dollars reçus de Burisma.
Publication sur le site web du portail ukrainien NABULEAKS : schéma de « protection » des systèmes de corruption sur le marché du gaz de l’Ukraine et canaux de transfert des fonds obtenus illégalement vers des sociétés offshore
Dans cette optique, le nouveau round de la lutte de l’administration américaine contre Nord Stream 2 semble également différent. Si pour Trump, les intérêts des producteurs nationaux de gaz naturel liquéfié, dont il souhaite que les produits remplacent les fournitures de gaz russe à l’UE, passent en premier, pour Biden, il s’agit probablement de finances personnelles. Le lancement du nouveau gazoduc entraînera une baisse du volume de gaz russe pompé à travers l’Ukraine, ce qui signifie moins de « flux inversé » et une baisse des revenus pour les sociétés importatrices contrôlées par Hochstein et ses mécènes de Washington.
Cette histoire soulève encore de nombreuses questions, mais il est d’ores et déjà clair que l’effet néfaste potentiel de l’affaire Hochstein sur la réputation du Parti démocrate américain pourrait dépasser de loin l’impact du scandale de la Burisma.
Il y a une autre chose à signaler : les protégés de Biden au sein du gouvernement ukrainien ont décidé de renforcer le Conseil de sécurité nationale et de défense avec leur propre personnel afin de dissimuler les informations sur leurs machinations. La célèbre Polina Chizh, l’un des participants au scandale de la fuite d’informations confidentielles du NABU vers l’ambassade des États-Unis à Kiev, ainsi que l’organisatrice du harcèlement du procureur général Chokine au printemps 2016, a été nommée à la tête du Centre de lutte contre la désinformation au sein de la structure étatique. Apparemment, à partir de maintenant, toutes les révélations de corruption seront qualifiées de désinformation menaçant la sécurité de l’État.
source : https://ukr-leaks.com
traduit par Christelle Néant pour Donbass Insider
via https://www.donbass-insider.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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