Catherine Lalonde
Si tout le secteur des arts a été durement frappé par la pandémie, la danse, déjà précaire en temps normal, s’en trouve écorchée. Cette discipline, comme le cirque, où l’entraînement régulier et en groupe est une des clés de la virtuosité, souffre que sa pratique soit empêchée ou diminuée par les restrictions sanitaires. La ministre de la Culture, Nathalie Roy, a ainsi annoncé lundi l’octroi de 6,5 millions de dollars supplémentaires pour soutenir la danse dans cette crise.
L’enveloppe sera gérée par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). « En raison des impératifs de distanciation, du manque d’entraînement des artistes et de l’absence de revenus aux guichets, la danse est l’un des secteurs qui ont été très éprouvés par la pandémie, a indiqué la ministre par voie de communiqué. C’est pourquoi notre gouvernement juge essentiel de soutenir les projets d’interprètes et d’organismes de ce secteur. »
Comment arriver à relever toute la danse, des interprètes aux grandes compagnies, des studios aux salles en passant par les professeurs — sans oublier les liens à renouer avec les spectateurs ? « Il faut trouver des solutions sur tous les plans, pour les organismes et les individus, pour les compagnies et les artistes », estime la coprésidente du Regroupement québécois de la danse (RQD), Jamie Wright.
Encore plus si les restrictions sanitaires « encouragent » pour les prochaines années les créations de solos, de duos ou de très petites distributions, ajoute-t-elle. Cela minimiserait certes les risques de propagation du virus, mais ferait travailler moins de danseurs, qui seront conséquemment moins aptes à payer leur loyer et à avoir les sous pour manger.
« Car on en est là : on a des membres qui ont du mal à se nourrir », s’attriste Mme Wright.
D’ici quelques semaines, le Regroupement québécois de la danse (RQD) dévoilera son plan de relance, avec des actions pensées pour soutenir tout l’écosystème du secteur. Le plan inclura notamment les recommandations de la Table de concertation des organismes en danse, qui a réuni une cinquantaine de ceux-là depuis l’automne dernier. Des Productions Anne Plamondon aux Grands Ballets canadiens de Montréal, de Diagramme gestion culturelle à la Maison pour la Danse, de Mandoline Hybride à Mayday Danse, un panel fort représentatif s’est penché, par comités, sur des pistes de solutions. Des rencontres régulières avec le CALQ ont eu lieu tout au long du processus.
« Toutes les recommandations ont été approuvées unanimement » par les organismes consultés, souligne le chorégraphe Sylvain Émard, co-initiateur de la Table de concertation avec Francine Bernier (Agora de la danse) et Pierre des Marais (Danse Danse). « C’est fou ce que le sentiment d’urgence peut susciter, ce que les moments de crise peuvent provoquer comme désir de collaborer, de se serrer les coudes, de trouver des solutions », ajoute M. Émard, qui estime que les propositions « servent l’écologie du milieu ». « C’est un travail admirable, fait avec une solidarité jamais vue », abonde Jamie Wright, du RQD. Et il ne faut pas oublier les individus » et toutes les voix diverses qui font la danse et qui portent peut-être moins fort, temporise-t-elle : les artistes, les danseurs indépendants, les pluridiffuseurs, par exemple.
Retrouver la forme
Le nouveau soutien financier de Québec permettra d’assurer « aux interprètes et aux chorégraphes une remise en forme physique et artistique sécuritaire », précise Jamie Wright, les aidant à surmonter « les conséquences de l’inactivité imposée aux interprètes » en raison de la pandémie. « Il y a une détresse qui vient chez les danseurs avec l’inactivité, avec le fait d’être sédentaire quand ta pratique est axée sur la mobilité et la mobilisation », note celle qui est elle-même danseuse. Avec cette nouvelle aide gouvernementale, penser le ruissellement de l’argent jusqu’aux artistes est important pour les organismes, relève de son côté Sylvain Émard, de la Table de concertation des organismes en danse. Même si « on ne sait pas encore comment ces nouvelles sommes vont être ventilées » par le CALQ.
« Il y a un consensus qui se dégage autour du territoire : si on veut remettre véritablement la danse au travail, ça doit se faire prioritairement au Québec », poursuit le chorégraphe. Mme Wright insiste par ailleurs sur la nécessité d’« aider le développement des initiatives qui ont déjà commencé à apparaître en région, et qu’il faut renforcer ».
Il y a une détresse qui vient chez les danseurs avec l’inactivité, avec le fait d’être sédentaire quand ta pratique est axée sur la mobilité et la mobilisation— Jamie Wright
Ce travail à faire à la grandeur du Québec est « un chantier, un gros boulot », reprend Sylvain Émard. Il est néanmoins nécessaire, surtout depuis que les portes de la diffusion internationale se sont fermées ; portes que la danse franchissait régulièrement, parfois prophète mieux reçu ailleurs qu’en son pays.
Dans la foulée, indique Mme Wright, il faut permettre les formes de structures hybrides, afin que des lieux qui font un peu d’enseignement de danse, un peu de création, un peu de diffusion puissent trouver du financement « sans avoir à remplir huit demandes différentes de subventions à chaque exercice ». Et comme les études indiquent que l’amour de l’art de la danse se développe souvent par sa pratique, en loisirs, l’idée semble logique pour développer aussi un public loin des grands centres.
L’accès à des résidences de création, où les artistes sont payés pour peaufiner la présentation de leur travail, est aussi un des axes proposés.
Source : Lire l'article complet par Le Devoir
Source: Lire l'article complet de Le Devoir