La question du sens, celle de la mort, du bien et du mal relèvent de la vie ordinaire. Voilà qui est fort important pour apprécier à neuf la pertinence et la profondeur de l’art, sa vérité, c’est-à-dire sa fidélité à la vie même de tous les humains.
« La littérature s’occupe de l’ordinaire, écrivait James Joyce, ce qui est inhabituel et extraordinaire appartient au journalisme. » L’art s’adresse en effet à la dimension « ordinaire », plus « archaïque » de l’être humain. Même Kafka doit sa puissance au fait de dégager du fantastique de l’expérience ordinaire (par opposition à de la pure fantaisie).
Résumons : le discours poétique convient parfaitement aux choses humaines.
L’homme est un être dans le monde, contingent. La vie quotidienne apparait banale et les évènements de la vie n’offrent pas une trame cohérente. Ils paraissent même souvent irrationnels, arbitraires, absurdes. Le singulier, constatent les philosophes depuis l’aube des temps, ne peut pas être défini et n’a pas l’intelligibilité de l’universel.
Le cœur de la littérature
Les contes de fées s’avèrent une première approximation du problème numéro un, celui du Bien et du Mal. Ce problème, tel qu’il est vécu en situation, est de fait le thème central de toute la littérature, eu égard surtout aux « situations limites » (Karl Jaspers), telles que la mort et la souffrance.
Aussi, l’art nous présente-t-il « une vérité plus profonde sur la vie humaine que toutes les recherches des sciences du comportement », ainsi que l’affirmait à juste titre William Barrett dans Time of Need.
La question ultime par excellence demeure celle du sens de la vie.
Barrett a magistralement montré avec quelle insistance l’art de notre temps, sous toutes ses formes, nous révèle cette question telle qu’elle est vécue à cette époque, la nôtre, que Nietzsche qualifiait avec raison de nihiliste. Cette question échappe au discours factuel, elle se trouve en dehors du cercle infini des faits, comme l’a bien montré Wittgenstein. C’est assez dire encore combien l’art est profond.
En un mot, sa vérité est aussi vérité de vie, Veritas vitae.
Le sens du sens
Qu’on me permette de reprendre ici ce que j’ai déjà écrit ailleurs (De la dignité humaine, 1995) : avec une profusion inouïe, proprement infinie, le génie, la création artistique donnent du sens et nous débordent de toute part. L’art étonne, fait ressurgir incessamment du sens – ou une absence de sens, ce qui revient au même, puisque c’est poser la question. Mais alors, faut-il se demander, d’où vient ce sens, cette perpétuelle quête de sens ?
Cet article est paru dans le numéro du mois de mars de la revue Le Verbe. Cliquez ici pour consulter la version originale.
Proust l’a magnifiquement dit, dans son style inimitable : « Il n’y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour […] l’artiste athée à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Vermeer. »
C’est là poser à nouveau la question du sens du sens.
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