Renaud Lapierre Ing. LL.L. est entrepreneur environnemental
Sophie Villeneuve, MBA, est entrepreneure impliquée
Le rêve de devenir entrepreneur peut souvent sembler inaccessible, spécialement lorsque l’on entre dans le marché du travail. Pourtant, la force vive économique des 18-45 ans représente un potentiel inouï qui mériterait un coup de pouce pour permettre une création de richesse. Créative, cette frange de la population mériterait qu’on lui dédie des mesures spécifiques afin de permettre le nécessaire changement vers une nouvelle économie, plus verte et plus inclusive, dont nous aurions tort de nous priver, surtout en ce moment.
Au Québec, entre 2016 et 2020, la répartition des entrepreneurs par groupe d’âge démontre que 63,4 % des entrepreneurs ont plus de 45 ans. Seulement 5 % d’entre eux ont moins de 30 ans. Selon une étude récente menée par le cabinet d’avocats Osler, seulement 4,4 % des entreprises canadiennes cotées au TSX sont dirigées par des femmes. Seulement 16 % des PME canadiennes ont une femme à leur tête.
La COVID a malmené les entrepreneurs. Spécialement les jeunes entrepreneurs québécois. En 2020, le Québec comptait 9 % moins d’entrepreneurs. Les plus âgés ont mieux résisté. L’âge moyen des entrepreneurs a par ailleurs augmenté au cours de la crise, il est maintenant de 50 ans. Chez les femmes entrepreneures, la diminution fut encore davantage marquée — 11,6 % vs – 8 % pour les hommes.
Inverser la tendance
À l’inverse, une récente étude montrait, quant à elle, que les intentions et les démarches en vue de créer ou de reprendre une entreprise étaient en hausse dans la strate d’âge des 18-35 ans ; de plus, les femmes sont nettement en avance sur les hommes pour leur volonté de devenir entrepreneure (24,6 % vs 17,3 %).
Comment faire en sorte qu’un gouvernement versé en économie — Premier ministre en tête — non seulement permette le renversement de cette tendance à la baisse de l’entrepreneuriat en raison de l’âge et de la COVID en stimulant les initiatives, mais encore profite de cette hausse récente de l’engouement de l’entrepreneuriat chez les jeunes, et particulièrement chez les femmes ?
Inspiré d’un programme mis en place dans les années 90 sous le gouvernement Parizeau, mais évitant ses failles, un nouveau programme visant le démarrage d’entreprises s’appuierait sur les principaux critères que voici. Pour limiter, d’entrée de jeu, les sorties de fonds du gouvernement et responsabiliser les demandeurs, cette aide devrait prendre la forme d’une garantie de prêt pouvant varier de 100 000 $ à 200 000 $ et être limitée à 85 % du montant. En impliquant ainsi les banques ou les caisses populaires et en les obligeant à prendre minimalement 10 % du montant sans garantie, non seulement nous garantissons que leur analyse sera sérieuse et complète, mais aussi nous éviterons d’alourdir la machine gouvernementale et donnons aux banques l’occasion de générer une partie de leur future clientèle.
Mais qui accordera le 5 % manquant du montant ? Selon nous, le programme devrait impérativement prévoir, dans les projets retenus, l’ajout d’un mentor, idéalement expérimenté dans le domaine dudit projet, pour un minimum de deux ans, qui fournirait lui-même ce 5 %, par exemple.
Ces deux mesures centrales agiraient de façon à limiter les projets moins bien ficelés et à encadrer leur démarrage sur des bases solides. Le niveau de prêt pourrait être défini de manière à inclure des modalités qui valoriseraient certains projets, notamment, s’ils se situent dans le secteur de l’économie verte, ou ont comme promoteur une femme, ou un autochtone, ou un immigrant, et plus encore, s’ils offrent la possibilité d’une occupation plus efficace du territoire québécois.
Toutes ces modulations permettraient non seulement de ne laisser échapper aucune intention entrepreneuriale ferme, mais en outre de générer une nouvelle relève dans tout le Québec.
Enfin, pour motiver davantage cette cohorte d’entrepreneurs à agir, cette garantie de prêt devrait se transformer — c’est l’approche actuellement choisie par le gouvernement — en une subvention pardonnable qui, là aussi, pourrait varier de 20 % à 30 %, selon le nombre d’emplois créés ou encore la survie de l’entreprise après deux ans. Les premières subventions pourraient venir couvrir les engagements du mentor et de la banque. De plus, le gouvernement limiterait la longueur de sa garantie de prêt à un maximum de quatre ans par projet et pourrait dans un premier temps être plafonné à un niveau de garantie global de 500 millions de $. Tout bien pesé, nous estimons que c’est une façon peu coûteuse de mettre cette armée d’entrepreneurs au service de l’économie du Québec.
Rêver de plus d’entreprises et de jeunes pousses 100 % québécoises nous semble non seulement ambitieux et grisant, mais également être la voie d’avenir à emprunter afin de s’assurer de stimuler l’économie de la relance. Les idées innovantes nous viennent souvent de jeunes entrepreneurs à qui les ressources manquent pour aller de l’avant et se déployer. Il est grand temps de nous offrir la chance de les aider.
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