« Nous sommes en guerre » : Macron et le « choix de la défaite » — Guillaume SUING

« Nous sommes en guerre » : Macron et le « choix de la défaite » — Guillaume SUING

Il y a plus d’un an, Macron martelait à la télé : « Nous sommes en guerre ». A l’époque, il fallait justifier les raisons d’un confinement « strict », dans l’urgence, et beaucoup ont peut être souri face à l’incompétence légendaire du Foutriquet en culotte courte. Macron ? En guerre contre le virus ? Avec quels moyens publics ? Nous n’étions sans doute pas « en guerre », mais incontestablement en totale insécurité, la suite l’a largement prouvé …

Cependant avec le recul, nous n’avons peut être pas pris suffisamment cette formule au sérieux. En effet, lors des guerres qui ont marqué l’histoire de France, les vraies, des constantes se manifestaient… qui signent encore la « guerre sanitaire » que nous subissons depuis un an.

La guerre, c’est quand notre « pluralisme » passe à la propagande de guerre

Tous ceux qui ont gardé en mémoire la façon dont nos médias traitaient « en direct » la guerre du Golfe, avec pour seule source d’information assumée l’Etat major de l’OTAN, comprennent sans doute de quoi nous parlons. Quand « nous sommes en guerre », les médias se mettent au diapason. Plus une seule voix dissidente. Une évidente « unanimité », un « devoir de pédagogie » de la part de tous les « chroniqueurs » de plateaux, flanqués de « spécialistes » chargés de prêcher la bonne parole et de distribuer les bons et mauvais points. Il n’y a pas plus ici de « dictature » que dans toute autre circonstance politique nationale : c’est bien la manière d’être d’un pouvoir capitaliste illégitime chaque fois que la contestation menace vraiment. Il articule un pseudopluralisme sur les sujets secondaires (et encore !) et le doigt sur la couture du pantalon quand les « circonstances l’exigent » dans les sujets centraux. On dénoncera volontiers avec toute la force de persuasion qui leur reste les « complotistes » du bas-peuple, et l’amalgame deviendra la règle.

La censure elle-même, pourtant niée depuis des décennies, n’a jamais été aussi bien assumée qu’aujourd’hui, et on trouvera dans celle des tribunes de Laurent Mucchielli par exemple (dont l’une avait été commandée puis immédiatement décommandée par la presse « officielle »1) un cas d’école, loin d’être isolé. On verra aussi dans l’avalanche des censures et autres intimidations numériques actuelles, sur les réseaux sociaux, une forme nouvelle, inédite mais combien attendue, de répression pour délit d’opinion.

La guerre, c’est quand une certaine « gauche », sidérée, n’ose plus rien dénoncer

Il fut un temps où les forces progressistes, anticoloniales, antiguerre, organisaient de puissantes manifestations contre la guerre en Algérie, contre la guerre au Vietnam… Que d’eau a coulé sous les ponts… Jusqu’aux bombardements de Belgrade, de Baghdad, de Tripoli, lors desquels la « gauche » se déchire sur l’air de « la guerre, faut quand même bien admettre que c’est nécessaire ». Le « ni-ni » des partis de gauche actuelle est encore, y compris pour cette crise sanitaire, une forme de « sidération » politique. On ne sait plus très bien quoi dénoncer : Pas assez de restrictions ? Ou trop de restrictions ? Dictature pour les uns, laxisme coupable pour d’autres… Le pouvoir se frotte les mains face à une telle cacophonie, en poursuivant sa politique de conseil de guerre, shuntant toutes les instances démocratiques et réprimant les manifestations avec zèle et « légitimité ».

C’est pourtant simple : Les restrictions, c’est dans les situations d’urgence, quand on n’est pas prêts, et surtout en parallèle d’actions concrètes de l’Etat. En Chine, le confinement n’a pas concerné le pays entier, et il a eu lieu tout de suite, « au bon moment », une ville à la fois, et en parallèle on a construit des hôpitaux en 15 jours, on a soigné et traité les malades y compris chez eux et lors des phases précoces, on a systématisé le « tester tracer soigner » immédiatement. En gros, tout le contraire de la gestion française. Ici on a confiné trop tard et (pour le deuxième) une fois le pic passé, avec des pénuries majeures en tout : masques dans les lieux fermés, tests, intubateurs, lits d’hôpitaux, et même aujourd’hui vaccins… Tout ce qui aurait permis d’éviter une réédition des confinements. Le problème n’est donc pas « le » confinement, ou « le » port du masque : aujourd’hui combien de pays en sont, comme le prétendu « totalitarisme chinois », à ne plus l’imposer ? Personne n’impute l’incontestable succès de la Chine contre le virus à la « rigueur du confinement » (vision réductrice et absurde) : C’est à l’ensemble des décisions coûteuses qu’ils ont pris sur le plan économique et industriel (dont le confinement partiel n’est qu’un aspect secondaire, de plus en plus lointain aujourd’hui d’ailleurs) qu’ils doivent évidemment leur victoire.

Heureusement le statu quo n’est pas unanime et des partis de gauche comme la France Insoumise en France ou le PTB en Belgique dénoncent aujourd’hui les répressions « sanitaires » quitte à se faire accuser par leurs « camarades » d’irresponsables…

La guerre, c’est surtout quand nos « élites » nous trahissent pour l’ennemi !

Le problème de la bourgeoisie n’est pas de « gagner une guerre » (coûteuse, même si c’est toujours le peuple qui la paye), mais de rester au pouvoir, moyennant quelques concessions. C’est ainsi que la trahison pure et simple du peuple est devenue l’apanage de la gestion bourgeoise des invasions. En 1871, en pleine débâcle et quand les versaillais avaient décidé de faire payer au peuple le tribu de guerre exigé par les allemands, c’est bien ce peuple qu’il a fallu écraser, par une guerre civile sanglante, et non « l’ennemi à nos portes ». Avant la Commune de Paris, le député Gambetta fut bien le seul idéaliste, en pleine débâcle de la guerre de 1870, à chercher à reconstituer une armée à Bordeaux, quand tous ses collègues avaient déjà conclu l’issue de la capitulation. Bien mal lui en prit !

Même histoire en 1940 quand l’ensemble du gouvernement et des Etats majors, préférant « Hitler au Front Populaire », jeta les bases de la collaboration avec l’envahisseur nazi : Il se trouva peu de généraux pour proposer, dans le désert, des contre-stratégies de résistance. C’était le fameux « choix de la défaite » dans le sillage de Philippe Pétain, vous savez, celui que Macron qualifia de « bon commandant » il y a peu…

A vrai dire, même dans l’Etat major sanitaire, il s’est trouvé cette année de tels « généraux » dissidents, soucieux de bien faire et rétifs aux stratégies bien connues de la « panique » et de « l’Etat d’urgence » pour faire passer toutes les « pilules ». On sait comment ils ont été traité par l’establishment politico-médiatique et une partie de sa fausse opposition. Ces derniers ont trop besoin d’assimiler toute contestation scientifique sérieuse aux marécages complotistes et autres « idiots utiles » du pouvoir… Pour saboter les recherches de l’Institut Pasteur, les moyens qui auraient permis l’élaboration d’un vaccin français immédiatement disponible, la capacité de soigner avec des médicaments repositionnés pour gérer l’urgence, pour résister aux lobbys pharmaceutiques étasuniens, aux injonctions mortifères de l’Union Européenne, aux pressions du « consensus scientifique mondial » (comprendre « consensus scientifique occidental ») contre l’importation de vaccins russes ou chinois, il fallait un minimum de souveraineté nationale. Souveraineté nationale sans laquelle aucune « guerre » ne peut être gagnée, évidemment, fût-elle sanitaire…

1. https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/270920/il-est-urgen…

»» https://cms.e.jimdo.com/app/sfc1e3a1d65db6d15/pa3c78d80a96e2832++cs_INTERRO++cmsEdit=1

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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