par Clara Weiss.
Les États-Unis et l’OTAN intensifient dangereusement leurs menaces contre la Russie au sujet de l’Ukraine.
Mardi, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a insisté sur le fait que l’OTAN déciderait de l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance. Il a dit que l’Ukraine, qui a fait pression pour une admission accélérée, avait le droit « de demander son adhésion ». Il a dénoncé la Russie qui aurait déplacé ses troupes vers la frontière ukrainienne, qualifiant ce mouvement « d’injustifié, inexpliqué et profondément préoccupant ».
Stoltenberg et le secrétaire d’État américain Antony Blinken ont tous deux rencontré à Bruxelles le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, qui a insisté pour que l’OTAN admette l’Ukraine en son sein. La veille, CNN a publié un reportage vidéo avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky où ce dernier a lui aussi insisté pour que l’OTAN admette l’Ukraine le plus rapidement possible – même au risque d’une escalade du conflit avec la Russie.
Plus tard dans la journée de mardi, le président américain Joe Biden s’est entretenu avec le président russe Vladimir Poutine, soulignant à nouveau le soutien des États-Unis à l’Ukraine. Il a également proposé la tenue d’un sommet dans les mois à venir pour discuter des relations américano-russes et a exhorté la Russie à « désescalader » la situation.
En réalité, c’est l’OTAN et l’Ukraine qui ont agressivement fait monter les tensions dans la région. L’adoption d’une stratégie de « reprise » de la Crimée par le gouvernement Zelensky et les discussions ouvertes sur une offensive ukrainienne dans l’est de l’Ukraine sont à l’origine de la flambée actuelle du conflit. Tous deux revenaient à déclarer que l’Ukraine se préparait à une guerre totale avec la Russie.
Un coup d’État, soutenu par les États-Unis et l’UE a eu lieu à Kiev par des forces d’extrême droite contre le gouvernement pro-russe de Viktor Ianoukovitch en février 2014. Suite à cela, la population largement russe de la péninsule de Crimée, qui abrite la base navale de la flotte russe de la mer Noire, a voté, à une très large majorité la sécession d’avec l’Ukraine et l’annexion à la Russie. Le coup d’État a également déclenché une guerre civile entre les séparatistes soutenus par la Russie et l’armée ukrainienne dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Elle dure maintenant depuis sept ans et a fait plus de 14 000 morts et déplacé des millions de personnes.
Le gouvernement ukrainien a lancé ces provocations quelques semaines seulement après l’entrée en fonction du président démocrate Joe Biden, qui s’est lancé dans une politique agressive à l’encontre de la Russie et de la Chine.
Les États-Unis déploient maintenant deux navires de guerre dans la mer Noire, via les détroits turcs, à partir du 14 avril. Selon le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, l’OTAN a rassemblé 40 000 soldats et 15 000 pièces d’équipement militaire le long des frontières de la Russie, surtout dans la région de la mer Noire et dans les pays baltes.
Mardi, l’OTAN a lancé « Locked Shields 2021 » (Boucliers verrouillés 2021) ; on l’a décrit comme le plus grand exercice de cyber-guerre au monde. Centré sur les pays baltes, il implique que l’OTAN s’exerce à protéger les infrastructures civiles et militaires, telles que les installations de traitement de l’eau et d’énergie, en cas de conflit international.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, a répondu aux déclarations provocatrices des représentants du gouvernement américain en qualifiant les États-Unis « d’adversaire ». Il a dénoncé le déploiement américain de deux navires de guerre, avertissant les États-Unis « de rester loin de la Crimée et de notre côte de la mer Noire. Ce sera pour leur propre bien ». La Russie mène actuellement des exercices militaires sur son front sud et dans la mer Noire.
Les actions de l’OTAN, et surtout les menaces d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, sont des provocations extraordinairement téméraires, faisant directement courir le risque d’une guerre entre la Russie, dotée de l’arme nucléaire, et les puissances de l’OTAN.
La Russie a depuis longtemps averti que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN franchirait une ligne rouge. Depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991, l’OTAN, malgré des promesses contraires, s’est étendue de plus en plus près des frontières de la Russie. Cela comprend la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie et les États baltes. C’est également dans le cadre de l’encerclement de la Russie que les États-Unis et l’Allemagne ont organisé deux coups d’État en Ukraine, en 2004 et 2014.
La région de la mer Noire est un élément important de la stratégie américaine, visant à contrer à la fois la Russie et la Chine. Un récent rapport du groupe de réflexion « Center for European Policy Analysis » (Centre d’analyse des politiques européennes – CEPA), basé à Washington, souligne que « l’influence croissante de la Russie (et de la Chine) dans la BSR [région de la mer Noire] affecte les intérêts occidentaux plus larges au Moyen-Orient, en Méditerranée et en Asie du Sud-Ouest ».
Le rapport, rédigé par un ancien commandant de l’armée américaine en Europe, exhorte l’OTAN à « inviter la Géorgie à adhérer à l’OTAN et à mettre l’Ukraine sur la voie rapide de l’adhésion ». Il préconise également de rendre la flotte russe de la mer Noire « vulnérable » au large de la Crimée, notamment par « le déploiement de drones et de missiles de croisière… et le déploiement de capacités de pose de mines ».
D’autres rapports récents de groupes de réflexion ont souligné la nécessité de contrer l’influence de la Chine dans la région, qui a établi des relations économiques étroites avec plusieurs pays, dont l’Ukraine.
C’est précisément en raison de l’intersection de divers conflits et intérêts géopolitiques que la crise dans la région de la mer Noire a le potentiel de déclencher une guerre régionale, voire mondiale, catastrophique. Le conflit a déjà impliqué la Turquie, la Pologne et la Biélorussie.
Ce week-end, le président turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré Zelensky, approuvant la belligérante « plate-forme de Crimée ». En outre, ce n’est que grâce à l’autorisation accordée par Ankara que les États-Unis peuvent légalement déployer leurs navires de guerre en mer Noire.
Avant la réunion, Poutine avait appelé Erdogan pour lui demander explicitement de ne pas soutenir l’Ukraine dans le conflit et de ne pas abroger la convention de Montreux de 1936, qui régit le passage entre la mer Noire et la Méditerranée et limite les déploiements de navires de guerre. La classe dirigeante russe considère la convention de Montreux comme essentielle pour éviter que la mer Noire ne devienne « un lac américain », comme l’a dit un député de la Douma d’État.
Lundi, la Russie a suspendu tous les voyages aériens avec la Turquie, invoquant l’explosion des cas de coronavirus dans le pays. D’autres pays, dont le Royaume-Uni, ont également mis fin aux voyages aériens vers la Turquie en raison de la pandémie. Mais, les commentateurs supposent que cette mesure était une réponse au soutien apporté par Erdogan à Zelensky.
Des mouvements de troupes ont également eu lieu en Biélorussie et en Pologne. En début de semaine, le gouvernement polonais aurait commencé à envoyer des troupes à sa frontière avec la Biélorussie. Varsovie a nié que ce déploiement ait un rapport avec la crise de la mer Noire. Toutefois, ce déploiement intervient un peu plus d’une semaine après l’envoi par la Russie de troupes à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie. Mardi, le Ministère de la Défense biélorusse a convoqué l’attaché de l’Ambassade de Pologne après qu’un avion non identifié eut violé l’espace aérien biélorusse à sa frontière avec la Pologne.
Les tensions entre la Biélorussie et la Pologne se sont accrues ces derniers mois, Varsovie ayant ouvertement soutenu l’opposition anti-Lukashenko. Varsovie est également étroitement lié à la campagne de guerre de l’OTAN contre la Russie et avec le gouvernement ukrainien de Zelensky, dont Varsovie soutient la « plate-forme de Crimée ».
En revanche, le président Alexandre Loukachenko, assiégé par des manifestations de masse qui, au départ, englobaient également des sections importantes de la classe ouvrière, s’est récemment tourné vers l’oligarchie russe pour obtenir un soutien politique et militaire, mettant ainsi en péril les liens étroits que la Biélorussie entretenait auparavant avec Kiev.
L’actuelle crise guerrière illustre de manière frappante le résultat désastreux de la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991. La fin de l’Union soviétique était le point culminant de la trahison de la Révolution d’octobre par la bureaucratie stalinienne pendant des décennies.
Trois décennies après la restauration du capitalisme, le niveau de vie de la classe ouvrière a été décimé partout, et les guerres sans fin de l’impérialisme américain ont dévasté une grande partie de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. L’ancienne Union soviétique elle-même s’est transformée en une poudrière géopolitique.
La classe ouvrière n’a aucun intérêt dans les guerres catastrophiques qui se préparent. Déjà, les hôpitaux de la région sont débordés et des milliers de personnes meurent chaque jour du COVID-19 à cause de la réponse criminelle de la classe dirigeante à la pandémie. Aux États-Unis, la pandémie a fait plus de victimes que les deux guerres mondiales réunies.
En Ukraine même, une énorme hostilité populaire existe à toute poursuite, sans parler de l’expansion, du conflit avec la Russie. Cependant, l’opposition à la guerre impérialiste au sein de la classe ouvrière internationale doit être armée d’un programme et d’une direction politiques.
Prévoyant le début d’une nouvelle période de guerre et de révolution sociale, le Comité international de la Quatrième Internationale a organisé en novembre 1991 une Conférence des travailleurs contre la guerre impérialiste et le colonialisme à Berlin. Le Manifeste de la conférence, publié il y a presque exactement 30 ans, le 1er mai 1991, concluait : « La défaite de l’impérialisme et de la menace du colonialisme et de la guerre ne peut être garantie que par l’unification internationale de la classe ouvrière. Cette unité peut seulement être réalisée par la construction de la Quatrième Internationale – le Parti mondial de la révolution socialiste ».
source : https://www.wsws.org
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