Vaccins contre la COVID-19 : histoires de monopole, de chantages et d’inégalités (CubaDebate) — Randy Alonso Falcón, Edilberto Carmona Tamayo

Vaccins contre la COVID-19 : histoires de monopole, de chantages et d’inégalités (CubaDebate) — Randy Alonso Falcón, Edilberto Carmona Tamayo

Un article que certains pourront trouver long, très long il est vrai ! Mais c’est un document qui peut servir de référence. Car il s’agit plutôt d’un dossier extrêmement complet, une analyse très poussée et documentée comme nous aimerions en lire plus souvent dans les médias français assez discrets y compris dans le journalisme d’investigation…ceux-ci ne devraient-ils pas poser les vraies questions pour nous éclairer comme cela leur incombe ? ?

Cela vaut la peine de se poser un moment et de réfléchir loin des analyses superficielles, des contradictions des dizaines de médecins et autres pseudo spécialistes qui se succèdent sur nos écrans, sur nos ondes et dans les réseaux sociaux.

Chantal Costerousse

* * *

Les appréhensions que le vaccin AstraZeneca / Oxford a suscitées dans certains pays, la sale campagne des États-Unis contre le vaccin russe Spoutnik V et le refus notifié des nations les plus puissantes de permettre à leurs sociétés pharmaceutiques de libérer temporairement les brevets de leurs antidotes contre la COVID- 19, ont encore mis à rude épreuve la disponibilité des vaccins et ont approfondi les profondes différences dans le droit à la vie entre les puissants et les pauvres dans ce monde.

Jamais auparavant une urgence sanitaire n’avait tant frappé dans autant d’endroits et en si peu de temps. La COVID-19 a déjà affecté plus de 120 millions de personnes dans le monde et a causé la mort de plus de 2,6 millions d’êtres humains.

Un tel défi universel méritait une réponse globale et coordonnée. Mais une fois encore, passant outre les exigences de l’ONU et de l’Organisation mondiale de la santé, ce sont les nationalismes, les mesquineries, le pouvoir écrasant des sociétés trans-nationales, « le sauve qui peut », qui ont prévalu.

Les vaccins semblent être les seuls obstacles efficaces à la pandémie. Seule une vaccination majoritaire de la population mondiale pourrait arrêter la transmission croissante du virus SRAS-CoV-2. Mais ni les transnationales pharmaceutiques ni les gouvernements des pays riches n’ont cette vocation de réponse collective et de solidarité mondiale.

QUI PEUT DEVELOPPER ET PRODUIRE DES VACCINS ?

L’industrie pharmaceutique et biotechnologique souffre d’une forte concentration et d’une transnationalisation. Les grandes entreprises des pays développés et des économies émergentes monopolisent la recherche, la production et la distribution de médicaments. Neuf d’entre elles font partie des 100 entreprises qui génèrent le plus de revenus au monde.

Selon Euromonitor Global, l’industrie pharmaceutique est responsable de près de 4% de l’activité de production mondiale. Si c’était un pays, il serait parmi les 15 économies les plus riches de la planète. Près de la moitié des ventes totales du secteur proviennent de la Chine et des États-Unis, suivis de la Suisse, du Japon, de l’Allemagne et de la France.


Ce marché mondial a généré 37 milliards de dollars en 2018 et on estime qu’en 2027 il dépassera 64,5 milliards.

Les nations sous-développées – qui sont la grande majorité – n’ont guère la capacité de développer leurs propres vaccins (Cuba est l’une des rares exceptions honorables) et n’ont pas non plus leurs propres capacités de production. Cela leur a laissé peu de marge de manœuvre pour influencer l’évolution inégale des vaccins au milieu de la pandémie.

Depuis que l’OMS a déclaré le COVID-19 comme pandémie le 11 mars 2020, elle a appelé à une solution concertée et conjointe face à la menace. Mais la logique furieuse du marché dicte les orientations dans notre monde et ce qui s’est passé depuis lors est une course effrénée pour se faire une cible (immunitaire et financière) dans laquelle les crocs en jambe, les pressions et même les chantages n’ont pas manqué.

Les grandes puissances se sont alliées dès le départ aux plus grandes sociétés pharmaceutiques pour gérer convenablement la recherche d’une solution qui leur permettrait de sortir avantageusement de la crise sanitaire et économique qui ravage le monde.

Les gouvernements ont fourni au moins 8,6 milliards de dollars pour le développement de vaccins, selon la société d’analyses Airfinity.

Les États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni ont investi des milliards dans le vaccin AstraZeneca, développé par l’Université d’Oxford. L’Allemagne a investi 445 millions de dollars dans le vaccin développé par Pfizer et son partenaire allemand, BioNTech. Le vaccin de Moderna a été entièrement financé et coproduit par le gouvernement des États-Unis.

Des organisations philanthropiques ont contribué pour 1,9 milliard. Des personnalités individuelles telles que Bill Gates, le fondateur d’Alibaba Jack Ma et la star de la musique country Dolly Parton ont apporté leurs contributions.

Seuls 3,4 milliards de dollars proviennent des propres investissements des sociétés pharmaceutiques, dont une partie provient également de financements externes.

Bien que Big Pharma n’ait fourni qu’un tiers du financement, à qui profitent les avantages économiques ? Qui a établi les règles du jeu dans la distribution des vaccins ?

UN JEU DELOYAL

Réaliser le vaccin contre le COVID est devenu, au-delà de l’intérêt sanitaire, un objectif géopolitique. Quiconque parviendra à se procurer le vaccin capitalisera sur sa commercialisation et quiconque disposera de plus de ressources financières pourra accaparer davantage de vaccins.

Scandaleuse fut la manœuvre de l’administration Trump, dès mars 2020, pour que la société allemande CureVac (qui avait commencé à faire des recherches sur un éventuel vaccin) quitte son siège dans le pays européen et qu’elle s’installe aux États-Unis en échange « de grosses sommes d’argent ». Tout comme il stockait des tests PCR, des ventilateurs pulmonaires, des masques et des accessoires de biosécurité, Washington a, dès le début, entrepris de s’accaparer de plus la production et la distribution de vaccins.

A tout cela se sont ajoutées des campagnes de discrédit, parfois subtiles et parfois manifestes, contre les candidats vaccins de Russie et de Chine, dans une tentative concertée de bloquer leur chemin vers d’autres marchés.

De nombreux doutes ont été semés sur la rapidité des développements, la qualité des essais cliniques et l’efficacité des vaccins candidats des deux pays ; en particulier contre Spoutnik V des Laboratoires Gamaleya.

Après que le principal vaccin russe a été certifié par ses autorités et a suscité l’intérêt de plusieurs pays, les États-Unis et l’Union européenne lui ont fait des crocs en jambe partout.

Le rapport annuel 2020 du ministère américain de la Santé et des Services sociaux (HHS) a récemment révélé que le Bureau des affaires mondiales (OGA) avait utilisé le Bureau de l’attaché pour la santé au Brésil pour persuader le gouvernement de ce pays sud-américain de « rejeter le Vaccin russe contre la covid19 ».

Face à la révélation, le porte-parole présidentiel russe Dimity Peskov a déclaré :

« Dans de nombreux pays, l’ampleur de la pression est sans précédent (…) de telles tentatives égoïstes pour que les pays abandonnent certains vaccins sont dépourvues de perspective.

Nous pensons qu’il devrait y avoir le plus grand nombre de doses de vaccins possible afin que tous les pays, y compris les plus pauvres, aient la possibilité de stopper la pandémie ».

L’Union européenne, pour sa part, n’a pas encore donné le feu vert au vaccin russe pour être appliqué dans ses pays membres, bien que cette région soit à la traîne dans la disponibilité des vaccins ; ceci concerne aussi les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et Israël, et bien que la prestigieuse revue de santé The Lancet ait reconnu dans une publication la grande efficacité de Sputnik V.

Au-delà de ces barrières, les vaccins russes et chinois ont fait leur chemin dans différentes régions, en raison de l’efficacité démontrée et de la pénurie mondiale de vaccins.

La Slovaquie a même quitté le giron de l’Union européenne pour acquérir 2 millions de doses de Spoutnik V et la Hongrie, qui a également approuvé l’utilisation du vaccin russe et a acquis des doses du Sinopharm chinois, qui n’a pas non plus reçu le feu vert de l’Agence européenne des médicaments.

CHANTAGE SANS ANESTHESIE

Les États ont réalisé le plus gros investissement, mais BigPharma a fixé les conditions et conservé les revenus. Le monopole de quelques multinationales dans l’achat et la production de vaccins anti COVID-19 donne à ces entreprises un pouvoir écrasant.

Des rapports récents montrent comment le géant pharmaceutique Pfizer a tenté d’imposer des conditions onéreuses aux nations d’Amérique latine pour leur fournir certaines quantités de son vaccin.

Le président brésilien Jair Bolsonaro a montré ces jours-ci son malaise face aux exigences de Pfizer à l’égard de son gouvernement, notant que parmi les conditions posées par le consortium figure une clause du contrat d’achat qui l’exonère de « toute responsabilité » pour les éventuels effets secondaires de son vaccin.

« Nous avons été très durs et ils ont été très durs avec nous. Ils ne changent pas une seule virgule. Le gouvernement s’en occupe actuellement avec le Congrès et les discussions portent sur l’assouplissement de la loi », a déclaré pour sa part le ministre brésilien de la santé, le Général Eduardo Pazuello, récemment limogé.

L’Argentine, le Pérou et la République Dominicaine ont également subi des pressions intenses de la part de Pfizer, comme le montre une enquête du Bureau du journalisme d’investigation.


Les représentants de Pfizer à Buenos Aires ont exigé d’être indemnisés contre toute plainte civile que les citoyens pourraient déposer s’ils subissaient des effets indésirables après avoir été vaccinés. « Nous avons proposé de payer des millions de doses d’avance, nous avons accepté cette assurance internationale, mais la dernière demande était extraordinaire : Pfizer a exigé que les actifs souverains de l’Argentine fassent également partie de la garantie légale », a avoué un fonctionnaire argentin.

« C’était une demande extrême que je n’avais entendue, que lorsque la dette extérieure devait être négociée, mais dans un cas comme dans celui-ci, nous l’avons immédiatement rejetée ».

De nombreuses voix s’élèvent pour mettre en garde contre le fait que l’urgence de disposer de vaccins pour une maladie qui a fait tant de morts dans le monde pourrait avoir conduit certains gouvernements à accepter des limitations significatives de responsabilités et pour exiger la transparence sur les accords avec les entreprises pharmaceutiques.

Le professeur Lawrence Gostin, directeur du Centre de collaboration pour le droit de la santé nationale et mondiale de l’Organisation Mondiale de la Santé, a déclaré : « Les sociétés pharmaceutiques ne devraient pas utiliser leur pouvoir pour limiter l’accès à des vaccins vitaux dans les pays à faibles ou moyens revenus et a signalé que la protection de la responsabilité ne devrait pas être utilisée comme « une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de pays désespérés dont les populations sont désespérées ».

Même la puissante Europe semble avoir ressenti la pression. Bien que les accords de l’UE avec les fabricants de vaccins avec leurs principales clauses, soient gardés secrets. La stratégie d’achat de vaccins rendue publique par la Commission européenne stipule que la « responsabilité du développement et de l’utilisation du vaccin, y compris toute compensation spécifique requise, sera supportée par les États membres qui achètent le vaccin ».

QUI POURRA ETRE VACCINE EN 2021 ?

Les capacités de production de vaccins dans le monde sont insuffisantes pour disposer des doses nécessaires à la vaccination de la population mondiale cette année.

Selon la Fédération internationale de l’industrie du médicament (FIIM), la demande mondiale de vaccins est estimée entre 10 et 14 milliards de doses en 2021.

Selon les statistiques citées par la société de données Statista, les États-Unis peuvent produire près de 4,7 milliards de doses de vaccin COVID-19 et l’Inde plus de 3 milliards de doses potentielles. La Chine, qui n’était pas auparavant un acteur majeur sur le marché des exportations de vaccins, s’est engagée à produire plus d’un milliard de doses.

La Grande-Bretagne, la Russie, l’Allemagne et la Corée du Sud font également partie des centres de fabrication établis, mais avec une capacité de production moindre.

Face à cette réalité, l’iniquité et l’injustice du monde actuel sont une fois de plus évidentes : les pays les plus riches ont acheté la plupart des vaccins qui seront produits en 2021 (même pour les stocks), tandis que les nations pauvres n’auront pas de doses à administrer, même aux fractions les plus vulnérables de leur population. Plus de 100 nations attendent l’arrivée de la première ampoule.

On estime que 90 % des habitants de près de 70 pays à faible revenu n’auront pas la possibilité d’être vaccinés contre le COVID-19 cette année.

Les nations les plus puissantes ont profité de leur pouvoir d’achat et de leurs investissements dans la mise au point de vaccins pour se procurer l’antidote tant convoité.

Jusqu’à présent, environ 12,7 milliards de doses de divers vaccins contre le coronavirus ont été achetées à l’avance, ce qui est suffisant pour vacciner environ 6,6 milliards de personnes (à l’exception de celui de Johnson & Johnson, tous les vaccins approuvés jusqu’à présent nécessitent deux doses).

Plus de la moitié de ces doses, 4,2 milliards assurés, avec la possibilité d’acheter 2,5 milliards supplémentaires, ont été achetées par des pays riches qui ne représentent que 1,2 milliard de personnes.

Le Canada a acheté suffisamment de doses pour vacciner chaque Canadien cinq fois, tandis que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Chili en ont acheté suffisamment pour vacciner leurs citoyens au moins deux fois, bien que certains des vaccins n’aient pas encore été approuvés.

Israël a conclu un accord portant sur 10 millions de doses et la promesse d’un approvisionnement régulier de la part de Pfizer en échange de données sur les personnes vaccinées. Selon les rapports, le pays a également payé 30 dollars par dose, soit le double du prix payé par l’UE.

Comme le déclarait Irene Bernal, chercheuse sur l’accès aux médicaments à l’ONG Salud por Derecho (NdT : la santé de plein droit) au journal El País en décembre dernier, « nous constatons que celui qui a l’argent est celui qui a l’accès.

53% des vaccins ont été conservés par 14% de la population des pays riches, par conséquent, quand les doses vont-elles arriver dans les pays les plus pauvres ?


Les pays à faible ou moyen revenu qui regroupent 84 % de la population mondiale, ont conclu des accords directement avec des sociétés pharmaceutiques, mais n’ont jusqu’à présent obtenu que 32 % de l’approvisionnement.

« Nous traversons une crise d’une telle ampleur », a déclaré Fatima Hassan, fondatrice de l’initiative sud-africaine pour la justice en matière de santé. « Si, même en Afrique du Sud, nous ne parvenons pas à vacciner rapidement la moitié de notre population, je n’ose même pas imaginer comment le Zimbabwe, le Lesotho, la Namibie et le reste de l’Afrique vont s’en sortir.

Si cela doit durer encore trois ans, nous n’obtiendrons aucune immunité continentale ou mondiale ».

Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador et son ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard ont demandé aux autorités américaines de les autoriser à acheter une partie des dizaines de millions de vaccins AstraZeneca produits aux États-Unis, que Washington a stockés sans avoir approuvé leur utilisation. D’autres pays qui ont déjà approuvé le vaccin le réclament.

Le Mexique, l’un des pays où la COVID-19 est la plus présente, a jusqu’à présent administré environ 4,4 millions de doses à l’aide des vaccins de Pfizer, AstraZeneca, Sinovac et Sputnik V, à une population de plus de 128 millions de personnes, ce qui représente un faible taux de vaccination, selon www.ourworldindata.org, un site web géré par l’Université d’Oxford.

Selon les données recueillies par Bloomberg, à la date du jeudi 18 mars, plus de 410 millions de doses ont été administrées dans le monde, dans quelque 132 pays, ce qui représente seulement 2,7% de la population mondiale.

APARTHEID VACCINAL


Les scientifiques et les militants nous mettent en garde contre un « apartheid vaccinal », dans lequel les populations du Sud seront vaccinées des années après celles de l’Occident.

Non seulement les pays les plus pauvres seront obligés d’attendre, mais beaucoup d’entre eux doivent déjà payer un prix beaucoup plus élevé par dose.

L’Ouganda, par exemple, a annoncé un accord portant sur des millions de vaccins fournis par AstraZeneca à 7 dollars la dose, soit plus de trois fois le prix payé par l’Union européenne. En incluant les frais de transport, il faut compter 17 dollars pour vacciner complètement un Ougandais.

Les effets de cette iniquité seraient graves. Un modèle développé par l’Université de Northeastern indique que si les 2 premiers milliards de doses de vaccins Covid-19 étaient distribués proportionnellement à la population nationale, les décès dans le monde seraient réduits de 61%.

Mais si les doses sont monopolisées par 47 des pays les plus riches du monde, on ne sauvera 33 % de personnes en moins.

Les scientifiques craignent également que si les pays ne sont pas en mesure de vacciner une grande partie de leur population, le virus aura davantage de possibilités de continuer à muter, ce qui augmentera le nombre de décès dans ces pays sous-vaccinés et rendra les vaccins disponibles moins efficaces au fil du temps.

Comme l’a fait remarquer le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, au début de l’année : « … nous sommes confrontés à un réel danger : si les vaccins apportent de l’espoir à certains, ils deviennent une pierre de plus dans l’édifice de l’inégalité entre ceux qui ont des ressources et ceux qui n’en ont pas ».

UNE ALTERNATIVE MODEREE

La difficulté à assurer l’approvisionnement en vaccins rendra de nombreux pays pauvres dépendants de Covax, une organisation créée en avril 2020, coordonnée par l’OMS, la Coalition pour les innovations dans la préparation aux épidémies et GAVI, l’alliance internationale pour les vaccins.

Covax a pour objectif de fournir 2 milliards de doses dans le monde, dont au moins 1,3 milliard à 92 pays à faible ou moyen revenu, d’ici à la fin de 2021.

Cela suffirait à vacciner 20 % de la population de chaque pays, en donnant la priorité aux professionnels de la santé, aux personnes âgées et aux personnes souffrant de pathologies sous-jacentes, bien que cet objectif ait été critiqué comme étant inadéquat pour faire face à la pandémie.

Les analystes estiment plutôt que Covax fournira tout au plus entre 650 et 950 millions de doses, réparties entre 145 nations, dont certaines ont suffisamment d’accords confirmés pour que leurs citoyens soient vaccinés plusieurs fois, comme le Canada et la Nouvelle-Zélande.

Les entreprises pharmaceutiques n’ont pas tenu leurs promesses de livraison à COVAX et AstraZeneca, qui était le principal fournisseur, est également confronté à sa propre situation particulière avec des millions de doses retenues aux États-Unis et en Europe.

MEME L’EUROPE N’EST PAS EPARGNEE PAR L’IMPASSE

L’Allemagne a suspendu à partir de lundi 15 mars la vaccination avec AstraZeneca le seul vaccin européen existant à ce jour ; le vaccin AstraZeneca/Oxford, est en proie à de graves difficultés après que l’on ait signalé une trentaine de cas de problèmes de coagulation chez des personnes vaccinées avec ce vaccin.

Treize pays de l’UE ont déjà suspendu la vaccination avec AstaZeneca, bien que l’OMS et l’agence européenne de régulation défendent son utilisation comme ayant plus d’avantages que d’effets néfastes.

Pour aggraver les choses, en pleine résurgence de la pandémie dans la région, AstraZeneca n’avait livré que 25 % des doses convenues à l’UE pour le premier trimestre et Pfizer était également en retard dans ses livraisons.

Début 2021, l’Italie a menacé de poursuivre Pfizer pour avoir réduit de 29 % la distribution de doses dans ce pays. La Commission européenne annonce maintenant qu’elle a conclu un accord avec Pfizer/BioNTech pour avancer 10 millions de doses pour le deuxième trimestre de l’année.

Bien que BioNtech et CureVac soient allemands, le pays européen a rencontré des problèmes avec la vaccination. Le quotidien Der Spiegel soulignait il y a quelques semaines que « l’Union européenne et l’Allemagne pourraient manquer de vaccins ».

Le retard dans la signature des contrats avec les entreprises pharmaceutiques pourrait signifier que les vaccins arrivent en retard, en plus de ne pas être assez nombreux ».

L’UE a jusqu’à présent administré 11 doses pour 100 personnes, contre 33 doses aux États-Unis et 39 doses au Royaume-Uni, selon l’indice Bloomberg Vaccine Tracker.

La faible disponibilité et la distribution inégale au sein de l’Union ont conduit des pays comme l’Autriche, la Bulgarie, la République tchèque, la Croatie et la Lettonie à exprimer publiquement leur mécontentement et à demander une « correction » de la distribution.

Face à ce dilemme, la Commission européenne a décidé que les entreprises pharmaceutiques qui possèdent des usines de vaccins sur les territoires de l’UE ne pourront pas exporter la production qu’elles génèrent vers d’autres régions si elles ne reçoivent pas l’autorisation de les faire sortir du pays de la part des autorités de ces nations.

Le 4 mars déjà, l’Italie – l’un des pays les plus durement touchés par la pandémie – a utilisé la décision de l’UE pour interdire l’exportation vers l’Australie de 250 000 doses du vaccin d’Astrazeneca, que le groupe pharmaceutique anglo-suédois a produit dans son usine d’Agnani, près de Rome.

Alors que les frustrations s’intensifient, certains responsables européens accusent les États-Unis et le Royaume-Uni. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a déclaré que les États-Unis, ainsi que la Grande-Bretagne, « ont imposé une interdiction totale d’exporter des vaccins ou des composants de vaccins qui sont produits sur leur territoire ».

Interrogée à ce sujet, Jen Psaki, l’attachée de presse de la Maison Blanche, a déclaré aux journalistes que les fabricants de vaccins étaient libres d’exporter leurs produits fabriqués aux États-Unis tant qu’ils respectaient les termes de leurs contrats avec le gouvernement.

Mais comme le vaccin d’AstraZeneca a été produit avec l’aide de la loi « Defense Production Act », pour lequel il a reçu un financement de plus d’un milliard de dollars, M. Biden doit approuver les expéditions de doses à l’étranger.

AUCUN OBSTACLE POUR UN COMMERCE FLORISSANT

Les pays les plus puissants ont fait passer les profits pharmaceutiques avant l’immunité mondiale, malgré le discours politique selon lequel il n’y aura pas de solution à la pandémie si elle n’est pas jugulée au niveau mondial.

La semaine dernière, le jour même où l’OMS a déclaré que le COVID-19 était une pandémie, les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et le Canada (qui disposent tous de suffisamment de vaccins) ont bloqué la dernière tentative des pays pauvres ou les pays à revenu moyen en accélérant l’accès aux vaccins et aux traitements pour la COVID-19, en levant temporairement des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce protégeant la propriété intellectuelle.

Une résolution parrainée par l’Afrique du Sud et l’Inde et soutenue par 57 pays, qui demandait la suspension pendant la pandémie des parties de l’accord ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) qui protègent les brevets médicaux, a été rejetée par le bloc des nations riches. Elle avait déjà connu le même sort lors des discussions tenues à l’Organisation Mondiale du Commerce en octobre et décembre 2020.

Un accord aurait permis aux nations sous-développées ou émergentes de produire des médicaments et des vaccins contre la COVID sans attendre ou adhérer à des accords de licence avec les sociétés pharmaceutiques qui détiennent la propriété intellectuelle de ces produits médicaux. Cela aurait permis de développer la production d’antidotes à cette maladie mortelle et de réduire les coûts de traitement.

Les gouvernements des pays riches, qui financent majoritairement les vaccins anti-COVID, ont fondé leur refus sur la crainte que la libération de la propriété intellectuelle, même temporaire, ne réduise les incitations à la recherche des entreprises et se sont également demandé si les pays « en développement » pourraient commencer à produire les médicaments suffisamment tôt pour empêcher la propagation du virus.

La vérité est que les grandes multinationales pharmaceutiques, le bigpharma, étaient initialement réticentes à financer la recherche sur les vaccins contre le COVID en raison de l’incertitude d’une course contre la montre pour obtenir des résultats et de la faible rentabilité dans le passé de la création de vaccins pour les urgences sanitaires.

Les médicaments recherchés par ces entreprises sont principalement ceux proposés aux citoyens des pays riches et surtout ceux nécessaires aux maladies chroniques qui nécessitent des doses systématiques, ce qui les rend très rentables.

Mais après avoir constaté la rentabilité que la durabilité dans le temps que la COVID-19 peut leur apporter, ils ne veulent désormais aucune limite à la « fête » des revenus dont ils bénéficient face à la demande urgente de vaccins.

Moderna a déclaré avoir signé des accords d’achat anticipé pour plus de 18 milliards de dollars pour des fournitures à livrer cette année, pendant que Pfizer a prévu des revenus d’environ 15 milliards de dollars cette année pour son vaccin avec BioNTech.

Les principaux concepteurs de vaccins ont bénéficié de milliards de dollars de subventions publiques, mais les sociétés pharmaceutiques se sont vu accorder le monopole de leur production, ainsi que des bénéfices qu’ils génèrent.

Les prix de vente des vaccins aux différents pays (ils sont variables) sont gardés sous le sceau du secret des accords signés entre les compagnies pharmaceutiques et les gouvernements, bien que le site spécialisé Statista ait calculé le prix moyen par dose dans ces montants :


Multipliez ces chiffres par les milliards de doses qui sont nécessaires chaque x années (en fonction de la durée de l’immunité obtenue par ces vaccins) et nous verrons à combien s’élèvera la valse des millions.

Mais si les sociétés pharmaceutiques tirent profit et contrôlent le rythme et l’ampleur des vaccinations, le coût de l’inégalité de la distribution des vaccins pour l’économie mondiale pourrait atteindre 9 milliards de dollars, selon Katie Gallogly-Swan, une chercheuse travaillant avec la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

« Il est inconcevable qu’au milieu d’une crise sanitaire mondiale, d’énormes sociétés pharmaceutiques multimilliardaires continuent de privilégier les profits, de protéger leurs monopoles et d’augmenter les prix, au lieu de privilégier la vie des gens partout, y compris dans le Sud », a tweeté à juste titre le sénateur américain Bernie Sanders il y a quelques jours.

« Le monde est au bord d’un fiasco moral catastrophique », a déclaré le Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé.

En attendant, ici à Cuba, nous croisons les doigts pour que nos vaccins Soberana et Abdala nous immunisent tous, sans distinction, avant la fin de cette année.

Randy Alonso Falcón, Edilberto Carmona Tamayo

http://www.cubadebate.cu/

Traduit par Chantal Costerousse

»» https://cubacoop.org/spip.php++cs_INTERRO++page=article++cs_AMP++amp ;id_article=5194

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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