Ramsay Clark, boussole morale, anti-impérialiste et ami du Québec

Ramsay Clark, boussole morale, anti-impérialiste et ami du Québec

Il « était la conscience des États-Unis ». Ce sont les mots de l’ancien premier ministre du Québec Bernard Landry prononcés lors d’une rencontre avec l’ancien ministre de la Justice des États-Unis (Attorney General) aux bureaux de M. Bernard Landry en 1990. Monsieur Landry était alors président du Parti Québécois.

Me Clark rencontrait Bernard Landry et quelques autres personnes pour les inviter à s’opposer à la première guerre du golfe, la première guerre contre l’Irak, où les États-Unis sous George Bush père ont infligé une première destruction massive de ce pays. Ils récidiveraient en 2003, sous George W. Bush, le fils. Bernard Landry a répondu favorablement.

Peu de gens savent que Ramsay Clark était un ami du Québec. En 1992, à la demande du Mouvement Québec français, ce grand juriste a rédigé un avis favorable à la Charte de la langue française (Loi 101) sous l’angle du droit international. L’avis a eu un retentissement jusqu’à l’Assemblée nationale lorsque le gouvernement libéral de Robert Bourassa a voulu édenter les dispositions de la loi, notamment en ce qui concernait l’affichage en français. Voici ce qu’en a dit M. Jacques Parizeau, alors Chef de l’Opposition officielle à l’Assemblée nationale :

« M. le Président, le Mouvement Québec français a sollicité l’opinion de Me Ramsey Clark sur la loi 86. Nous venons tout juste de recevoir cet avis juridique. Qui est Me Ramsey Clark? Il a été nommé, par John F. Kennedy, sous-ministre de la Justice aux États-Unis en 1961, puis il est devenu ministre de la Justice du président Lyndon Johnson, poste qu’il a occupé jusqu’en 1969. À ce titre, il a notamment préparé la rédaction et fait adopter les 2 principales lois sur les droits civiques aux États-Unis, soit le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968. À cet égard, on le rend largement responsable du débloquage juridique à l’égard des droits des Noirs aux États-Unis.

Sur la Charte de la langue française, voici la conclusion de la lettre d’accompagnenent de l’avis juridique. Je la lis en anglais, nous n’avons pas encore eu la possibilité de la traduire en français: « I believe the Charter of the French language is a courageous, affirmative and sensitive effort, respectful of the rights of others to preserve a precious culture. As you will see in my opinion, I believe international law does and ought to protect such legislation, because it is necessary to fulfil humain rights. As with all law, its effectiveness will depend on its fair administration.”

(Traduction) « Je suis d’avis que la Charte de la langue française constitue une démarche courageuse, affirmative et sensible, qu’elle respecte les droits des autres de préserver leur culture. Vous verrez dans cet avis que je crois que le droit international protège – et devrait protéger – une loi comme celle-ci, parce qu’elle est nécessaire pour l’obtention de droits humains. Comme pour toute loi, son efficacité dépendra d’une administration juste. »

Un peu plus loin dans l’opinion juridique, une des conclusions de Ramsey Clark, c’est: ‘‘Article 58 of the Charter of the French language ? qui couvre l’affichage extérieur, et intérieur d’ailleurs ? is protected by international law, as supportive of fundamental human rights.’’ Cette opinion, M. le Président, contredit tout ce que nous avons entendu de la part du gouvernement dans cette Chambre, contredit absolument les thèses que le ministre de la Charte de langue française a pu apporter jusqu’à maintenant. »

À la même réunion, Bernard Landry a demandé pourquoi la démocratie américaine ne fonctionne pas?

La réponse de Ramsay Clarke était simple et rapide : Parce que c’est une ploutocratie : une ploutocratie, un gouvernement exercé par les riches; un système de gouvernement où la richesse constitue la base du pouvoir politique.

Homme de principe, il ne craignait pas la controverse dans son combat pour la justice et l’égalité, à l’intérieur des États-Unis mais aussi beaucoup à l’international.

Il avait été membre du Parti démocrate, mais forcer de choisir entre les principes et le Parti démocrate, il a choisi les principes, car la Parti démocrate n’en a aucun.

Il était très opposé à la guerre du Vietnam, même s’il était membre du cabinet de l’Administration Johnson, qui a participé à l’escalade de cette guerre. Il y est resté parce qu’il tenait à voir adopté, et surtout appliqué, les lois sur les droits civiques des noirs aux États-Unis. Selon lui, des membres puissants de l’administration ne voulait pas que ces lois soient appliquées.

Mais dès la fin de l’administration Johnson en janvier 1969, avec l’arrivée au pouvoir de Richard Nixon, il s’est rendu à Hanoï pour rencontrer les Viet Cong. Il est vite devenu l’un des plus célèbres opposants à cette guerre.

Les défendant aux États-Unis, il disait notamment : les Vietnamiens « croient ce que Ho Chi Minh disait, soit que « Rien ne plus précieux que la liberté et l’indépendance. » »

Ce n’était qu’un début de sa participation dans le combat contre la domination impériale de pays un peu partout au monde par les États-Unis. Car il croyait fermement que le plus grand crime en droit international était le crime contre la paix, le crime d’agression, car tous les autres crimes de guerre en découlent.

Ce combat l’a amené en Iran après la révolution de 1979; à la Grenade en 1983 et au Panama en1990 après l’invasion américaine et la destruction de ces deux pays; en Irak après la première guerre du golfe et après la deuxième; en ex-Yougoslavie lorsque Washington et ses alliés ont démantelé la Yougoslavie – ils l’ont balkanisée – en Syrie il y a quelques années où il a rencontré le président Bachar Al Assad; mais aussi au Venezuela et, bien sûr à Cuba.

Il était adoré à l’international et on comprend pourquoi.

Peu de gens se rappellent son travail de défense des prisonniers rwandais accusés des pires crimes du monde : il en a défendu parce qu’il savait qui était responsable de cette tragédie, soit les États-Unis et leur chouchou Paul Kagame. Il savait aussi que le récit officiel de la tragédie rwandaise ne tenait pas debout, mais pas du tout.

Si les jeunes souhaitent mieux connaître et comprendre le 20e siècle, ils seraient bien avisés d’étudier le parcours et les écrits de Maître Ramsay Clark, homme de principe et boussole morale.

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