Alors que le 9 avril, les présidents russe et turc discutent par téléphone du Covid et de la vente de vaccins en même temps que du tourisme, des sujets économiquement non-négligeables, le lendemain, le 10 avril, le même président Erdogan, rencontrant son homologue ukrainien, lui assure de son soutien dans sa lutte contre « le séparatisme » (le Donbass ?) et se prononce fermement pour l’intégrité territoriale ukrainienne, dénonçant « l’annexion » de la Crimée et soutenant l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Soit il y a eu un bugue du calendrier diplomatique, soit il y a un conflit des priorités – aussi surprenant qu’inquiétant dans le contexte géopolitique actuel.
Le 9 avril, Erdogan et Poutine discutent par téléphone de la situation du coronavirus – c’est quand même un impératif global, manifestement incontournable. Cela est d’autant moins incontournable, que certains intérêts économiques sont en jeu, notamment les vaccins, dont l’export à Ankara pourrait suspendre l’envie d’interruption par la Russie des lignes aériennes à l’ouverture de la saison touristique, alors que les chiffres officiels covidiens sont en hausse en Turquie.
Le 10 avril, Erdogan reçoit Zelensky et fait un certain nombre de déclarations montrant si besoin est, à quel point la Turquie n’est pas un allié de la Russie, quels que soient les intérêts économiques en jeu. Ainsi, Erdogan dénonce « l’annexion » de la Crimée et soutient l’intégralité territoriale ukrainienne. Bien que se posant en défenseur des accords de Minsk (qui prévoient le maintien du Donbass dans l’Ukraine) et pour une solution politique au conflit dans le Donbass, il annonce renforcer la coopération militaire avec l’Ukraine – pour l’aider à lutter contre le terrorisme et le séparatisme. Il s’agit bien d’un double discours, mais conduisant finalement à presque proposer son aide pour lutter contre le Donbass. Sur le plan diplomatique aussi, il soutient la « Plateforme de Crimée », qui est lancée pour le retour de la Crimée en Ukraine.
De plus, malgré les déclarations fermes de Moscou mettant en garde contre un risque d’escalade du conflit, Erdogan a formellement soutenu justement l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Par ailleurs, l’on soulignera l’intérêt porté aux fameux Tatars de Crimée, dont l’instrumentalisation est parfaitement utile à Erdogan, afin de renforcer l’islamisation de la région, de la terre sacrée orthodoxe.
Par ces prises de position, Erdogan met directement la Russie au défi et annonce accepter a priori le conflit avec elle.
Autrement dit, après avoir eu une gentille discussion de business men avec Poutine, le lendemain, en chef d’État, il développe ses intérêts stratégiques et s’invite ouvertement, cette fois, dans le conflit du Donbass, à nouveau aux portes de la Russie, comme avec le Haut-Karabakh.
Question provocatrice : la Crimée vaut-elle bien un vaccin ?
source : http://russiepolitics.blogspot.com
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