par Youssef Hindi.
Des Gilets jaunes à la dictature sanitaire
Les sociétés occidentales en générale et la société française en particulier se situent à un tournant historique. La crise des Gilets jaunes, et la gestion gouvernementale de la Covid-19 ont été les révélateurs d’un processus qui était en cours depuis quelques années, à savoir la transformation du régime républicain français en dictature policière. Dès 2015, dans plusieurs articles prospectivistes, j’ai annoncé l’avènement de cette dictature policière et de la révolte populaire – les deux étant corrélées – m’appuyant sur un certain nombre de signaux faibles.
Maintenant que nous sommes entrés de plain-pied dans cette séquence historique dialectique que j’appellerais « dictature/révolte », ce travail de prospective doit se poursuivre.
Nous vivons une situation historique dystopique inédite, ce qui rend plus difficile toute anticipation sur les évolutions à venir. Mais en prolongeant les tendances en cours, nous pouvons en percevoir certaines. Parmi ces évolutions présentes et futures j’en distinguerai deux : la fin de l’État de droit et la renaissance de la violence politique, produits directs du couple historico-dialectique « dictature/révolte ».
La violence politique et l’après Mai 68
La réalité de la violence en politique a été momentanément oubliée, depuis les années 1979-80 qui sont marquées par la reviviscence de l’idéologie libérale, tandis que s’accentue « la crise du marxisme ». La mutation, explique la politologue et chercheur Isabelle Sommier , prend à l’époque deux directions. Elle se déploie dans une relecture de Mai 68 qui, d’événement-rupture, se fait « moment d’adaptation de la modernité d’un capitalisme longtemps en sommeil, moment d’autorégulation (…) qui aurait permis d’accomplir par une révolte douce, soft, le passage de la bourgeoisie d’État autoritaire à la bourgeoisie financière, libérale et moderne ».
Et Isabelle Sommier d’ajouter : « Elle se traduit ensuite par l’accession de nouveaux clercs qui, venus de l’extrême gauche mais en rupture de ban avec elle, investissent les médias pour combattre la domination qu’exerçait l’idéologie communiste sur l’intelligentsia ».
C’est cette haute bourgeoisie, financière, libérale et libertaire, qui a pris le pouvoir après Mai 68, et dont l’ultime avatar est Emmanuel Macron, le pro-LGBT enfanté par Rothschild : la synthèse.
Dès lors qu’ils ont pris le pouvoir idéologique et politique, les soixante-huitards ont, en toute logique, progressivement délégitimé et rejeté la violence révolutionnaire. Cette violence révolutionnaire, non-étatique et donc illégitime, représente non seulement une menace pour le pouvoir qu’ils ont conquis, mais elle est en mesure, en période de crise et d’inégalités exacerbées, de mettre en péril leurs privilèges de grands bourgeois.
L’objectif de la révolution culturelle bourgeoise qu’ils ont mené visait à subvertir l’ordre établi pour en mettre nouveau sur pieds. Si la révolution culturelle est permanente, sa violence quant à elle n’en est qu’une étape.
C’est ainsi que la « doxa intellectuelle » du gauchisme, née dès la seconde moitié des années soixante-dix à l’initiative des ex marxistes-maoïstes-trotskystes, comme Bernard Henri-Lévy et André Glucksmann, acquière une visibilité médiatique tapageuse et, en même temps, lance une campagne d’exorcisation d’un passé devenu gênant. Cette nouvelle « parole prophétique, suspendue entre le constatatif et le performatif, est à la fois description du monde nouveau et prescription pour rendre le monde conforme à ce qu’en dit la description proposée ».
Tout l’édifice de la foi ancienne, fait remarquer Isabelle Sommier, « va alors subir les assauts des nouveaux clercs avec l’arrogance (elle, coutumière) que confère la certitude de dire le vrai et d’annoncer la parole salvatrice ; l’observateur sceptique étant impitoyablement pourfendu comme une espèce paléontologique mais dangereuse pour le système démocratique. En refusant de battre sa coulpe et de chasser « le petit Staline » que chaque « révolutionnaire » porterait en lui, il serait en puissance le terroriste dont certains romans d’anciens maoïstes dressent le portrait fantasmatique… »
Elle fait là référence à Daniel Rondeau et Bernard Henri-Lévy , lequel s’est violemment retourné contre ses idoles de la veille.
Cela explique en partie l’opposition radicale de l’ancien maoïste BHL aux Gilets jaunes dès le début du mouvement. Il tweetait de façon compulsive, à la vue de la marée jaune :
« Si les #GiletsJaunes n’ont pas le courage de virer les fachos de droite et de gauche qui les infestent, s’ils ne trouvent pas le courage de hurler, samedi, un immense « Not In Our Name », c’est tout leur mouvement qui finira aux poubelles de l’Histoire ». (6 décembre 2018)
« Que Macron parle ou pas, que l’on soit d’accord avec lui ou non, qu’on soit pour ses réformes ou contre, n’a, à cet instant, aucune importance. Face à la montée en puissance des fachos, des factieux et des ennemis de la République, une seule option digne : #SoutienAuPresidentMacron ». (6 décembre 2018)
Et pour tenter de discréditer définitivement un mouvement qui lui fait si peur, il déclarait sur Europe 1 en février 2019 : « On ne peut malheureusement pas dire que l’antisémitisme est aux marges du mouvement, c’est le cœur du mouvement ».
La révolte des Gilets jaunes et le retour de la violence politique
Le politologue et sondeur Jérôme Fourquet, expliquait lors d’une interview accordée au journal Le Parisien le 18 août 2019 que la crise des Gilets jaunes n’était pas terminée :
« Il y a un reflux très net de cette crise, mais elle n’est pas complètement résolue. Le mouvement a remué le pays dans ses profondeurs. Plusieurs mois après, il a encore un écho, avec un noyau dur de gens beaucoup moins nombreux mais qui continuent de s’accrocher, quitte à passer à des modes d’action plus virulents et à se chercher des motivations nouvelles. L’incendie est maîtrisé, mais les braises sont toujours là.
Nous sommes face à une situation hautement instable. C’est le propre de ces périodes : une étincelle peut mettre le feu aux poudres. Ça ne sera pas forcément où on l’attend, cela peut très bien ne pas arriver, mais nous sommes bien dans un contexte de tensions accumulées. Et pour l’instant elles ne s’évacuent pas.
La société est assez fragmentée, éclatée. Les sujets potentiellement irritants sont différents en fonction des secteurs. La réforme des retraites peut être un sujet plus fédérateur…
Et puis, l’idée s’est installée qu’il faut parfois un certain degré de violence ou de conflictualité pour obtenir gain de cause. Les gens se disent : il a fallu que l’on casse pour avoir 12 milliards d’euros. Cela restera l’un des enseignements de la crise des Gilets jaunes.
La violence n’est plus disqualifiée d’emblée. Pour une partie de la population, cela fait partie des modes d’action recevable. D’autant qu’une chose lie les différentes îles de cet « archipel français » : la très forte défiance vis-à-vis du sommet ».
Et concernant « la France réconciliée » que promettait Emmanuel Macron, Jérôme Fourquet souligne la difficulté que représentent les fractures et les différences qui se creusent. Mais, dit-il, « il reste en partage une histoire commune, un certain nombre de références, de grands rituels. Il faut essayer de trouver les points qui fédèrent encore. Il y a des moments de relative communion dans les évènements heureux, comme la victoire des Bleus, ou lors des attentats, l’incendie de Notre-Dame de Paris, les commémorations. Emmanuel Macron en est pleinement conscient et s’appuie là-dessus ».
Or, ces évènements que l’on peut qualifier « d’artificiels » et ces commémorations demeurent de toute évidence insuffisant pour recréer une cohésion nationale. Et c’est au fond la République elle-même qui est remise en question, cette pseudo « res publica » (bien public) issue de la Révolution de 1789 qui n’a jamais pu solidement faire corps avec le peuple français .
Le 14 juillet 2019 un sondage a été réalisé par l’IFOP (dirigé par Jérôme Fourquet) pour Atlantico sur le point de vue des Français sur la République et la cohésion nationale. 73% des sondés ne sont pas touchés par l’emploi des valeurs républicaines par les responsables politiques.
Le directeur de l’IFOP analyse ainsi les résultats du sondage :
« Ce constat peut s’expliquer par le fait que ce type de discours s’apparente presque aujourd’hui à une langue morte, un discours incantatoire qui convoque des grands principes et grandes notions qui ne sont plus en phase avec le quotidien des citoyens et qui ne leur parlent plus. Ainsi, la promesse républicaine d’égalité ne leur parle plus.
Ceci doit interpeller le politique puisque même l’électorat de la formation gouvernementale – la République en Marche –, ne se retrouve plus dans ces grands principes. 63% d’entre eux admettent ne plus être sensibles à l’usage du terme de République, c’est le cas également à 61% chez les électeurs des Républicains alors que le nom même du parti fait référence à l’idée de République et c’est aussi le cas pour 70% des sympathisants du PS.
Cette dynamique est plus forte encore au sein des électorats des deux formations les plus contestataires, 80% des électeurs de la France Insoumise et 82% des électeurs du Rassemblement national ne sont plus en adéquation avec l’idée de République… »
Le politologue et chercheur Olivier Rouquan complète cette analyse en mettant en corrélation l’enquête et le baromètre qui annuellement teste la confiance politique : « les deux révèlent à quel point il y a doute sur la capacité du personnel et des institutions à susciter du consentement aux valeurs. Leur crédibilité est devenue faible, en grande partie du fait de l’idée, désormais ancrée, que les dirigeants agissent d’abord pour leur intérêt. Or, il ne peut y avoir en France de croyance en la République qu’autour de l’idée d’intérêt général… »
Mais si la République ne signifie plus rien pour la grande majorité des Français, le terme d’identité nationale rencontre plus d’écho (38% contre 29%).
La Nation apparaît comme un bouclier protecteur sur le plan sécuritaire et social, la République quant à elle garantit l’ordre et le respect du droit – attentes premières des libéraux. LREM a ainsi attiré nombre de sympathisants de gauche davantage préoccupés par le libéralisme culturel que par les droits sociaux, souligne Olivier Rouquan.
Mais il faut noter qu’aujourd’hui ⅓ des Français ne se retrouvent ni dans le terme d’identité nationale, ni dans celui de République.
Guerre privée menée par l’oligarchie contre le peuple avec les moyens de l’État
Cette haute bourgeoisie cosmopolite qui prônait durant Mai 68 « l’interdiction d’interdire », s’est emparé de l’État et par suite « du monopole de la violence physique légitime » (cf. Max Weber) qu’elle exerce contre le peuple. Or, ce que Weber appelait « la violence légitime » est, ainsi que l’écrivait Thomas Hobbes, traditionnellement exercée par une instance supérieure, à savoir l’État, pour maintenir ou restaurer/instaurer la paix dans la société.
Or, ce à quoi fait face le peuple français aujourd’hui, n’est pas une violence pacificatrice, mais une forme de guerre privée menée par une oligarchie contre la majorité avec les moyens de l’État. Mettant ainsi en place les conditions d’une éventuelle guerre civile.
Cet angle d’analyse nous permet de saisir ces propos tenus par le milliardaire Bernard-Henri Lévy : « Les slogans antisémites sont l’aboutissement de la violence contre les journalistes, contre les policiers, contre la représentation nationale qui a commencé dès le premier acte de ce mouvement ».
Il s’agit ici de délégitimer la violence défensive du peuple en légitimant la violence de la police aux ordres de l’oligarchie. Tout est, dans ce contexte, une question de légitimité.
Le sociologue et philosophe français Georges Sorel (1847-1922) nous offre une autre clé de compréhension de l’attitude, des propos de BHL et du reste de sa caste. Dans son ouvrage « Réflexions sur la violence » (1908) G. Sorel écrit :
« On éprouve beaucoup de peine à comprendre la violence prolétarienne quand on essaie de raisonner au moyen des idées que la philosophie bourgeoise a répandues dans le monde ; suivant cette philosophie, la violence serait un reste de la barbarie et elle serait appelée à disparaître sous l’influence du progrès des lumières. Il est donc tout naturel que Jaurès, nourri d’idéologie bourgeoise, ait un profond mépris pour les gens qui vantent la violence prolétarienne ; il s’étonne de voir des socialistes instruits marcher d’accord avec les syndicalistes ; il se demande par quel prodige de mauvaise foi des hommes qui ont fait leurs preuves comme penseurs peuvent accumuler des sophismes en vue de donner une apparence raisonnable aux « rêveries de personnages grossiers qui ne pensent pas » (il paraît que c’est en ces termes que l’on parle du mouvement prolétarien dans le beau monde du socialisme raffiné). Cette question tourmente fort les amis de Jaurès, qui traitent volontiers de démagogues les représentants de la « nouvelle école » et les accusent de chercher les applaudissements de masses impulsives ».
Et il poursuit avec un constat et une analyse qui sied à la situation actuelle :
« Les socialistes parlementaires ne peuvent comprendre les fins que poursuit la nouvelle école ; ils se figurent que tout le socialisme se ramène à la recherche des moyens d’arriver au pouvoir. Les gens de la nouvelle école voudraient-ils, par hasard, faire de la surenchère pour capter la confiance de naïfs électeurs et subtiliser les sièges aux socialistes nantis ?
L’apologie de la violence pourrait encore avoir un très fâcheux résultat, en dégoûtant les ouvriers de la politique électorale, ce qui tendrait à faire perdre leurs chances aux candidats socialistes, en multipliant les abstentions ! »
Nous verrons plus loin que c’est précisément la position du socialiste bourgeois Jean-Luc Mélenchon, qui fut discret durant la révolte des Gilets jaunes et qui rejette toute poursuite judiciaire contre les membres du gouvernement qui ont mis en danger – volontairement ou non – la population française.
On ne peut pas parler aujourd’hui d’une lutte des classes au sens marxiste (classe ouvrière contre bourgeoisie), nous assistons à une lutte plus large opposant la France périphérique, qui est la France majoritaire (60%) contre une oligarchie (0,1%) alliée à la bourgeoisie des grandes villes (20 à 25% de la population).
En effet, un an après l’élection de Emmanuel Macron, 59% des cadres se disaient satisfaits contre seulement 34% des ouvriers, soit un écart de 25 points. Ce différentiel n’était que de 9 points à la même période de son quinquennat pour François Hollande et d’un point pour Nicolas Sarkozy.
Le terme de la première année du mandat d’Emmanuel Macron est marqué, souligne Jérôme Fourquet, « par le retour en force d’un autre clivage de classe, que d’aucuns croyaient totalement dépassé. Ainsi, alors que l’affrontement horizontal entre gauche et droite perd en lisibilité, l’antagonisme vertical entre la base et le sommet de la société a été politiquement réactivé lors de ce quinquennat, comme en témoignera spectaculairement la crise des Gilets jaunes ».
La guerre menée par l’Exécutif contre les Français est désormais affirmée explicitement, quand, par exemple le préfet Didier Lallement, arborant un rictus de sadique, dit à une française dans la rue que « nous ne sommes pas dans le même camp » que les Gilets jaunes, ou quand il cite Léon Trotsky (Lev Davidovitch Bronstein de son vrai nom), fondateur sanguinaire de l’Armée rouge.
Dans ce contexte, la violence politique ressurgi subitement en France, mais sous une forme nouvelle, à la frontière entre la guerre privée et la lutte des classes.
La crise sanitaire dévoile l’abolition de l’État de droit
Depuis le début du mois de mars 2020, près de 150 plaintes auraient été déposées, par des citoyens et des associations, devant la Cour de Justice de la République (CJR) contre des membres de l’Exécutif. La CJR est une juridiction d’exception chargée de juger les membres du gouvernement pour des délits ou crimes commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Les plaintes concernent la gestion sanitaire et visent Édouard Philippe, alors premier ministre, Agnès Buzyn, l’ex-ministre de la Santé, son successeur Olivier Véran, ainsi que l’actuel premier ministre, Jean Castex.
En juillet 2020, le procureur général près la Cour de Cassation, François Molins, a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire à la Cour de Justice de la République pour « abstention de combattre un sinistre ». La commission des requêtes avait jugé recevable neuf plaintes parmi toutes celles déposées contre les membres du gouvernement.
Une vingtaine de plaintes accusant les ministres de crime de génocide ont été classées sans suite, d’autres restent encore à examiner. D’après l’avocat Régis de Castelneau « ce n’est pas demain la veille » que les ex-ministres seront sur le banc des accusés, car ce « type de procédures en matière de santé publique » s’étale très souvent « sur le temps long ». Et d’ajouter :
« L’affaire de l’amiante, celle de l’hormone de croissance ou du sang contaminé ont duré une dizaine d’années, voire plus… Il faut s’attendre à des délais comparables, en raison des expertises, des contre-expertises, des débats contradictoires… etc. Il faut surtout réussir à établir la causalité entre la faute commise par un membre du gouvernement et un dommage constaté ».
Tout l’enjeu, explique Régis de Castelnau, sera de « prouver le mensonge avancé » par ces ministres à dessein, pour « dissimuler une absence de masques », ensuite « l’exposition avérée à un risque » de la part de plaignants (contraction de la maladie, décès, séquelles…) et « pour finir le lien de causalité ».
L’État de droit est en théorie un système politique où la loi surplombe tout le reste. Les citoyens, comme les dirigeants doivent obéir à la loi et répondre de leurs actes devant la justice en cas de violation de celle-ci.
En pratique, la République française contemporaine n’est plus un État de droit, puisque les dirigeants ne sont, sauf exception, jamais sanctionnés (quand c’est le cas, ils le sont très légèrement) pour leurs délits, crimes ou actes de haute trahison. D’ailleurs, le 23 février 2007, la nouvelle rédaction de l’article 68 de la Constitution supprime la référence explicite à la haute trahison et élargit le champ de cette responsabilité présidentielle aux « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » comme cause de destitution.
Parallèlement, les citoyens sont soumis à une répression policière de plus en plus sévère.
Pourtant, c’est la croyance en l’État de droit qui confère à cet État « le monopole de la violence physique légitime » (Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit) pour reprendre la formule de Max Weber.
Or, cette légitimité est accordée à l’État – le Léviathan comme l’appelait Thomas Hobbes – par le peuple en vertu d’un contrat simple et clair : le peuple confie à la force supérieure, le Léviathan, l’État, sa volonté, en échange de la sécurité. La sécurité implique l’usage, en cas de nécessité, de la violence contre ceux qui mettraient en danger le peuple. Ainsi, Thomas Hobbes écrivait dans son ouvrage majeur, Le Leviathan :
« La fonction du souverain, qu’il soit monarque ou une assemblée, consiste dans la fin pour laquelle le pouvoir souverain lui a été confié, à savoir procurer au peuple la sécurité, fonction à laquelle il est obligé par la loi de nature, et il est obligé d’en rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à personne d’autre ».
Suivant cette définition qui a fondée l’État moderne occidental, la France n’est plus un État de droit, car l’Exécutif n’exerce pas la violence pour protéger le peuple mais mène une guerre privée contre lui pour défendre des intérêts particuliers, ceux de l’oligarchie, des lobbies et des réseaux.
La République et ses représentants perdent ainsi leur légitimité. Et ce n’est pas là un point de détail. La perte de légitimité annonce l’effondrement du régime, d’où la rigidification accélérée du pouvoir exécutif que j’annonce depuis 2015 .
Aujourd’hui, le peuple français, bien qu’il soit désabusé, semble encore croire, pour partie du moins, en la prééminence du droit, tradition et héritage de la philosophie politique bodinienne, hobbesienne et montesquienne qui a donné naissance à l’État moderne. Ce qui explique le nombre élevé de plaintes – comme ultime recours politique et légal – contre les dirigeants qui ont mis en danger le peuple à l’occasion de la crise sanitaire.
Notons au passage qu’avant et durant la crise, les gouvernements successifs ont purement et simplement détruit l’hôpital public. À titre d’exemple, en pleine crise sanitaire, le 3 avril 2020, l’Agence régionale de Santé (ARS) a confirmé la suppression de 600 postes et lits à l’hôpital de Nancy ; tandis que le Ministère de l’Intérieur publiait un appel d’offre (le 3 mars 2020) d’un montant de 3 642 864 euros pour l’achat de gaz lacrymogène , suivi d’un autre appel d’offre (le 12 avril 2020), toujours du Ministère de l’Intérieur, d’un montant de quatre millions d’euros pour l’achat de plusieurs centaines de drones destinés à la surveillance de la population .
Alors que l’Exécutif confine, instaure des couvre-feux, ferme les restaurants et commerces, il poursuit la suppression par centaines de lits d’hôpitaux en 2020 et en 2021 .
Plus récemment, le 12 mars 2021, le Ministère de l’Intérieur commandait 170 000 balles de lanceurs de balles de défense (LBD), dont 10 000 « munitions de défense marquante visible » (la partie arrière de la balle se délite pour lâcher une substance colorante).
À l’évidence, l’Exécutif se prépare à faire face à une nouvelle révolte. Emmanuel Macron serait frappée de « psychose » et craindrait, d’après son entourage, « que ça pète de partout ».
La sortie de l’État de droit, l’utilisation systématique de la police – contre les Gilets jaunes, dans la rue pour verbaliser les citoyens durant le confinement et le couvre-feu, et même au domicile durant les fêtes – et la violence répressive indiquent la déclaration de guerre contre le peuple en révolte qui mettrait en danger les employés de l’oligarchie pilotant l’État.
Toujours dans la dynamique dictatoriale sanitaire, le 21 décembre 2020, le premier ministre Jean Castex déposait un projet de loi visant à limiter les déplacements des personnes non vaccinées, permettant l’accès à certains lieux à condition de présenter un test de dépistage, et à assigner à résidence les citoyens, et ce de façon arbitraire. On peut lire dans ce projet de loi n° 3714 déposé en procédure accélérée à l’Assemblée nationale :
« Le premier ministre peut également, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la Santé, prendre aux seules fins de garantir la santé publique les mesures suivantes :
1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;
2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
3° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;
4° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public ainsi que les réunions de toute nature, à l’exclusion de toute réglementation des conditions de présence ou d’accès aux locaux à usage d’habitation ;
5° En tant que de besoin, prendre toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre.
6° Le premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise l’étendue de cette obligation ainsi que ses modalités d’application s’agissant notamment des catégories de personnes concernées ».
Ce projet de loi imposant, de fait, la vaccination aux Français, a suscité un tel tollé à droite comme à gauche, qu’il a été retiré, pour le moment. En effet, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé que l’examen du projet est « reporté ». Au journal de 20 Heures sur TF1, Veran se voulait rassurant :
« La vaccination ne sera pas obligatoire. C’est une mauvaise polémique venue du Rassemblement national (…). Dans le contexte que nous connaissons, le gouvernement va proposer de reporter le texte de plusieurs mois ».
Le gouvernement tentera donc d’imposer ce texte de loi, à l’occasion d’une « nouvelle vague » ou d’une « mutation du virus ».
La fausse opposition, l’intelligientsia et le monde médiatique protègent l’Exécutif et valident la fin de l’État de droit
Lors de la série de dépôts de plainte contre les membres du gouvernement, l’on a pu constater que tout le monde politico-médiatique, y compris ceux qui prétendent s’opposer aux élites – Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour – ont protesté contre ce « populisme judiciaire ».
Le 19 mai 2020, sur France Inter, Alain Finkielkraut voyait ainsi ces plaintes contre les ministres :
« Le vent mauvais du populisme pénal souffle sur la France ».
Jean-Luc Mélenchon, sur Radio J le 10 mai 2020, a fait entendre qu’il était radicalement opposé à ce que le gouvernement rende des comptes devant la justice :
« Autrefois c’était pas comme ça. On n’avait pas le droit de porter plainte contre une décision politique. On a pensé que c’était un progrès… Personnellement je ne porterai pas plainte ».
Le 27 mai 2020, sur Paris Première, Fabrice Di Vizio, avocat du collectif de médecins C 19, qui a également déposé une plainte contre des ministres, a été l’invité de l’émission Zemmour & Naulleau. À cette occasion, Éric Zemmour a défendu l’action gouvernementale, en rejetant la faute sur ceux qui ont porté plainte contre les membres de l’Exécutif. Zemmour a directement accusé l’avocat Fabrice Di Vizio d’être responsable de la politique de confinement menée par le gouvernement :
« C’est à cause de vous qu’on ne déconfine pas assez vite. C’est-à-dire que vous terrorisez Édouard Philippe. C’est sûr. À cause de vous il est obsédé par Laurent Fabius (N.D.A : il fait référence à l’affaire du sang contaminé) et donc il n’ose rien faire ».
L’oligarchie, ses auxiliaires et ses salariés se serrent les coudes quand la colère populaire monte. En définitive, ils vont tous dans le sens de l’abolition de l’État de droit.
La violence politique populaire pour rétablir l’État de droit ?
L’avocate Sophie Ovadia explique que cette sursollicitation nouvelle d’« une institution (NDA : la Cour de Justice de la République) un peu ronflante » a beau être étonnante, elle se révèle toutefois « assez logique » en une période de crise « à la fois sanitaire et démocratique ». Pour Sophie Ovadia :
« Cela témoigne de la judiciarisation de l’action politique en France… Dans cette période de crise de la représentation politique, tout un chacun veut mettre en cause la responsabilité pénale, mais en réalité politique, du gouvernement ».
Pour Régis de Castelnau, les perquisitions menées à la mi-octobre aux domiciles et bureaux de Olivier Véran, Édouard Philippe, Agnès Buzyn et de Sibeth N’Diaye, dans le cadre de l’information ouverte par la Cour de Justice de la République sont un avertissement envoyé au monde politique :
« Vous ne lancez pas un raid de cette ampleur, sans aucun intérêt en plus pour l’enquête en cours. Que voulez-vous qu’on trouve au domicile d’Édouard Philippe concernant sa gestion de la crise sanitaire ? » ; cette opération est avant tout un « avertissement envoyé au monde politique » et une manœuvre pour faire avancer les « propres intérêts politiques » des citoyens qui portent plainte, selon l’avocat.
Il faut interpréter les dépôts de plaintes des Français contre les ministres comme la dernière étape raisonnable avant le déclenchement, par le peuple, d’une violence politique radicale. Puisque les dirigeants sont devenus hors de contrôle, qu’il n’y a plus d’opposition politique, ni contre-pouvoir, ni de punition pour les ministres et autres responsables politiques qui ont commis de graves fautes ou des crimes, nous allons voir revenir la violence politique exercée par le peuple (en tant que corps politique) qui constate chaque jour la disparition de l’État de droit et la guerre privée menée contre lui. Une révolte populaire, contre des élites qui ont fait sécession. La violence politique pour rétablir l’État de droit.
source : https://strategika.fr
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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