Anxiété, culpabilité, cynisme. Trois virus, trois sentiments de fin du monde qui se propagent rapidement dans nos esprits. Heureusement, pour ces trois virus contemporains, il existe aussi trois vaccins chrétiens. Réflexions sur les maux et remèdes d’une culture en temps de crise.
Le virus de l’anxiété
Le premier virus spirituel qui attaque notre organisme social est l’anxiété généralisée. Cette peur n’est plus simplement personnelle, elle se vit désormais collectivement. On craint l’effondrement de l’écosystème, de l’économie, de la démocratie, etc.
L’explosion des troubles anxieux ne peut pas se résoudre par une éradication pure et simple de toute menace.
Parmi ces nouvelles formes d’anxiété, on nomme souvent l’écoanxiété et depuis un an la « coronanxiété ». Or, l’anxiété, qu’elle soit climatique, politique ou épidémique, dépasse les simples questions environnementales, gouvernementales ou médicales.
Cette angoisse chronique s’explique bien sûr par des menaces objectives dans notre environnement, mais aussi par ces obsessions démesurées pour le confort, la sécurité et la santé de notre culture. Symptôme d’une société surprotégée qui peine à sortir des schèmes propres à l’adolescence, l’explosion des troubles anxieux ne peut pas se résoudre par une éradication pure et simple de toute menace.
Le vaccin de la providence
Le vaccin chrétien au virus de l’anxiété s’appelle « providence ». Alors que l’anxiété est la peur du futur, la providence est la confiance en l’avenir.
Car la providence est cette idée que le monde n’est pas voué au hasard aveugle et froid, que le jour de notre mort n’est pas laissé au hasard, mais qu’au contraire notre vie et celle des autres est guidée par la sagesse d’un Dieu tout puissant et bienveillant.
La providence est surtout cette idée que le mal est permis par le Créateur seulement parce qu’il peut en tirer un bien. Le plus bel exemple est sans conteste la mort de Jésus lui-même, de laquelle est venue la rédemption de tous les hommes.
Le virus de la culpabilité
Selon Samuel Dock, écrivain et psychanalyste français, le virus de l’anxiété peut muter rapidement en culpabilité : « Quand j’entends mes patients, je note un vrai glissement civilisationnel. Dans leur anxiété, il y a toujours un rapport à la culpabilité, inhérent à nos sociétés occidentales où une très grande responsabilité pèse sur chaque individu, comme si le simple fait de laisser couler l’eau lorsqu’on se lave les dents faisait de nous un planéticide. »
Face à cette hyperresponsabilisation, se développe souvent un complexe d’héroïsation du quotidien : « Les jeunes, ajoute le psychologue français, sont comme investis d’une mission, ils doivent se comporter comme les héros de leur vie parce qu’on leur répète que tout est grave, dans la vie comme au cinéma. »
Être un héros c’est bon, mais encore faut-il être un héros équilibré, à sa place et en son temps.
Paradoxalement, ce sentiment de culpabilité s’accompagne parfois d’un sentiment de victimisation qui mène à la déresponsabilisation. On accuse de tous nos maux des puissants, des riches, des politiciens ou des générations passées, mais jamais nous-mêmes. Ce phénomène se produit fréquemment lorsque le poids de la culpabilité devient trop lourd à porter et qu’on préfère alors (pour tenir le coup) le déverser complètement sur autrui. Ce jeu de yo-yo entre l’hyper et l’hypo responsabilisation est souvent le signe d’un rapport maladif à la culpabilité.
Le vaccin de la miséricorde
Le vaccin chrétien au virus de la culpabilisation et de la victimisation se nomme miséricorde. La miséricorde implique de reconnaitre ses torts, mais sans sombrer dans le désespoir. Elle nous aide à ne pas nier notre culpabilité, mais à assumer notre juste responsabilité.
Cet amour qui donne et pardonne (soi et les autres) écarte donc les sentiments victimaires et en même temps nous aide à dépasser notre sentiment de culpabilité pour ne pas demeurer enfermé dans la peur, le découragement et la dépréciation de soi.
Grâce à la miséricorde, nous pouvons être des héros qui s’attaquent d’abord au mal à l’intérieur de nous avant de vouloir détruire le mal autour de nous. Elle est un appel à la liberté pour le bien, à la conversion, à une acceptation aussi de l’imperfection de soi et des autres.
Le virus du cynisme
Sceptiques face à l’idéologie de la croissance et du progrès, voire de l’évolution et de la technologie, les nouvelles générations sont aux prises avec de forts sentiments d’impuissance et de désespoir caractéristiques de la postmodernité. « C’est peine perdue. On ne pourra jamais renverser la vapeur. Le monde court à sa perte », pensent-ils. « Sauver la terre, bâtir une société plus juste et éradiquer la pandémie sont des projets voués à l’échec. » Castrés dans leurs possibilités d’action, impuissants à changer les situations globales, le cynisme s’installe :
« Nos jours passent comme une ombre, l’heure de notre fin ne peut être reculée : elle est scellée, et nul ne revient. Alors allons-y ! Jouissons des biens qui sont là ; vite, profitons des créatures, tant que nous sommes jeunes. » (Sg 2, 5-6)
Sentiment de pessimisme face à l’avenir de l’humanité, ce désenchantement est comme une sortie drastique de l’optimisme de l’enfance. Si on ne le surpasse pas, il risque de conduire à un désengagement et un repliement sur soi dans un mode de vie purement individualiste et hédoniste.
La logique est simple : si l’avenir est perdu, alors profitons au maximum du présent sans nous soucier des conséquences négatives qui sont de toute façon inévitables. « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! »
Le pessimisme ambiant nous incite à vivre à court terme puisque rien ne sert de bâtir pour un futur inexistant ou à tout le moins voué à l’échec. Ce sentiment apocalyptique participe d’une culture de l’éphémère, ou du « déchet », selon l’expression du pape François.
Le vaccin de la charité
Le vaccin chrétien au virus du cynisme n’est nul autre que la charité. La charité n’est jamais vaine, jamais inutile, jamais perdue. Elle ne passe jamais. Chaque acte de charité, d’amour de Dieu ou du prochain, a une valeur et une conséquence pour l’éternité, et ce, même si la mort, voire la destruction complète de ce monde, devait arriver.
Au cœur des souffrances, des guerres, des désastres en tout genre, la charité peut réenchanter ce monde, comme la lueur d’une bougie chasse les ténèbres. Les martyrs, devant la certitude de leur mort, ne deviennent pas désabusés, ils grandissent au contraire en charité. Ils intensifient le don d’eux-mêmes, tous leurs actes d’amour, ce qui donne encore plus de sens à leur vie pourtant vouée à la mort.
La charité nous rend puissants en toute circonstance. Optimiste par nature, elle nous ouvre à l’autre, elle donne un sens et une valeur au présent, même s’il est souffrant ou sans issue. Il n’y a aucune situation ou progresser dans la charité est impossible.
Conjuguer l’amour
Providence, miséricorde, charité. Ces trois vaccins chrétiens ne sont que trois temporalités de l’amour divin, l’amour qui se conjugue au futur, au passé et au présent. Pour augmenter son immunité, on peut répéter à souhait cette oraison de saint Padre Pio : « Mon passé, ô Seigneur, à ta Miséricorde, mon présent à ton Amour, mon avenir à ta Providence. »
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe