La polémique enfle sur Twitter et par capillarité sur les autres réseaux sociaux, mais polémique est un mot faible : on peut désormais parler de rage. Les dîners clandestins organisés par Pierre-Jean Chalençon – très proche de la première dame et de la cour du roitelet Macron – et concoctés par le chef Christophe Leroy, restent dans la gorge des Français qui subissent depuis un an un bombardement de mesures vexatoires aussi inutiles que dangereuses.
Nous voilà dans la guerre riches/pauvres, dans les 200 Familles des années 30, dans la lutte des classes, dans les salauds (au sens sartrien) qui s’en mettent plein la gueule pendant que les pauvres crèvent la dalle (rappel : on en est à 12 millions de pauvres en France, et ça va encore monter en 2021). C’est le résultat des petites agapes entre amis bien choisis qui défraye la chronique et effraye l’oligarchie depuis le reportage de M6 en caméra cachée.
Sur ordre de Castex et Darmanin, la police a fait des descentes chez les Français qui s’amusaient clandestinement – relire cette proposition subordonnée plusieurs fois –, les a verbalisés ou a fermé administrativement leurs restaurants. On aurait écrit ça il y a seulement deux ans, tout le monde aurait rigolé. Aujourd’hui, les sourires se sont figés. Nous sommes dans le monde d’après, le surréalisme, le délire, l’incroyable.
Je ne suis pas d’accord pour que les gendarmes fassent de la “pédagogie COVID-19” en gilets pare-balles et avec un fusil d’assaut.
Je ne l’accepte pas.
Évidemment ça se passe sur les plages populaires du littoral héraultais, pas au “Palais Vivienne”. https://t.co/DY3SfOzSo6— Raquel Garrido (@RaquelGarridoFr) April 5, 2021
Pendant que des pique-niqueurs se font braquer par un bataillon de flics armés jusqu’aux dent sur la plage, des soupers fins – et ce n’est qu’une partie de l’iceberg – à plusieurs centaines d’euros étaient organisés au palais Vivienne, dans un luxe qui semble sorti d’un film d’époque, ou d’une soirée à l’hôtel de Lassay squatté par les Rugy (quand monsieur était président de l’Assemblée nationale). L’agenda de ces grandes bouffes a même tourné sur Twitter, avec photos à la clé, ce qui montre l’étendue de l’insouciance – ou du cynisme – de ces convives.
Qu’on se comprenne bien, le problème n’est pas de bouffer et de s’amuser entre amis – même riches –, ce n’est pas un crime. Le problème se situe à l’étage du politique : les membres du gouvernement ne pouvaient pas ignorer ces agapes puisque le mignon Attal avait été invité par Chalençon, même s’il dit avoir décliné.
D’autres y ont été, et le gros Dupond s’est fait flasher devant le palais Vivienne (en vérité on n’en est pas du tout sûr, mais on avait envie de laisser la photo, pour le plaisir !).
Cette bonne adresse clandestine, comme dans le Paris de 1942 où de la bonne tortore était accessible pour peu qu’on connaisse les bonnes personnes, était donc connue du gratin. Et Chalençon, ce go between, ne s’est pas privé de se faire prendre (en photo) avec les grands de ce monde.
« J’ai l’impression qu’on vit entre la révolution française et le régime de Vichy (…) On utilise mon nom pour faire tomber le gouvernement ! »
Pierre-Jean Chalençon revient sur la polémique concernant des dîners clandestins qu’il aurait organisé ⬇️ pic.twitter.com/jIhbCPAJ47
— TPMP (@TPMP) April 5, 2021
On passera sur ses dénégations grotesques, la main sur le cœur, sa tentative de « 1er avril », son invocation de « Vichy », puis son retour au réel, avec un demi-aveu, tout en protégeant la volaille du gouvernement.
Aujourd’hui, l’entrée du palais est devenue un lieu touristique, et le pouvoir n’a rien trouvé de mieux, pour éviter une petite prise de la Basitlle locale, de superfliquer la porte cochère.
Ceux qui ont cru que les journalistes de M6 infiltrés étaient de mèche en seront pour leurs frais : l’affaire Chalençon, dite des dîners clandestins, emmerde profondément le pouvoir, car elle est hautement symbolique. On peut même aller jusqu’à dire que c’est pire pour l’image de l’oligarchie que la répression féroce des Gilets jaunes. Car au début de la révolte de la France périphérique, les commerçants n’étaient pas du tout solidaires. Aujourd’hui, ils sont au chômage, et ça risque de durer…
Si Chalençon est au cœur de l’embrouille, ce n’est pas lui que les Français en colère visent. Un lourd parfum de dégagisme anti-gouvernement monte des réseaux sociaux, malgré le renforcement de la censure. Car après l’épisode de l’hôtel de Lassay avec le couple Rugy (balancé par l’odieuse Émilie Frèche), puis celui du palais Vivienne, des petits malins ont filmé une nouba au ministère de l’Enseignement…
On n’a rien contre la fête, mais c’est pour tout le monde ou personne. On a largement dépassé les limites de la démocratie, nous voilà dans une dictature à l’ancienne, avec une oligarchie qui a tous les droits, et le bas peuple qui n’en a aucun, sauf celui de fermer sa gueule.
S’il fallait un détonateur pour que ça pète, la Macronie vient d’en fournir un de toute beauté aux Français en colère.
Preuve que l’affaire est sérieuse, Darmanin a été envoyé au front pour éteindre l’incendie, et peut-être balancer un bouc émissaire à la foule, mais pas Chalençon : un ministre. Certes, le petit policier sarkozyste ne peut pas dire ce qu’il sait, mais le message est passé.
Nous sommes bien en présence d’une affaire d’État, et il sera plus difficile aux poulets de verbaliser les Français qui s’amusent et bouffent ensemble. L’opposition, même si elle n’est pas bien méchante, en profite pour se refaire une santé, après avoir honteusement cédé sur la répression sanitaire, le masque et le vaccin.
Il en est peu qui ont essayé de minimiser le scandale, et le répressioniste Mathias Wargon est de ceux-là. On salue son courage. Il a eu affaire à Filoche, bien remonté lui aussi :
Alors j’ai clairement connu mieux que ca oui. Comme à peu près tout les gens qui commentent les assiettes depuis ce matin. Et vous devriez vous renseigner sur qui va au restaurant en France et ce qu’on y sert sans qu’il soit necessaire que ce soient des étoilés.
— Mathias Wargon (@wargonm) April 5, 2021
Le témoignage du photographe Desjacques
« On me dit : “Viens prendre des photos chez Christophe Leroy”. Tout se passe très gentiment au début, il y avait des soirées hippies, c’était abordable, les mecs payaient 60 balles, tout le monde était vraiment content. Et puis le Covid arrive, et le mec commence à devenir fou. Il triple les tarifs, fait venir six personnes dans une salle, 15 dans une autre, etc… Ça a été la course à l’oseille. »
Jean-François Desjacques déclare que Christophe Leroy a été prévenu des éventuels risques encourus.
« On lui dit : “Tu n’as pas l’impression tout de même qu’un jour, il y a un mec qui va porter plainte ?” Et il répond : “J’en ai rien à foutre, je les emmerde. Je suis chez moi, domicile privé”. » (Europe 1)
L’injustice stimule l’imagination
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation