Des militants du Vlaams Belang avaient réclamé la fin du couvre-feu lors du Comité de Concertation du 26 février dernier © BELGA
Le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné l’Etat belge ce mercredi, comme l’a annoncé Le Soir, et lui a ordonné de mettre fin aux mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la pandémie de coronavirus, par l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et les suivants, ou de les encadrer par une loi, et ce dans les 30 jours. Une astreinte de 5000 euros par jour de non-respect a été fixée. Ce n’est donc pas les mesures en elles-mêmes qui sont remises en cause, mais bien la base légales sur laquelle elles reposent.
La décision du tribunal n’est pas suspensive. Cela veut dire que même si l’Etat fait appel, le décompte des 30 jours continue.
Une base légale insuffisante
Dans son ordonnance, le tribunal condamne l’État, représenté par sa ministre de l’Intérieur, à « prendre toutes les mesures qu’elle estimera appropriées pour mettre un terme à la situation d’illégalité apparente découlant des mesures restrictives des libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution […] contenues dans l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et ses arrêtés subséquents« .
Il a estimé notamment que la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile, qui prévoit l’organisation de l’évacuation de la population de lieux ou régions menacés ou sinistrés « vise des situations bien spécifiques qui ne recouvrent pas la situation de gestion d’une pandémie« .
Il a précisé que « soutenir que cette loi offrirait une base légale suffisante aux arrêtés ministériels litigieux reviendrait à conférer à une loi d’habilitation ordinaire une portée générale identique à celle que pourrait avoir une habilitation de pouvoirs spéciaux sans les garde-fous qui l’entourent« .
Le juge a donc considéré que « dans ces circonstances, il apparaît que les mesures restrictives des libertés constitutionnelles et des droits de l’homme, édictées par l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et ses arrêtés subséquents ne reposent, en apparence, pas sur une base légale suffisante« .
Il a ajouté que « si l’urgence des premiers temps de l’épidémie aurait pu expliquer qu’il faille s’appuyer sur la loi du 15 mai 2007, il ne paraît plus justifié de s’en prévaloir plusieurs mois après l’émergence de la crise sanitaire » et que « les difficultés plus que complexes que la crise engendre pour l’État belge ne justifient pas qu’il se soustraie durant de nombreux mois, et maintenant plus d’un an, au principe de légalité qu’exige toute restriction des droits fondamentaux« .
Il est donc bien demandé à l’Etat de baliser les mesures prises dans une loi. Le gouvernement y travaille déjà, via une « loi pandémie ».
Si des restrictions à ces droits et libertés peuvent bien entendu avoir lieu, elles doivent cependant être justes et proportionnées
Ce n’est donc pas l’opportunité de telles mesures qui est remise en cause, comme le précise La Ligue dans un communiqué: « Nous estimons qu’au vu des restrictions aux libertés fondamentales imposées pour lutter contre la pandémie de Covid-19, un débat au sein du Parlement était indispensable. Si des restrictions à ces droits et libertés peuvent bien entendu avoir lieu, au vu de l’importance des enjeux et de la nécessité de protéger les droits à la vie et à la santé des individus, elles doivent cependant être justes et proportionnées. Sans se prononcer sur l’opportunité de telle ou telle mesure, qui ne relève pas de leurs compétences, la Ligue et la Liga soulignent que ces mesures ont un impact indéniable sur les droits et libertés et rappellent que, même en situation de crise sanitaire ou sécuritaire, les principes de l’Etat de droit et de la légalité doivent prévaloir ».
Cependant, la Ligue ne pense pas que la loi pandémie en cours de discussion soit suffisante pour combler cette illégalité. « Il nous semble que le projet de loi pandémie actuellement en discussion ne répond pas à ces exigences, notamment en ce qu’il prévoit de nombreuses habilitations données au gouvernement pour limiter ces droits et libertés. La décision rendue ce jour tend à le confirmer. Il serait heureux que les membres du parlement amenés à discuter de ce texte en tiennent compte dans leurs travaux« .
La Cour d’Appel saisie
Dans un communiqué de presse, la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a déclaré avoir pris connaissance de l’arrêté du 31 mars 2021. »La ministre Annelies Verlinden a décidé de saisir immédiatement la Cour d’Appel de Bruxelles et souligne que cette décision récente ne signifie pas que les mesures actuelles ne sont plus à l’ordre du jour« , peut-on lire.
La ministre précise aussi que Conseil d’État ainsi qu’un certain nombre de tribunaux correctionnels et civils, ont statué que la base juridique actuelle était suffisante comme base juridique pour ériger les mesures que nous connaissons actuellement destinées à limiter la propagation du Covid-19.
Le cabinet de la ministre de l’Intérieur ajoute qu’un débat est en cours ce mercredi après-midi à la Chambre concernant la Loi pandémie. « L’avant-projet en cours de discussion concerne une loi supplémentaire sur la police administrative spéciale, qui peut servir de base spécifique à des mesures de lutte contre une pandémie« , écrit la ministre. Si le texte est avalisé par les parlementaires, l’élue CD&V pourra « garantir la sécurité juridique et accroître la participation et le contrôle parlementaire ». « Nous attendons actuellement l’avis nécessaire du Conseil d’État pour finaliser cette conception préliminaire », conclut-elle.
Quid des sanctions pénales ?
« Une des questions qui se posent maintenant, c’est celle de la validité des sanctions pénales attachées à ces mesures et la possibilité de poursuivre les contrevenants aux mesures. La base légale ayant été déclarée illégale, ça me paraît compliqué de continuer à poursuivre pénalement« , a commenté Olivia Venet, présidente de La Ligue à l’agence Belga.
« Mais il y a un principe de non-rétroactivité en matière pénale qui fait qu’à mon avis ça n’est pas réparable a posteriori. On peut donc avoir des condamnations illégales mais définitives« , a-t-elle ajouté.
« Ce n’est pas que les mesures n’existent plus aujourd’hui. Ce n’est pas qu’il ne faut pas les respecter. Évidemment que ça a du sens de les respecter. Mais une des choses qu’on revendique depuis le début, c’est que ces mesures ne devraient pas être assorties de sanctions pénales. Les citoyens sont suffisamment intelligents, responsables et solidaires que pour appliquer ces règles en l’absence de sanctions pénales. Personne n’a envie d’attraper le coronavirus, personne ne veut que la pandémie se propage et personne ne veut que les hôpitaux soient saturés« , a encore déclaré la présidente de la LDH.
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Source : RTBF.be
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