L’autre soir , comme de plus en plus de Français semble-t-il, je regardais Arte. Au menu Les damnés de la commune, un film de Raphaël Meyssan. Intelligent et poignant.
Cela m’a rappelé un mot de ma fille au début des années 80. En rentrant, bouleversée, du lycée où elle venait d’étudier la Commune de Paris, elle dit à son militant de père : « Papa tout ce pourquoi tu milites, ils l’ont fait« . Elle en était toute retournée. C’est, je crois, le début de sa prise de conscience politique. On comprend aisément pourquoi cet épisode de l’histoire prend de moins en moins de place dans les programmes scolaires depuis quelques décennies. Ceux qui nous dirigent n’ont aucune envie de donner des idées à la jeunesse.
Ce film devrait être projeté dans tous les cours d’histoire. Jean-Michel Blanquer s’y opposera sans doute mais il appartient à tous les profs d’histoire de prendre leurs responsabilités tant qu’il en est encore temps.
La république sociale ! Elle est encore à l’ordre du jour. Les Versaillais ont écrasé la Commune, je devrais dire les Communes de Bordeaux, Limoges, Lyon, Marseille… Mais ils n’ont pas écrasé les espoirs qui en sont nés. La Commune renaîtra sous des formes insoupçonnées mais elle renaîtra. Elle renaît sous les luttes syndicales, sous les luttes des femmes, celles contre le racisme, celles contre le sabordage de la planète, celles des gilets jaunes.
Je ne pus m’empêcher tout au long de cette soirée de superposer des images et des visages actuels sur les images et les visages de 1871.
Les versaillais, Adolphe Thiers, Jules Ferry, le parti de l’ordre bourgeois, les massacreurs, l’assemblée haineuse hurlant à la répression du peuple de Paris.
M’est venu en mémoire l’appel de M. Ferry (l’autre, Luc, l’histoire a de ces hasards), entre coup de menton et remontage de mèche, à faire usage des armes contre les Gilets Jaunes. M’est venu en mémoire le visage haineux de Judith Waintraub insultant Christophe Dettinger qui avait boxé un CRS qui venait de matraquer une manifestante. Elle m’avait fait furieusement penser à ces bourgeoises qui venait planter le bout de leur ombrelle dans l’orbite des yeux des cadavres des communards. Toute la haine de classe était là. Cette haine qui fit massacrer méthodiquement avec l’aide des armées prussiennes les combattants, femmes et hommes, enfants et vieillards, de la Commune de Paris, je la vois dans toutes petites phrases de Macron, « les gens qui ne sont rien », « les fainéants », « un Gitan n’écrit pas comme ça », elle est dans chaque mesure depuis l’attaque sur les APL jusque dans la volonté de liquider les acquis salariaux. Cette haine de classe doublée d’une haine raciale, elle est dans le tabassage de Michel Zecler, l’éborgnement de 22 manifestants, les amputations, les condamnations et acharnements judiciaires, par les nouveaux soldats versaillais, les Macron, Castaner, Lallement… Elle est dans toutes les mesures antisociales et liberticides.
Cet acharnement meurtrier d’une classe qui se sent menacée n’aura pas de limite ; nous devons le savoir. Ils iront jusqu’au bout de la barbarie. Hier avec leur visage de notables à rouflaquettes, aujourd’hui avec leur visage d’énarques aux joues en fesses de bébé. Ce sont leurs enfants.
Il nous appartient pas seulement de refaire la Commune mais de la rendre victorieuse.
Refaire la Commune ne se fera pas de la même manière, bien-sûr. Les conditions n’ont rien à voir. Nous avons encore des acquis, des conquis, il nous faut les défendre mais surtout ouvrir des perspectives pour les étendre. L’insurrection ne se décrète pas, elle surgira et personne ne peut dire quand ni où.
À ASAV nous travaillons à élaborer des perspectives politiques compatibles avec ce moment de l’histoire, un pas en avant. Le Premier Niveau de Salaire Inconditionnel en est un.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir