Par Dan Grazier − Le 19 mars 2021 − Source pogo.org
20 années durant, le programme du Pentagone en vue de développer l’avion F-35 est apparu comme invincible, malgré retards répétés et importants dépassements de budget. Et voilà qu’en l’espace d’à peine quelques semaines, le soutien officiel accordé au F-35 semble évaporé. Ce n’était pas trop tôt.
Sur la fin de l’administration Trump, le secrétaire à la défense en poste a qualifié ce programmé de « tas de …« Le directeur de l’Air Force a reconnu que le F-35 ne serait jamais en mesure de remplir les tâches qui lui furent initialement assignées. Et voici qu’à présent, c’est le comité des services des armées à la Chambre qui affirme que nous devrions cesser de déverser de l’argent dans le « trou à rats » F-35.
Tout ceci s’est produit à un moment où ce programme figure — à juste titre — sur une liste de programmes devant subir une révision de la part du Pentagone, qui pourrait déboucher sur une baisse du nombre d’aéronefs en commande. C’est le signal d’un mouvement tectonique quant au soutien accordé à un programme qui reçut par le passé un soutien quasiment unanime de la part des dirigeants du Pentagone et de Capitol Hill.
Ce mouvement fait suite à une subite prise de conscience à Washington, malgré des années de mises en gardes, que le F-35 pose trop de défis et est trop onéreux à entretenir.
Si des changements majeurs doivent se produire quant au programme F-35, c’est bien le moment d’en décider. Faute de ces changements, si le programme parvenait à se faufiler au travers des tests opérationnels, le Congrès pourrait autoriser un achat massif d’avions F-35, chose que le bureau du programme et les fabricants veulent depuis des années. Mais même si l’avion finit par être estampillé comme opérationnel, une telle décision reviendrait à attacher aux services armés des centaines d’avions défectueux, affublés d’un programme de maintenance incessant, qui seraient voués à faire chuter le taux de disponibilité, augmenter encore la pression que subissent des équipes de maintenance déjà hérissées, et exiger des années de mises à niveau coûteuses.
À tout le moins, il faut bloquer la mise en production jusqu’à la fin des tests opérationnels du programme. Les tests continuent de révéler des problèmes de conception dans le F-35 — le dernier décompte du mois de janvier en dénombre 871, soit seulement 2 de moins que l’an passé. D’ici à ce que le processus de tests soit terminé, et que les ingénieurs trouvent des solutions à ces problèmes, tous les avions F-35 achetés seront fabriqués avec ces failles, ce qui exigera par la suite de coûteuses et profondes modifications pour pallier à des problèmes dont certains n’ont même pas encore été révélés par le processus de test.
Les suspects habituels de l’industrie de la défense ont répondu énergiquement à la menace qui pèse sur ce programme, sur lequel ils ont misé leur avenir. Ils affirment que les services armés doivent se purger des systèmes plus anciens, soi-disant « dépassés » — l’argument typique avancé par les contractants de la défense pour s’assurer qu’il n’y ait guère d’autre choix que de leur acheter de nouvelles armes.
Mais les anciens appareils n’ont pas de défaut intrinsèque. Tant qu’on en assure correctement la maintenance, un avion bien conçu peut continuer d’être utile des décennies durant. Le B-52 en constitue un excellent exemple. On compte même 172 avions de lignes DC-3, mis en service en 1935, qui continuent de voler et d’être rentables pour leurs propriétaires.
Les dirigeants du Pentagone ont raison de réviser les programmes à problèmes, et ne devraient pas laisser un programme 20 années durant avant de ce faire. Et si les responsables du budget du Pentagone veulent pratiquer des coupes, ce n’est pas par des systèmes d’armement comme le F-16 ou l’A-10, qui ont prouvé leur valeur au combat, qu’ils devraient commencer. Le chef de l’Air Force, le général Charles « CQ » Brown Jr. a récemment affirmé que les fonctionnalités, et non pas l’âge, devraient constituer la question centrale de toute révision. « J’y pense réellement en prenant une perspective fonctionnelle. Cette fonction va-t-elle être pertinente aujourd’hui, demain? Et si elle ne promet pas d’être pertinente demain, ou va se montrer, vous savez, bien trop coûteuse pour être pertinente demain », alors il faut la retirer.
Le F-35 est la tête d’affiche des programmes trop coûteux pour être pertinents à l’avenir. On aurait dû annuler ce programme il y a plus de dix ans, avec son manquement Nunn-McCurdy, lorsque les coûts de développement et d’achat furent doublés. L’annuler à présent pourrait assurer une économie de 200 milliards de dollars rien qu’en coûts d’acquisition.
Sur la même ligne, le Pentagone aurait pu économiser des milliards en tuant les programmes « voués à l’échec » comme le Littoral Combat Ship ou les destroyers de classe Zumwalt, lorsqu’il devint clair qu’ils ne répondaient pas du tout aux attentes. Avec le programme Littoral Combat Ship, le contribuable a réglé pas moins de 30 milliards de dollars pour une classe polyvalente de petits navires de surface. Ce qu’il a reçu effectivement est une flotte de navires fragiles, incapables de tenir nombre de rôles qui étaient escomptés, et dont quatre exemplaires sont déjà sur la voie d’être mis au rebut. La Navy dépense plus de 23 milliards de dollars pour le programme Zumwalt, une conception de navire qui a échoué à remplir le rôle initialement escompté.
Les dirigeants militaires, qu’ils portent l’uniforme ou le costume civil, doivent se rappeler que tuer un nouveau programme ne constitue pas la fin du monde [Seulement la reconnaissance de la fin d’un Empire, NdT…]. En 2011, le corps des Marines a annulé l’Expeditionary Fighting Vehicle après avoir déversé 3 milliards de dollars dans le programme par suite d’une spirale de coûts et d’échecs technologiques. Après une remise à zéro, le service a développé l’Amphibious Combat Vehicle, bien plus simple, pour une fraction du budget.
Condamner nos petits-enfants à la pauvreté en poursuivant des futilités technologiques irréalistes n’est pas la manière appropriée de rivaliser avec nos adversaires potentiels. Dès lors que l’on s’intéresse au domaine militaire, les outils les plus simples possibles sont toujours les plus efficaces. Les décideurs du Congrès et du Pentagone devraient se montrer bien plus sceptiques lorsque les contracteurs de la défense énoncent des affirmations quant à des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves, et devraient avoir le courage d’arrêter les programmes lorsqu’il devient évident qu’ils sont voués à l’échec.
Dan Grazier
Note du Saker Francophone Et sur le sujet du déclin des empires, nous n'avons pas grand chose à ajouter à l'excellent ouvrage de John Glubb, Le sort des empires et la recherche de leur survie, déjà traduit par nos soins.
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone