par Clémentine.
La place de Michel Foucault dans le paysage de la pensée contemporaine est à la fois évidente et complexe. Évidente, parce que personne ne songerait à en nier aujourd’hui l’importance, et parce que les identifications de son travail ont foisonné depuis près de soixante ans.
Est-ce pour cela qu’un étrange silence entoure l’accusation de pédophilie lancée par Guy Sorman à l’endroit de Michel Foucault, le 9 mars 2021 sur France 5 ?
« Ce qu’à fait Michel Foucault en Tunisie et que je me suis reproché de ne pas avoir dénoncé à l’époque sont des choses parfaitement ignobles ».
« Ce qu’à fait Michel Foucault en Tunisie et que je me suis reproché de ne pas avoir dénoncé à l’époque sont des choses parfaitement ignobles. »
Dans #CCeSoir pic.twitter.com/c5eyvepxVV— C ce soir (@Ccesoir) March 10, 2021
« Je pense qu’il est important de savoir si l’auteur était un salaud ou pas […]. Ce qu’a fait Foucault avec de jeunes enfants en Tunisie, que j’ai vu et que je me suis reproché de ne pas avoir dénoncé à l’époque, me conduit non pas à rejeter son œuvre, mais à la regarder d’une manière différente ». Ces propos sont ceux de l’essayiste Guy Sorman, invité de C ce soir pour la parution de son dernier livre, « Mon dictionnaire du bulshitt » (Grasset).
« Pour traduire, Foucault était selon vous un pédophile, ce qu’on ne rappelle pas en général quand on parle de Foucault », clarifie le présentateur de l’émission Karim Rissouli.
Guy Sorman est formel : « Ce sont des choses parfaitement ignobles avec de jeunes enfants. La question du consentement ne se posait même pas. Ils n’étaient pas blancs, ils n’étaient pas français. C’était d’une laideur morale extrême ».
Les accusations de Guy Sorman remontent en fait au 9 janvier 2020 (il y a plus d’un an !), dans un éditorial du magazine France-Amérique, intitulé « Le talent n’excuse plus les crimes ». On y lisait ceci :
« De sa pédophilie, Gabriel Matzeff se vantait à la télévision et il en a fait des livres autobiographiques, fort médiocres. Le philosophe Michel Foucault, star intellectuelle des années 1970, allait plus loin encore : il considérait que toute loi, toute norme étaient une forme d’oppression par l’État et par la bourgeoisie. Au nom d’une libération totale, qu’il appliquait d’abord à lui-même, il s’achetait des petits garçons en Tunisie, au prétexte que ceux-ci avaient droit à la jouissance. Foucault se moquait éperdument de ce qu’il adviendrait des victimes, ou voulait ignorer qu’ils étaient les victimes d’un vieil impérialiste blanc ».
Le 28 mars 2021, c’est le prestigieux quotidien britannique The Times qui consacre un article à cette affaire : « French philosopher Michel Foucault ‘abused boys in Tunisia’ ».
En attendant une réaction des médias français ?
Car, curieusement, à l’heure où la question des violences sexuelles fait l’objet d’une extrême vigilance dans le débat public, la sortie médiatique de Guy Sorman, aussi accablante soit-elle, n’a pratiquement eu aucun écho.
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Tourisme sexuel : quand Frédéric Mitterrand évoquait la « solution Maghreb »
par Hicham Hamza.
Une confession méconnue de Frédéric Mitterrand à propos de ses relations tarifées en Tunisie est passée sous silence. Flashback.
« L’échange paraît facile… mais la transgression est absente. On sert de femme de remplacement et de livret de caisse d’épargne ; les beaux gosses arrivent comme au sport et pour financer l’électroménager de leur futur mariage avec la cousine choisie par leur mère… ce sont les familles qui mènent le jeu et gagnent à tous les coups… de vieilles folles compulsives y trouvent leur avantage… puis les garçons disparaissent d’un seul coup… la fatigue ne vous donne plus très envie de continuer » : en ces termes, Frédéric Mitterrand dévoilait la face obscure de son amour pour la Tunisie.
C’était en 2005, à l’occasion de la parution de son ouvrage intitulé « La mauvaise vie ». Ce récit cru et mélancolique relatait alors les expériences transgressives et autres égarements d’un esthète voyageur en mal de sensations fortes. Ainsi, à défaut de pouvoir s’aventurer dans les bordels d’Asie du Sud-Est, le narrateur admettait recourir à une alternative plus commode : la « solution Maghreb ».
Fin 2009, lors de la révélation médiatisée de passages faisant état de relations avec des « garçons » en Thaïlande, le journaliste de L’Express Jérôme Dupuis s’était livré à une analyse détaillée du récit. À propos du passage concernant la Tunisie, son commentaire fut explicite : « Ce qu’il appelle crûment la « solution Maghreb » (comprendre le tourisme sexuel en Afrique du Nord) serait une impasse, car les compagnons d’une nuit ne souhaitent pas le suivre en France. « Le minet n’immigre pas », conclut-il avec regret… ».
Plus loin, le critique littéraire renchérissait : « C’est pourtant un chapitre consacré à la Tunisie qui, peut-être, suscite chez le lecteur la plus grande gêne. Frédéric Mitterrand y raconte, en une scène déchirante, comment il emmène vivre avec lui à Paris un garçonnet tunisien, l’arrachant à une mère évidemment consentante mais éplorée. Pour l’éducation de ce « fils adoptif », le ministre se démène sans compter et se prive de vie mondaine. L’enfant, turbulent, lui mène la vie dure, arrachant à Frédéric Mitterrand cette réflexion – où comme toujours la franchise ouvre directement sur l’inconscient : “Je me demandais parfois si je serais capable de me donner tant de mal pour une petite fille. Les garçons touchaient évidemment à quelque chose de plus intime et de plus ambigu – quoique”… ».
Lors d’une interview spéciale avec Laurence Ferrari en octobre 2009, Frédéric Mitterrand – alors critiqué pour son soutien à la libération de Roman Polanski – avait précisé qu’il ne se livrait nullement, dans ce « récit pas totalement autobiographique », à « l’apologie du tourisme sexuel ». Une pratique qu’il « condamne » même s’il a reconnu avoir commis tout au plus « une faute contre l’idée de la dignité humaine » à propos de ses relations « tarifées ». Solennel, le ministre enfonçait le clou : « Il faut se refuser absolument à ce genre d’échange ».
La tempête est passée et Frédéric Mitterrand est resté à son poste. Curieuse faveur : alors que le secrétaire d’État, Georges Tron, soupçonné d’agression sexuelle, a dû démissionner alors qu’il n’est pas encore mis en examen, le ministre de la Culture a continué d’exercer ses fonctions alors qu’il avait confessé, de manière à peine voilée, avoir commis des actes susceptibles d’être considérés comme délictueux au regard du droit international.
Quant à Sarko, la protection qu’il assure au neveu de l’ancien Président n’a pas été entamée par la lecture de l’ouvrage controversé, bien au contraire – comme l’a expliqué son auteur au Nouvel Observateur : « J’ai parlé avec Nicolas Sarkozy à trois reprises de « La Mauvaise Vie ». La première fois, c’était pendant la campagne présidentielle, lors d’une rencontre informelle, hors de tout enjeu politique direct. Nicolas Sarkozy venait de lire mon livre. Sans céder au narcissisme, je crois pouvoir dire qu’il l’avait beaucoup aimé. J’ai surtout eu le sentiment qu’il l’avait compris. Nous en sommes restés là ».
Gratitude en retour : lors du dernier festival de Cannes, le ministre a affirmé qu’il ferait « ce qu’on lui demandera de faire » pour appuyer la candidature et la réélection de Nicolas Sarkozy. Six ans auparavant, Frédéric Mitterrand admettait pourtant n’avoir « aucune sympathie » pour celui qui était alors le dirigeant de l’UMP. La convoitise d’un maroquin rend probablement les êtres aimables.
source : https://numidia-liberum.blogspot.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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