par Jacques Henry.
L’EPR, acronyme de European Pressurised Reactor, fut au début une sorte de délire d’Anne Lauvergeon, alors à la tête d’Areva, qui imagina une renaissance du savoir-faire français dans l’énergie nucléaire sauf que dans sa tête Anne Lauvergeon avait oublié que d’une part le dernier réacteur construit sur le sol français, Civaux-2, avait été mis en chantier en 1991 en reprenant la totalité de la technologie mise en place 7 ans plus tôt pour les deux réacteurs de Chooz. Après ces réalisations ce fut la folie des grandeurs en augmentant la puissance électrique nominale de quelques dizaines de MW et en compliquant à l’extrême les systèmes de sécurité présentés comme arguments de vente car pour Areva il était vital de relancer la filière nucléaire française. En apparence Areva et Framatome n’avaient pas « perdu la main » mais cet aspect peut se discuter comme nous allons le découvrir dans ce billet. Le premier pays intéressé par ce réacteur de nouvelle génération fut la Finlande et la France créa pour cette opportunité de marché une sorte de consortium réunissant sous la tutelle d’Areva NP Mitsubishi Heavy Industry et Siemens. En 2005 le contractant finlandais TVO fut autorisé par les autorités politiques finlandaises à construire le premier EPR sur le site d’Olkiluoto. Les déboires d’Areva suivis de la reprise de ses activités nucléaires par EDF compliqua la situation.
Les retards s’accumulèrent, des querelles de marchands de tapis opposèrent Areva (puis Framatome et EDF) à TVO. Bref, l’EPR d’Olkiluoto n’est toujours pas fonctionnel et aux dernières nouvelles le combustible devrait être chargé au cours de ce printemps 2021 et la production commerciale devrait débuter au début de l’année 2022, c’est-à-dire 21 ans après le début des travaux. Le coût total de la construction de cet EPR d’Olkiluoto est de 11 milliards d’euros, la perte d’EDF ou pour être plus précis du gouvernement français s’élève à 5,5 Md d’euros. L’aventure de l’EPR finlandais est révélatrice de la gestion catastrophique du savoir-faire nucléaire français. Il est loin le temps au cours duquel la France construisait presque à la chaine des réacteurs comptant parmi les plus fiables du monde avec des délais de construction et des coûts très attractifs. C’est ainsi que la Corée et l’Afrique du Sud firent appel à Framatome et EDF pour leurs premiers réacteurs nucléaires.
La suite de la descente aux enfers de l’activité nucléaire française se concrétisa avec les deux EPR de Taishan en Chine. La construction de la première unité débuta à l’automne de l’année 2009 et celle de la seconde unité quelques mois plus tard. La France se coucha réellement pour obtenir ce contrat et il faut entrer dans les détails pour comprendre à quel point ce pays est devenu incapable de concrétiser des projets industriels de ce type car il n’y a plus la moindre compétence de haut niveau au sein du gouvernement français (voir note en fin de billet). Les deux actionnaires sont China Guangdong Nuclear Power à 70% et EDF à 30%. La cuve du réacteur de la première unité a été fabriquée par Mitsubishi Heavy Industry et la deuxième cuve par Dongfang Electric. Les générateurs de vapeurs ont été pour partie fabriqués par Framatome puis par Dongfang Electric. Enfin les turbines Arabelle ont été entièrement construites en Chine par Dongfang Electric et Shanghai Electric sous licence General Electric. La France a en effet vendu Alsthom-Energie à GE au cours de la construction de ces deux unités. La seule technologie qui n’a pas été totalement transférée à la Chine est la pompe du circuit primaire, il y en a 4 par unités, fabriquées en France par Jeumont. Il aura fallu un peu moins de dix ans pour que ces deux réacteurs soient connectés au réseau électrique. Le coût global de la mise en service de ces deux unités est sensiblement égal à celui du seul réacteur d’Olkiluoto avec le sacrifice de la part de la France d’un transfert de technologie massif, qu’il s’agisse des cuves, des générateurs de vapeur, des auxiliaires, du surpresseur, des sécheurs de vapeur et de bien d’autres équipements de sécurité.
Venons-en maintenant à Flamanville qui en dehors de la turbine Arabelle maintenant non plus fabriquée sur le sol français (?) mais par GE. Je n’ai pas trouvé de précisions sur ce dernier point puisque cet objet de très haute précision pèse plus de 450 tonnes. La construction de cette usine a débuté en décembre 2007. Elle n’est toujours pas opérationnelle puisque ce chantier a accumulé des déboires ubuesques. On arrive aujourd’hui à un coût global de 19 milliards d’euros et comme le disait Jacques Chirac les emmerdements volent toujours en escadrilles car les soudures des valves servant à alimenter certains auxiliaires situés dans le bâtiment du réacteur et raccordées aux boucles du circuit primaire, il y a une valve pour chacun des 4 générateurs de vapeurs, sont défectueuses. Ces valves ont été fabriquées en 2011 selon des plans datant de 2006. L’autorité de sureté nucléaire (ASN) a intimé l’ordre de modifier ces soudures. Les problèmes de soudure ont été récurrents sur ce chantier dont la mise en service était prévue pour 2013. Avec prudence on peut espérer un raccordement au réseau au mieux en 2023 … Inutile de mentionner le chantier de l’EPR d’Hinkley Point C dans lequel la Chine est partie prenante.
Illustration ASN, autres sources diverses toutes disponibles publiquement. Note. Le commissaire au plan nouvellement nommé par le président de la République française devrait s’orienter vers la Chine pour la construction des futurs EPR français !
source : https://jacqueshenry.wordpress.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International