Partie 1 – Est-il possible de fabriquer un virus ?
Partie 2 – Regard sur le point de vue du Pr Luc Montagnier
Partie 3 – Regard sur le point de vue de la virologue, Li-Meng Yan
Partie 4 – Regard sur le point de vue de la généticienne, Alexandra Henrion-Caude
*
par Candice Vacle.
Que peut-on penser du point de vue du Pr Fourtillan selon lequel le SARS-CoV-2 aurait été fabriqué par l’Institut Pasteur ?
Puisqu’il n’y a pas de preuve que le SARS-CoV-2 soit naturel, on peut se demander :
Le SARS-CoV-2 a-t-il été fabriqué ?
Dans les parties précédentes, il a été expliqué qu’il existe plusieurs technologies qui pourraient permettre de fabriquer un tel virus. Il est technologiquement possible de le faire, notamment avec les techniques de synthèse de gènes. Pr Luc Montagnier pense que le Covid-19 provient d’un virus classique, auquel auraient été ajoutées, des séquences du VIH et de la malaria. Christian Vélot, généticien et président du Conseil scientifique du Comité de Recherche et d’Information indépendantes sur le Génie génétique ne souscrit pas à l’avis du Pr Montagnier concernant l’ajout de séquences génétiques de VIH au SARS-CoV-2 car ces séquences sont de courte distance et peuvent être retrouvées dans d’autres génomes de pathogènes. Pour autant, il n’exclut pas « l’hypothèse d’une manipulation humaine » du SARS-CoV-2 et pense que son origine est « inconnue. » La virologue Li-Meng Yan pense que le SARS-CoV-2 pourrait avoir été créé car il y a des sites de restriction. Son point de vue est contrebalancé par celui du bio-informaticien Jacques van Helden, qui n’y voit là aucune preuve car ces sites sont également retrouvés dans le génome de nombreux virus naturels de chauve-souris et de pangolins. La généticienne Alexandra Henrion-Caude pense qu’il y a une insertion (site furine) dans la protéine Spike du SARS-CoV-2 qui ne peut pas être naturelle car elle présente « une originalité hors du commun par rapport aux autres coronavirus », et parce que le principe de l’introduction d’un site furine dans la séquence d’une protéine membranaire a été breveté. Sa démonstration comporte un biais, si on se base sur ce qu’explique le virologue E. Decroly, à savoir que d’autres coronavirus tels le MERS-CoV, ou le virus OC43 possèdent aussi cette insertion.
Un point de vue tonitruant sur l’origine du Covid-19 a fait grand éclat dans les médias. C’est celui du Pr Jean-Bernard Fourtillan, pharmacologue et ancien Professeur des Universités.
Qu’a-t-il dit ?
En novembre 2020, il intervient dans le film « Hold-up », en déclarant que l’Institut Pasteur a fabriqué le virus SARS-CoV-2.
« Ils ont pris le virus de l’épidémie du SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère] […] et ils ont inséré la séquence d’ADN de la malaria et puis ils ont inséré donc 157 fragments d’ADN et de protéines. Ce qui a donné SARS-CoV-1. […] Ensuite, en 2011, ils ont pris un brevet […] de Sars-CoV-1, ils sont passés à SARS-CoV-2. C’est exactement la même chose. […] Il n’y a pas eu de manipulation puisque c’est la même chose. C’est une continuation du brevet de 2003 ».
Il étaie son propos sur le site internet verite-covid19.fr en se basant sur un brevet intitulé « Nouvelle souche de coronavirus associé au SRAS et ses applications » déposé en Europe par l’Institut Pasteur en 2004
et sur deux autres brevets avec le même titre en anglais car déposés aux États-Unis :
Ces 3 brevets ont la même date de priorité (2 décembre 2003), à savoir « la date de dépôt de la toute première demande de brevet portant sur une invention donnée ». Il est aussi écrit dans ces 3 brevets que l’invention est issue d’un prélèvement répertorié sous le « n°031589 », « prélevé à Hanoï (Vietnam) ».
En revanche, ces 3 brevets ont des dates différentes 2004, 2010 et 2013. Ils font partie d’une famille de brevets.
Que conclure du fait que ces 3 brevets aient la même date de priorité, la même référence « n°031589 » mais des dates différentes ?
« Ce sont différentes étapes et différentes demandes faites l’une aux États-Unis et l’autre en Europe dans l’obtention du brevet, tout simplement », dit Christophe Noisette d’Inf’OGM qui s’intéresse aux brevets.
À ce stade, il est nécessaire de poser un certain nombre de questions au Pr Fourtillan pour avoir des explications plus précises concernant ses affirmations et son accusation car sur son site internet et dans les vidéos que j’ai visionnées, il n’y a aucune démonstration détaillée des éléments du brevet de 2004 l’amenant à ses conclusions. Je l’ai donc contacté à plusieurs reprises mais je n’ai obtenu aucune réponse. Je lui ai demandé entre autres : « À quel alinéa (merci de préciser son numéro) et quelle page du brevet intitulé “Nouvelle souche de coronavirus associé au SRAS et ses applications” déposé en Europe par l’Institut Pasteur en 2004, voyez-vous écrit ou expliqué qu’il y a la “séquence d’ADN de la malaria” ? » « Et concernant votre fragment de phrase “ils ont inséré donc 157 fragments d’ADN et de protéines”, pouvez-vous donner un seul exemple de ces insertions en précisant le numéro de l’alinéa et la page de votre exemple ? »[3]
Bien que Pr Fourtillan n’ait pas répondu, continuons cette enquête.
Comment est-il possible qu’un coronavirus SARS-CoV ait été breveté en 2007 et 2013 alors que le SRAS (maladie dûe au SARS-CoV-1) a disparu en 2003 ?
« Il avait été extrait avant, sans doute. Je n’ai pas la réponse à cette question. La demande de brevet prend beaucoup de temps. Donc, le décalage de date ne me paraît pas, en soi, un problème », écrit Christophe Noisette.
Est-il possible de breveter un coronavirus ?
« Oui, les virus et micro-organismes sont brevetables dans l’Union européenne car ils sont assimilés au produit d’un procédé microbiologique », écrit Christophe Noisette[4] en s’appuyant sur le texte juridique ci-dessous de l’Office européen des Brevets :
« En outre, le produit obtenu par un procédé microbiologique peut être breveté en tant que tel, […] la multiplication du micro-organisme elle-même représente un procédé microbiologique. Par conséquent, le micro-organisme peut être protégé en tant que tel puisqu’il est un produit obtenu par un procédé microbiologique […]. Le terme « micro-organisme » recouvre les bactéries et d’autres organismes généralement unicellulaires, invisibles à l’œil nu, qui peuvent être multipliés et manipulés en laboratoire […], y compris les virus ».
Sur le site de l’Office européen des brevets est aussi écrit :
« Les scientifiques et les chercheurs dans le domaine médical qui cherchent à développer un nouveau test de diagnostic, un traitement ou un vaccin peuvent isoler du matériel biologique tel qu’un virus, et demander la protection par brevet de celui-ci et de son utilisation dans la prévention, le diagnostic ou la guérison d’une maladie ».
Justin Firrell, attaché de presse principal de l’Office européen des Brevets résume : « Le droit européen des brevets permet la protection par brevet de la matière biologique telle que les virus et les bactéries », sous certaines conditions que l’on verra plus loin.
Un certain nombre de phrases dans ce brevet peuvent, quand on n’en connaît pas la teneur, laisser penser que le coronavirus de ce brevet a été fabriqué. Quelles sont ces phrases ?
Dans le brevet 2004 à propos du coronavirus, dont parle Pr Fourtillan, est écrit : « la présente invention ». (ex : alinéa [0020])
Cela veut-il dire que le coronavirus de ce brevet a été inventé ?
L’explication se trouve dans l’article 3.2 de la directive européenne 98/44 sur la brevetabilité qui stipule « une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l’aide d’un procédé technique peut être l’objet d’une invention, même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel ».
Donc, une invention brevetée peut être une matière biologique naturelle telle un virus. C’est contre-intuitif par rapport à l’acceptation commune du mot invention. Pour autant, pour que l’invention (le virus) puisse devenir un brevet, il y a une condition nécessaire supplémentaire.
Un virus isolé, seul, peut-il être breveté ?
Non. Sur le site de l’Office européen des Brevets est écrit : « Pour être brevetable, le virus isolé (ou son génome ou des parties de celui-ci) doit, en plus d’être nouveau (c’est-à-dire non reconnu comme ayant existé auparavant), apporter une solution inventive à un problème technique, comme la mise au point d’un kit de diagnostic pour détecter une infection ou la production d’un vaccin pour protéger contre l’infection ».
Poursuivons notre recherche.
Un autre alinéa du brevet de 2004 interpelle :
« [0062] Les Inventeurs décrivent également un acide nucléique comportant un gène synthétique permettant une expression optimisée de la protéine S dans des cellules eucaryotes, caractérisé en ce qu’il possède la séquence SEQ ID NO : 140 ».
La mention de ce « gène synthétique » serait-elle la preuve que ce coronavirus du brevet de 2004 ait été fabriqué ?
Un enseignant-chercheur de l’Université Grenoble Alpes, qui préfère rester anonyme et dont j’ai vérifié les compétences (on l’appellera « le scientifique anonyme grenoblois ») répond :
« La notion de « gène synthétique » est tout à fait courante dans ce genre de travail […] Ça ne veut pas dire que le virus a été « créé ». Ici, il s’agit de faire exprimer la protéine S dans des cellules eucaryotes, afin d’en disposer en grande quantité et pouvoir l’utiliser ensuite dans des tests de diagnostic par exemple ».
En bref, ce type de gène est « classique » pour ce genre de recherche et ne veut pas dire que le virus a été fabriqué.[9]
D’autres alinéas énigmatiques de ce brevet peuvent inquiéter. Ainsi, dans l’alinéa 68 est écrit :
« Les Inventeurs décrivent également un virus rougeole recombinant codant pour un polypeptide de la famille de la protéine S, telle que définie ci-dessus ».
Que vient faire la « rougeole » dans ce brevet ?
Le scientifique anonyme grenoblois explique qu’ici le virus de la rougeole est l’un « des vecteurs vaccinaux » « utilisés par l’Institut Pasteur. »[10] En effet, sur le site de l’Institut Pasteur, il est mentionné que le virus de la rougeole est utilisé comme vecteur, par exemple, dans sa recherche d’un vaccin contre l’infection par le SARS-CoV-2.
La question centrale se présente : le coronavirus du brevet de 2004 est-il naturel ou fabriqué ?
Dans le brevet de 2004 est écrit : « [0020] La présente invention a donc pour objet, une souche isolée ou purifiée de coronavirus humain associé au syndrome respiratoire aigu sévère », et plus loin « [0029] les termes « isolé ou purifié » signifient modifié « par la main de l’homme » à partir de l’état naturel ; autrement dit si un objet existe dans la nature, il est dit isolé ou purifié s’il a été modifié ou extrait de son environnement naturel ou les deux ».
A priori, cela veut dire que l’invention du brevet de 2004 peut être soit un coronavirus naturel sorti de son environnement naturel, soit un coronavirus modifié sorti de son environnement naturel.
La phrase [0021] du brevet de 2004 tend à faire penser que ce coronavirus est naturel : « Cette souche de coronavirus est issue du prélèvement de lavage broncho-alvéolaire d’un patient atteint de SRAS, répertorié sous le n°031589 et effectué à l’hôpital français de Hanoï (Vietnam) ».
Étant donné qu’il est très difficile de comprendre ce brevet à cause du vocabulaire juridique et scientifique spécifique, demandons à des spécialistes : le coronavirus du brevet de 2004 est-il naturel ou fabriqué ?
Professeur Bernard La Scola, médecin microbiologiste, virologue et directeur du laboratoire P3 à l’IHU Méditerranée Infection de Marseille répond : « Il s’agit d’un variant du SARS-CoV-1, la souche de l’épidémie du début des années 2000, variant de la souche originelle que les personnes qui ont déposé le brevet espéraient sans doute ensuite utiliser pour des applications brevetables, diagnostic, vaccin, etc… C’est un peu comme le variant anglais vis à vis du SARS-CoV-2 origine ».
Le scientifique anonyme grenoblois écrit :
« Ce brevet de l’Institut Pasteur décrit une souche de Coronavirus isolée à Hanoï (Vietnam) suite à l’épidémie de pneumonies atypiques répertoriées en Asie du Sud-Est en 2003 (foyer initial en Chine) ».
« Le brevet décrit le génome de ce Coronavirus ; en quoi ce génome est similaire aux génomes de Coronavirus déjà identifiés alors ; ainsi que ses spécificités ».
« Le brevet décrit également tous les outils moléculaires qui ont été construits afin de pouvoir mettre au point :
- des kits de diagnostic de cette infection,
- des vecteurs vaccinaux (utilisant notamment des vecteurs adénovirus et virus de la rougeole) ».[10]
En effet, dans ce brevet, il est souvent question de diagnostic et de vaccin, dès l’alinéa [0001].
Le scientifique anonyme grenoblois continue son explication :
« Ce brevet est donc le résultat d’un très gros travail qui a nécessité la construction de nombreux outils moléculaires « classiques » mais qui, si on n’est pas initié aux termes de biologie moléculaire et d’ingénierie des protéines, peuvent faire peur : on y parle de fusion de gènes, de gène synthétique, d’expression de protéines dans des cellules de mammifères, etc. Tout cet arsenal d’outils moléculaires montre que l’Institut Pasteur a entrepris une étude très importante pour rechercher les meilleures solutions diagnostiques et vaccinales, avec les données scientifiques dont ils avaient connaissance à l’époque ».
« Par contre, ce brevet ne décrit en aucune manière, la « manipulation génétique » du génome de ce coronavirus qui viserait à le rendre plus contagieux et/ou plus virulent, bien au contraire !
En résumé, le brevet décrit tous les éléments moléculaires qui ont été construits ainsi que toutes les études qui ont été réalisées pour développer des solutions diagnostiques et vaccinales ».[10]
Pourquoi le Pr Fourtillan n’a pas fait (pour ce que j’ai pu lire ou regarder) une démonstration des éléments du brevet de 2004 l’amenant à ses conclusions plutôt que de mettre en cause l’Institut Pasteur sans amener de preuves détaillées et compréhensibles par les personnes désireuses de comprendre son point de vue avec précision ?
Dans la partie suivante, la sixième, nous nous demanderons : est-il possible que le SARS-CoV-2 ne soit ni naturel, ni fabriqué ?
*
« C’est une idée qui peut faire rire,
mais la seule façon de lutter contre la peste [une épidémie],
c’est l’honnêteté ».
Albert Camus, « La peste »
Source: Lire l'article complet de Réseau International