8 musiques sublimes pour une Semaine sainte en beauté

8 musiques sublimes pour une Semaine sainte en beauté

À l’approche de Pâques, quoi de mieux que d’écouter La Passion selon saint Matthieu de Bach ? Par la musique et les textes, c’est l’occasion de contempler la mort et la résurrection du Christ de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force. Cette année, l’accès limité aux églises et aux salles de concert peut être une occasion pour explorer d’autres classiques moins connus, mais tout aussi invitants à la méditation du mystère pascal. Voici donc, un jour à la fois, 8 choix musicaux méconnus pour embellir votre Semaine sainte !

Dimanche des Rameaux – La Brockes-Passion de Telemann

Peu connu des francophones, l’écrivain allemand Barthold Brockes a rédigé son livret de La Passion du Christ en 1712. D’une grande puissance poétique, il a connu un tel succès qu’il a été adopté par une douzaine de compositeurs, dont Händel et Keiser. C’est en 1716 que Telemann l’a mis en musique à son tour. 

On raconte que Bach aimait tellement cette partition qu’il l’a recopiée intégralement à la main. Alors que la Vierge Marie est silencieuse dans les récits des évangiles, le texte de Brockes lui donne la parole dans un récitatif et un duo remarquable avec son fils : « Oh mon Dieu, oh mon Dieu, mon fils… Laisse mon enfant, ma vie, mourir. »

Lundi saint – Les Lamentations du prophète Jérémie de Ernst Krenek

Ces lamentations du compositeur autrichien Ernst Krenek, converti au catholicisme en 1930, ont été créées en 1941 en pleine Seconde Guerre mondiale. Il se trouvait alors en exil aux États-Unis pour fuir les nazis qui le considéraient comme un « bolchévique culturel » et qui avaient interdit sa musique qualifiée de « dégénérée ». 

Cette étonnante œuvre chorale aux délicates textures de voix, transcende l’espace et le temps avec ses tonalités évoquant plaintes et douleurs. À écouter en méditant les textes du prophète Jérémie qui décrivent la destruction apocalyptique de Jérusalem.

Mardi saint – Le Christ au mont des Oliviers de Beethoven

L’unique oratorio de Beethoven, écrit en à peine deux semaines à l’automne 1802, dépeint les états d’âme de Jésus dans le jardin de Gethsémani tout juste avant sa crucifixion. 

« Mon cœur se brise en ce moment,
Ô mon Père ! daigne m’entendre !
Contre la mort, viens me défendre   
Je souffre un horrible tourment. » 

L’air assez connu du chœur final est aujourd’hui souvent repris sous la forme d’alléluias. Écoutez la version de Kent Nagano en suivant le texte (très critiqué à l’époque !) du poète autrichien Franz Xaver Huber en traduction française. 

Mercredi saint – Les Leçons de Ténèbres de Marc-Antoine Charpentier

Le Mercredi saint, l’Église fait mémoire de la trahison de Juda. Commence aussi le traditionnel office des Ténèbres, prière liturgique constituée des psaumes évoquant la passion du Christ, elle revêt un caractère de deuil anticipé. 

De tous les compositeurs qui ont mis leur art au service de cette prière, c’est sans conteste Marc-Antoine Charpentier qui se démarque du lot. On écoute toujours l’enregistrement mythique de René Jacob réalisé en 1982 et on aime particulièrement les extraordinaires leçons pour basses plus sobres qui marient gravité et ferveur.

Jeudi saint – Les Membres de notre Jésus de Dietrich Buxtehude

En ce jour où Marie-Madeleine a versé un parfum sur les pieds de Jésus et les a essuyés avec ses cheveux, il convient comme elle d’honorer ce corps qui s’est offert par amour de l’humanité. C’est ce que nous invite à faire cette musique absolument unique et originale de l’organiste allemand d’ascendance danoise Dietrich Buxtehude. 

Les Membres de notre Jésus est un cycle de cantates composé en 1680 sur des poésies spirituelles du Moyen-âge attribuées à saint Bernard de Clairvaux. On y contemple en un mouvement ascendant les sept plaies du Christ : de ses pieds jusqu’à son visage, en passant par ses genoux, ses mains, son flanc, sa poitrine et son cœur. Une œuvre parfumée, très pure et de grande valeur !

Vendredi saint – La Passion selon saint Jean d’Arvo Pärt

Au carrefour des traditions musicales orthodoxes, catholiques et protestantes, cette passion contemporaine du célèbre compositeur estonien est aussi fascinante que dérangeante. Mystique et minimaliste, quasi statique, tout est épuré et ralenti pour laisser la parole raisonner et l’obscurité nous pénétrer. Un pèlerinage musical vers la Croix.

« On sort de ce concert avec une étrange sensation d’envoutement, de recueillement, de questionnements sur le monde, une austérité assumée loin des tumultes novateurs de la musique contemporaine. » (Yves Bergé)

Samedi saint – Le Samedi saint de Carlo Gesualdo

Troisième cycle de ses Répons des Ténèbres, Le Samedi saint de Carlo Gesualdo est d’une puissance expressive à l’image de sa vie sulfureuse. Le maitre de la voix polyphonique et prince italien de la Renaissance est en effet connu pour avoir assassiné sa première épouse et son amant après les avoir surpris en plein adultère. Après la tempête de la Passion du vendredi, cette musique mélancolique aux harmonies audacieuses est tout à propos pour ce jour d’attente silencieuse et priante.

Dimanche de Pâques – La Grande Pâque russe de Rimsky-Korsakov

Très tôt au matin de Pâques, réveillez-vous avec cette Ouverture de concert sur des thèmes traditionnels de la liturgie orthodoxe russe. Son compositeur, Rimski-Korsakov, l’a abondamment décrite dans ses Chroniques de ma vie musicale : « L’assez longue et lente introduction à La Grande Pâque russe sur le thème Dieu ressuscitera, évoquait pour moi la prophétie d’Isaïe sur la résurrection du Christ. […] Les sombres couleurs de l’andante lugubre semblent représenter le Saint-Sépulcre s’illuminant au moment de la résurrection. » 

Populaire et joyeux, ce classique débordant de vie et de couleurs saura vous faire entrer dans la lumière de Pâques. En russe, Pâques se dit d’ailleurs la « fête lumineuse ». Христосъ воскресе! / Воистину Воскресе! (Le Christ est ressuscité! / Il est vraiment ressuscité!)


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