Selon le ministre syrien du Pétrole, les États-Unis continuent de piller les hydrocarbures du pays. Il accuse l’Oncle Sam de « piraterie ». La Franco-Syrienne Ayssar Midani abonde dans son sens. Celle qui préside la Fondation Descendants d’Ashtar juge que la stratégie américaine s’inscrit dans un plan plus large d’asphyxie financière de Damas.
« Les Américains et leurs alliés ciblent la richesse pétrolière syrienne et ses pétroliers comme des pirates », s’indignait le 19 mars le ministre syrien du Pétrole et des Ressources minérales, Bassam Tomeh, sur une télévision syrienne.
En effet, la frustration est de mise à Damas. Alors que le pays en a presque fini avec la guerre, il doit désormais porter un second fardeau, une crise économique aggravée par les sanctions occidentales.
Face à ces mesures coercitives, l’État syrien n’a que peu de marges de manœuvre. Impulsées par Washington et ses alliés, les mesures de rétorsion visent à confisquer les clés d’une reconstruction qui pourrait participer à réaffirmer la légitimité politique du gouvernement de Damas.
« Il y a une entreprise d’appauvrissement et d’étouffement du peuple syrien. Privé de toutes ses ressources, l’État ne peut assurer les services dont il est normalement responsable », confie au micro de Sputnik Ayssar Midani.
D’après celle qui suit le conflit depuis près de dix ans, « les Américains volent le pétrole syrien pour empêcher Damas d’entreprendre la reconstruction du pays. Ils continuent d’alimenter à cette fin leur milice des Forces démocratiques syriennes, qui ne sont ni syriennes, ni démocratiques ».
Le pétrole, nerf de la guerre
En 2008, le secteur pétrolier représentait 23% des recettes publiques du pays, 20% du montant total des exportations et 22% du PIB de la Syrie.
À cette époque-là, le pays exportait environ 150 000 barils par jour. Le pétrole représentait la majorité des revenus d’exportation de l’État.
Aujourd’hui le pays n’a accès qu’aux miettes de cette manne financière. Un manque à gagner que le ministre syrien du Pétrole évalue à 92 milliards de dollars.
La plupart des réserves se trouvent au nord-est de la Syrie, aujourd’hui sous contrôle américano-kurde. La compagnie américaine Delta Crescent Energy les exploite à sa guise.
Damas ne peut y accéder. Les États-Unis nient pourtant toute velléité d’accaparer le pétrole syrien. Ils justifient leur présence au sol par la lutte contre « Daech ».
Toutefois, rappelle Ayssar Midani, qui se rend régulièrement en Syrie : « Il n’y a pas que le pétrole ! »
« Les Américains s’attaquent également aux ressources agricoles du pays. Ils ont déjà brûlé des récoltes de blé dans la région de Hassaké, au nord-est de la Syrie. Il y a également des coupures volontaires d’eau et d’électricité pour les habitants », avance-t-elle.
« L’un des aspects de cette politique est la poursuite de l’occupation étrangère de certaines régions syriennes. De sorte que les Syriens n’ont notamment pas accès à leurs propres gisements de pétrole et de gaz, ainsi qu’aux champs agricoles dans le Nord-Est », expliquait récemment à Sputnik l’ambassadeur de Russie à Damas.
En s’attaquant aux revenus liés au blé et au pétrole, Washington met à mal le triptyque qui a fait la force économique de ce pays naguère prospère : pétrole, blé et tourisme.
Sanctions et inflation
En effet, avant la guerre, l’économie syrienne reposait surtout sur ces trois secteurs clés. Pour des raisons évidentes, le tourisme est actuellement sous cloche, bien que Damas essaye de lui redonner vie, notamment sur sa côte ouest.
Avec l’attaque en règle des États-Unis contre les deux autres secteurs, le pays se retrouve totalement désarmé pour entamer sa reconstruction économique, sociale et politique.
« Ce qui s’est passé tout au long de la guerre [en Syrie, ndlr] ne s’est produit dans aucun pays, en ce sens que cela nous a empêchés d’exploiter nos richesses et, dans le même temps, a empêché les produits de base d’atteindre notre pays », a déploré Bassam Tomeh.
À cela s’ajoutent des facteurs économiques exogènes qui paralysent également le redémarrage de l’activité.
D’une part, il y a les sanctions imposées par Washington sous Donald Trump et maintenues par son successeur.
Baptisées loi César, celles-ci prévoient le gel des avoirs et l’impossibilité d’accès au système bancaire américain à 411 personnalités syriennes et 111 entreprises.
Cette loi cible la coopération étrangère avec Damas et l’interdit de facto sous peine de sanctions.
D’autre part, la livre syrienne connaît depuis quelques années une chute vertigineuse.
Le phénomène s’est largement accéléré en 2020 avec la crise économique et politique qui a frappé le voisin libanais.
En novembre dernier, le président syrien Bachar el-Assad avait déclaré que « le cœur du problème » était lié au blocage de « l’argent que les Syriens ont […] déposé au Liban ».
« Lorsque les banques libanaises ont fermé, nous en avons payé le prix ». Résultat des courses, la livre syrienne a plongé début mars à 4 000 livres pour un dollar. Un seuil historique, loin des 47 livres pour un dollar d’avant-guerre.
« Une démarche politique pour délégitimer Damas »
L’écroulement de la monnaie locale a propulsé l’inflation à un niveau record. Selon le Programme alimentaire mondial, les prix des denrées alimentaires ont été multipliés par 33 en dix ans. 60% de la population vit dans une situation d’insécurité alimentaire.
« La dernière étape de cette entreprise, c’est de s’attaquer à ceux qui nous envoient de l’aide », explique Ayssar Midani en référence au cargo iranien en route pour la Syrie attaqué en Méditerranée le vendredi 12 mars.
« La logique derrière tout cela est de pousser les Syriens à l’exode. Leur faire croire que l’État central de Damas ne peut leur fournir les biens et les services qu’un État peut et doit normalement fournir à ses citoyens. Une démarche politique pour délégitimer Damas », conclut-elle.
source : https://french.alahednews.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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