par Martin Arnold et James Politi.
La dynamique de la vaccination et l’ampleur des programmes d’aide pourraient expliquer les chemins de reprise économique qui s’écartent de plus en plus. L’Europe risque d’afficher une croissance deux fois inférieure à celle des États-Unis. De plus, la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait se retrouver en conflit avec la Banque centrale de l’UE.
Depuis son début, la pandémie de coronavirus a commencé à laisser des cicatrices plus profondes en Europe qu’aux États-Unis. Leur réaction actuelle à la crise signifie que ces économies transatlantiques sont prêtes à un plus grand éloignement l’une de l’autre.
En UE, l’écart de production (output gap), c’est-à-dire l’écart entre le niveau observé du PIB et son niveau potentiel, en début d’année, est deux fois plus élevé par rapport à l’indice américain. Ce qui signifie que l’économie européenne a créé moins d’emplois, a assuré une demande plus faible et qu’elle est confrontée à une plus basse inflation.
D’après les économistes, cette année l’Amérique continuera d’aller de l’avant, tandis que l’Europe prend du retard suite aux dépenses publiques moins ambitieuses, aux restrictions plus strictes vis-à-vis des entreprises et au rythme de vaccination plus bas.
« De toute évidence, les États-Unis sont en passe d’afficher l’an prochain la croissance économique prédite avant la pandémie de coronavirus, tandis qu’en Europe les chances réalistes d’une telle chose ne sont pas à prévoir dans les années à venir », a déclaré Erik Nielsen, économiste en chef de la banque italienne UniCredit.
Après l’approbation, la semaine dernière, par le gouvernement américain des dépenses à hauteur de 1 900 milliards de dollars, Erik Nielsen a calculé que cette année l’économie américaine recevrait un bénéfice des stimulations fiscales liquides à hauteur de 11-12% du PIB, soit le triple de l’écart de production prévu.
À l’opposé, les nouvelles mesures fiscales prévues par 19 pays de la zone euro, y compris les dépenses supplémentaires pour la réalisation des plans d’aide, les recettes fiscales non perçues et les versements du fonds de relance de l’UE à hauteur de 750 milliards d’euro n’ajouteront que 6% au PIB, soit seulement 70% de l’écart du PIB dans ce bloc.
La semaine dernière, le président américain Joe Biden a annoncé que chaque adulte américain pourrait se faire vacciner d’ici le 1er mai, et le 4 juillet, la journée de l’indépendance, est définie en tant que seuil du retour à une certaine normalité. Alors que l’UE éprouve des difficultés avec la réalisation de son plan de vaccination de 70% de la population adulte d’ici septembre, et ce dû au retard de la production des vaccins, ainsi qu’aux doutes concernant l’efficacité et les effets secondaires éventuels du vaccin AstraZeneca.
« Les retards de la vaccination et la politique fiscale insuffisante impacteront la croissance économique dans les trimestres à venir. L’Europe risque d’atteindre cette année seulement la moitié de la croissance par rapport à celle des États-Unis », a déclaré Vítor Constâncio, vice-président de la Banque centrale européenne (BCE).
Christine Lagarde, patronne de la BCE, a parlé la semaine dernière de l’existence d’un « écart temporaire » entre les plans américains et européens en matière de stimulations fiscales. « Nos propres mesures fiscales n’ont pas encore commencé à agir. Or nous devons le faire », a-t-elle ajouté.
L’économie de la zone euro a diminué de 6,6% l’an dernier. À titre de comparaison, l’économie américaine s’est réduite de 3,5% et, de toute évidence, ce n’est pas la reprise qui attend le bloc européen au premier trimestre de cette année, mais une double récession, ainsi qu’une croissance négative qui a lieu depuis deux trimestres consécutifs.
Selon le pronostic publié la semaine dernière par l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), la croissance économique américaine affichera 6,5% cette année et 4% l’an prochain, contre 3,9% et 3,8% respectivement dans la zone euro.
Les dirigeants de l’UE ont annoncé ce mois-ci que ses règles fiscales, les objectifs en matière de réduction de la dette et de déficit budgétaire, seraient suspendues pendant une année supplémentaire et ne s’appliqueraient pas en 2022.
D’après Vítor Constâncio, l’une des options proposées consiste à exclure 350 milliards d’euros des prêts du budget de relance de l’UE de l’évaluation de la dette nationale.
Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), trouve également nécessaire un « soutien plus actif » en termes de mesures fiscales. « Cela dépendra du comportement de la demande privée, de l’optimisme et de la fin de la période d’épargne des fonds pour des imprévus due à l’incertitude », a-t-il souligné.
Cependant, les États-Unis peuvent également compter sur un plus grand potentiel de hausse des épargnes pour des situations imprévues, et ce processus pourrait même se renforcer quand pratiquement tous les Américains recevront un chèque de 1 400 dollars dans le cadre du programme de stimulation de Joe Biden.
Un autre écart pourrait se produire dans la politique monétaire. La Fed n’adoptera aucun changement significatif à court terme car elle a déjà fixé très haut la barre des taux d’intérêt, ainsi qu’a réduit le programme d’acquisition des actifs. Mais si la reprise de l’économie américaine était fulgurante cette année et approchait le taux plein l’an prochain, la banque centrale des États-Unis évoquerait la suspension du soutien économique plus tôt que prévu.
Au final, la Fed se retrouverait en conflit avec la BCE, qui a annoncé une accélération « significative » de la réalisation du plan d’acquisition des actifs, et, selon ses prévisions, dans deux ans également l’inflation restera bien plus basse que le taux visé.
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