par Karine Bechet-Golovko.
La presse aujourd’hui reprend d’une seule voix, sans oser l’interroger, le rapport présenté par le Conseil national du Renseignement américain concernant l’ingérence étrangère dans les dernières élections présidentielles. Non seulement la Russie est présentée comme l’ennemi n°1, mais son président Poutine personnellement, la Chine est délicatement écartée et l’Iran remonte dans la liste des ennemis du régime américain globaliste. Ce rapport de 15 pages est intéressant à plusieurs titres, mais surtout parce qu’il est la revanche après la défaite électorale des démocrates avec Trump, et doit montrer le tournant. Son but principal est de déconstruire ce qui a été fait depuis 2016, à savoir une Russie véritable Deus ex Machina de toutes les élections. Les démocrates ont repris le pouvoir sur le corps américain de la globalisation, il faut désacraliser l’ennemi, tout en le préservant. Mais la question de la manipulation intérieure de ces élections n’a pas été soulevée par le rapport … On ne juge pas les vainqueurs.
Le Conseil national du Renseignement américain vient de déclassifier un rapport de 15 pages (disponible ici en anglais) sur l’ingérence étrangère dans les élections fédérales américaines de 2020. Ce rapport, pas plus que les autres, ne s’appuie sur des éléments factuels précis, il reste bien dans la nouvelle tradition du tribunal politico-médiatique et de la construction et configuration de la figure de l’ennemi. En ce sens, il utilise à satiété le verbe « estimer » pour développer des convictions, construire une certaine vision du monde, plus que pour diffuser le résultat d’une enquête objective.
En l’espèce, cinq conclusions sont apportées :
1 – Il n’y a aucune indication quant à l’ingérence d’un acteur étranger dans le processus technique du vote lors des élections fédérales de 2020, ce qui concerne l’inscription des électeurs, le dépôt des bulletins de vote, le décompte des voix ou l’annonce des résultats. En revanche, aucun mot concernant le « dysfonctionnement » des machines pour le vote électronique, des sacs de bulletins apparaissant miraculeusement, etc. Comme Biden a gagné, les élections doivent être présentées comme propres, c’est-à-dire sans ingérence technique étrangère, qui pourrait jouer sur le nombre de voix, le reste ne compte pas.
2 – Les services de renseignement estiment que le président russe Poutine a autorisé, avec l’appui d’organes publics russes, des opérations d’influence visant à dénigrer en particulier la candidature de Biden à la présidence et du Parti démocrate en général, à soutenir le candidat sortant Trump, en sapant la confiance des électeurs dans le processus électoral et en exacerbant les divisions sociopolitiques du pays. Mais à la différence de 2016, ces services n’ont pas remarqué de tentative de cyberattaque pour accéder aux infrastructures du vote. Ils sont certains de la volonté de Moscou de discréditer Biden et notamment en faisant fuiter par les services secrets russes des informations contre Biden auprès des officiels américains, dont l’ancien président Trump, et de la presse. Comme avec les mails des démocrates à l’époque, le fond n’a ici aucune importance, à savoir les bénéfices directs du Maïdan ukrainien pour la famille Biden. Mais l’important dans cette partie est ailleurs – la Russie n’a pas pu empêcher l’élection des démocrates cette fois. C’est ici l’enjeu pour les globalistes, car ils doivent détruire l’image de la Russie toute puissante qu’ils avaient construites malgré eux, lors de leur défaite pour la justifier.
3 – Les services de renseignement estiment que le leader iranien Khomeini, avec l’aide de ses organes publics, a lancé une grande campagne d’influence contre les États-Unis, pour porter atteinte à l’ancien président Trump, « sans pour autant promouvoir ses rivaux ». Et c’est bien là le plus important, Biden ne peut avoir été favorisé par la campagne iranienne. Ce rapport devient de plus en plus absurde au fur et à mesure de sa lecture.
4 – Les services de renseignement estiment que la Chine n’a pas déployé d’efforts pour influencer la campagne. Autrement dit, le virage de la politique extérieure américaine envers la Chine est en route.
5 – Les services de renseignement, en revanche, estiment que divers autres acteurs, comme le Hezbollah libanais, Cuba ou le Venezuela ont tenté d’influencer les élections. L’on retrouve ici la liste des ennemis classiques de second rang.
Sur le fond, ce rapport n’apporte rien. Aucune précision, aucun élément matériel de preuve, rien que des convictions, nécessaires à la nouvelle administration américaine et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, après les scandales qui ont entouré l’une des élections les plus sales de l’histoire américaine, les démocrates ont besoin d’un sursaut de légitimité. Une enquête sur les manipulations internes ayant été impossible, puisque les vainqueurs ont toujours raison, et la défaillance du système judiciaire américain sur cette question n’est pas une surprise, il faut au moins montrer, qu’à la différence de l’élection de Trump qui, pour les démocrates fut le résultat d’une ingérence russe, eux ne doivent pas leur victoire à des agents d’influence étrangers.
Ensuite, à force d’avoir attribué la victoire électorale de Trump à la Russie et d’avoir lancé l’Europe à sa suite, les démocrates ont fait de la Russie, certes l’image même de l’ennemi, mais d’un ennemi extrêmement puissant, faisant la pluie et le beau temps électoral dans le monde. Que restait-il alors de la puissance du monde global ? C’était l’impasse : car soit ils devaient reconnaître le manque de soutien électoral, soit reconnaître la puissance supérieure d’un autre centre politique, qui par là même remettait en cause l’existence de la globalisation. Ce rapport permet de déconstruire ce qui a été fait par nécessité et dans l’urgence depuis 2016, à savoir il a pour but principal de restaurer la toute-puissance des États-Unis centre unique du pouvoir globaliste avec l’élection des démocrates.
Tous ces effets de manche ne règlent pourtant pas la question de la légitimité réelle de ces élections américaines, ni ne garantissent la puissance réelle des États-Unis, corps récupéré de la puissance globaliste, de moins en moins populaire, mais toujours assez fort pour empêcher l’émergence d’une force politique concurrente.
source : http://russiepolitics.blogspot.com
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