A la fin de la guerre froide, dans les années 1970-1980, l’Occident ne se fixait pas pour objectif de détruire l’URSS. Cette question ne se posait pas avant tout parce que personne ne pouvait s’imaginer qu’une telle chose puisse se produire.
L’objectif principal consistait à maintenir un équilibre des forces et à contenir l’expansion soviétique, qui se déroulait à l’époque à la périphérie: en Amérique centrale (la bataille autour du Nicaragua, du Salvador et de la Grenade), en Afrique (Angola, Mozambique, Ethiopie), puis en Afghanistan. L’URSS faisait la même chose, elle contenait l’expansion américaine à la périphérie. Jusqu’à la fin des années 1980, l’Occident ne pensait même pas que l’URSS puisse s’effondrer.
N’oublions pas que la Guerre froide se basait sur la confrontation nucléaire. En l’absence de potentiels nucléaires, le conflit entre l’URSS et les Etats-Unis aurait certainement dégénéré depuis longtemps en une guerre chaude avec des résultats imprévisibles. C’est l’arme nucléaire qui a permis d’éviter que la Guerre froide devienne chaude.
En ce sens, rien n’a changé: la Russie a hérité du potentiel nucléaire de l’URSS, qui est maintenu et se renforce à ce jour. C’est pourquoi les relations russo-américaines continuent d’être basées sur la même chose: la présence d’une limite de pression réciproque, car une escalade sans limite du conflit risque de conduire à une destruction réciproque. Aussi hypothétique que soit une telle perspective, elle existe. Comme l’a écrit encore en 1945 George Orwell dans son célèbre essai Vous et la bombe atomique, c’est précisément le nouvel ordre mondial. Quand l’arme nucléaire existe, c’est ceux qui la possèdent qui dirigent le monde. Cela n’a pas changé. Et les puissances nucléaires ne peuvent pas se permettre de passer aux attaques directes l’une contre l’autre. L’ordre mondial décrit par George Orwell tel que l’ordre mondial nucléaire n’a pas disparu. Du moins pour l’instant.
Personne n’a réussi à l’ébranler: ni Mikhaïl Gorbatchev ni Vladimir Poutine ni Ronald Reagan ni Barack Obama ni qui que ce soit d’autre.
Il y a 75 ans a été prononcé le discours de Fulton de Winston Churchill, qui est considéré comme ayant marqué le départ de la Guerre froide. Presque 30 ans plus tard, nous sommes revenus à quelque chose de très similaire à celle-ci. L’idée que Mikhaïl Gorbatchev a mis un point dans l’histoire de cette confrontation n’est rien de plus qu’une illusion. Et c’est une bonne chose parce que dès que la Guerre froide cessera réellement, surviendra le risque d’une guerre chaude de grande envergure.
Fiodor Loukianov, journaliste et analyste politique
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