Linda Silas est infirmière et présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers.
Le 11 mars, jour anniversaire où l’Organisation mondiale de la santé a déclaré la COVID-19 comme étant une pandémie mondiale, les infirmières et les infirmiers du Canada sont arrivés au point de rupture. Nous sommes épuisés, à bout de souffle… et en colère.
Chaque jour, infirmières et infirmiers autorisés sont aux premières lignes de la pandémie et de notre système de soins de santé. Nous voyons les problèmes en détails saisissants, et nous avons l’expérience pour savoir ce dont on a besoin. C’est à répétition que nous avons demandé aux décideurs de régler les pénuries criantes de personnel et de fournir des protections de base pour assurer la sécurité des travailleurs.
Nous continuons d’être ignorés et le résultat est dévastateur.
Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, le nombre de cas de COVID-19 chez les travailleurs de la santé a triplé depuis juillet 2020. En date du 15 janvier, 65 920 travailleurs de la santé ont contracté le virus COVID-19, soit 9,5 pour cent de toutes les infections au Canada. Plus de 40 travailleurs de la santé seraient décédés de la maladie.
Dans notre système de soins de longue durée en difficulté, les lacunes en matière de dotation et de protocoles de sécurité ont contribué à provoquer une tragédie nationale. Environ 25 000 des infections chez les travailleurs de la santé se retrouvent dans le secteur des soins de longue durée. Plus de 14 000 résidents vulnérables sont décédés de la COVID-19, soit environ 70 pour cent de tous les décès au Canada.
Il aurait pu en être tout autrement.
Dès janvier 2020, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers incitait déjà les gouvernements du Canada à tenir compte des leçons tirées du SRAS et à adopter une approche de précaution. Cela voulait dire présumer que le virus était en suspension dans l’air et protéger, en conséquence, les travailleurs de la santé qui étaient alors des vecteurs potentiels de transmission.
Les syndicats infirmiers du pays ont rencontré, et continueront de rencontrer, les représentants gouvernementaux et la santé publique afin d’assurer une protection adéquate pour leurs membres à la première ligne de défense contre ce virus en évolution constante.
Malgré ces efforts déployés par les syndicats du pays, les travailleurs de la santé ont été mis en danger de façon inacceptable et cela avait des répercussions sur leurs familles, leurs patients et leurs collectivités.
Ce n’est qu’en janvier 2021, que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a finalement reconnu ce que les syndicats et plusieurs experts disaient depuis longtemps. Les travailleurs de la santé sont à risque de transmission par voie aérienne lorsqu’ils sont en contact étroit avec une personne infectée. Or, l’ASPC n’exige toujours pas que les travailleurs de la santé au sein des unités de COVID-19 et des « zones chaudes » portent des équipements de protection contre la transmission par voie aérienne, notamment des respirateurs N95.
De façon similaire, les provinces canadiennes n’ont pas mis à jour leurs directives afin de refléter adéquatement ce que nous savons sur le virus et sur son mode de transmission.
Seul le Québec a suivi les données scientifiques pour aboutir à une conclusion toute naturelle. Ainsi, depuis le 11 février 2021, le Québec exige que les travailleurs de la santé dans les zones chaudes de COVID-19 portent un respirateur N95 ou un équipement offrant un niveau supérieur de protection.
Pendant que les nouveaux variants circulent au Canada et augmentent drastiquement le taux de transmission, il y a davantage de pression sur le dos des travailleurs de la santé épuisés. Si on ne fait rien, les effectifs dans le secteur de la santé, secteur où il y a déjà pénurie de personnel, pourraient diminuer encore davantage.
Nous devons empêcher cela.
Les experts et les données confirment que nous avons désespérément besoin de plus de personnel et non moins. Le cycle de longue date de compressions budgétaires, dotation insuffisante et charges de travail augmentées a érodé la main-d’œuvre dans le secteur de la santé et la qualité des soins aux patients. Nous avons besoin, dès maintenant, d’investissements substantiels dans le recrutement et le maintien en poste du personnel infirmier sinon il est fort probable que nous verrons un grand nombre quitter la profession en raison de l’épuisement professionnel.
Les gouvernements du Canada doivent se sortir la tête du sable et manifester respect et appréciation aux travailleurs de la santé. Un premier pas serait de donner suite à nos demandes pour une meilleure sécurité dans les milieux de travail et pour assurer une dotation axée sur la sécurité.
Si les décideurs avaient tenu compte des mises en garde faites par les infirmières et les infirmiers avant la pandémie, peut-être aurions-nous pu sauver plusieurs autres vies.
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