par Andreï Kortounov.
Si à l’époque, en mars 2011, quelqu’un m’avait dit que dans dix ans la guerre en Syrie ne serait toujours pas terminée, je ne l’aurais probablement pas cru. La guerre civile américaine au milieu du XIXe siècle a duré quatre ans, les guerres civiles en Russie et en Espagne au XXe siècle ont duré respectivement cinq et trois ans. Mais pas dix ans !
Cependant, comme nous avons pu le voir, les conflits au XXIe siècle ont leur propre logique et dynamique. Ils peuvent durer pendant des décennies en s’apaisant puis en éclatant de nouveau, sans jamais se solder par une victoire définitive de l’un des camps. En ce sens, la Syrie ne fait pas exception, c’est plutôt une confirmation de la règle déjà confirmée en Afghanistan, en Somalie, en Colombie et ailleurs.
Le triste anniversaire des événements tragiques de mars 2011 représente une occasion pour faire un bilan préliminaire du conflit armé syrien. Qui sont les gagnants et les perdants de cette guerre qui dure depuis dix ans ?
La première perdante est avant tout la Syrie elle-même. Près de 500 000 tués. Plus de 7 millions de réfugiés et de déplacés internes. Une destruction presque totale de l’économie et de l’infrastructure de base. La Syrie, autrefois une puissance régionale, s’est transformée en un centre d’attraction pour les extrémistes politiques et les terroristes internationaux, en plateforme universelle pour les querelles entre les Iraniens et les Israéliens, les Turcs et les Kurdes, les Chiites et les Sunnites, les Russes et les Américains.
L’Occident a également perdu. Les tentatives de renverser le gouvernement de Damas et de maintenir l’orientation libéralo-démocratique de l’opposition syrienne ont échoué. Dix ans après le début du conflit, les États-Unis maintiennent leur présence militaire, au fond symbolique, au Nord-Est du pays, alors que l’UE n’est même pas capable de se décider quant à sa nouvelle stratégie en Syrie.
Faut-il considérer la Russie comme un vainqueur ? D’un point de vue tactique, oui. L’opération réussie et relativement bon marché des militaires russes a rapidement transformé Moscou en l’un des principaux acteurs extérieurs en Syrie. Mais, autant que l’on puisse en juger, en cinq ans de participation directe au conflit syrien, Moscou n’a toujours pas développé une stratégie de sortie du conflit syrien. Le niveau d’influence de la Russie sur le gouvernement à Damas reste également flou.
Peut-être que la Turquie en est le principal bénéficiaire ? La création de zones-tampons à Idlib et au Nord est un exploit incontestable de Recep Erdogan. Mais dans quelle mesure Ankara contrôle-t-il la situation à Idlib ? Cet abcès qui ne guérit pas directement à la frontière turque pourrait percer à tout moment, inondant les régions turques voisines.
Il existe probablement davantage de raisons d’attribuer des lauriers de vainqueur à l’Iran. La présence iranienne en Syrie est stratégique et à long terme, et au cours du conflit elle est passée au niveau supérieur. Mais aucune présence iranienne en Syrie ne changera le fait évident que la Syrie était et demeure un pays principalement sunnite, où les capacités de l’Iran chiite resteront forcément limitées.
Quelle Syrie nous pourrions et voudrions voir en mars 2031 ?
L’objectif minimum consiste à empêcher une nouvelle escalade du conflit, les morts et la destruction du pays. Cela nécessitera non seulement le maintien, mais également le renforcement du processus de paix d’Astana. Non pas parce que ce processus est parfait, mais parce que la communauté internationale ne dispose de rien d’autre.
L’objectif maximum consiste à motiver Damas à lancer des réformes prudentes, même purement économiques pour l’instant. Les conditions favorables pour une telle pression pourraient s’établir après la présidentielle syrienne de cet été.
source : http://www.observateurcontinental.fr/
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