Depuis trop longtemps, les travailleuses domestiques du Québec peinent à se faire reconnaître comme des travailleuses à part entière et à avoir accès aux droits et aux protections sociales qui leur sont dus. Le projet de loi 59 du ministre Jean Boulet, qui prétend moderniser le régime de santé et de sécurité au travail, ne met pas véritablement fin à cette discrimination.
Partout dans le monde, la crise sanitaire mondiale de COVID-19 a exacerbé des inégalités sociales déjà bien ancrées, en particulier pour les personnes racisées, immigrantes et les femmes.
Les travailleuses domestiques n’y font pas exception. Depuis le début de la pandémie, ces travailleuses, en majorité des femmes migrantes, se sont retrouvées dans une situation particulièrement vulnérable et avec une situation d’emploi extrêmement précaire. Selon un rapport du Migrant Rights Network, une travailleuse sur trois au Canada a perdu son emploi et de celles qui l’ont conservé, une sur deux a dénoncé une charge de travail significativement augmentée et le non-paiement des heures supplémentaires.
Un facteur contribuant à la précarité des travailleuses domestiques pendant la COVID-19 est leur accès limité aux protections de la CNESST. De surcroît, elles ne sont pas incluses dans la définition de « travailleur » de l’actuelle Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et n’ont donc pas accès à ses protections à moins de cotiser elles-mêmes à la CNESST en tant que travailleuses autonomes, ce qui est assez rare considérant que plusieurs ne maîtrisent pas assez la langue et ne sont pas conscientes de leurs droits au Québec.
Malgré un avis de décembre 2008 de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) jugeant ces dispositions discriminatoires, celles-ci persistent toujours. Le fait que les travailleuses domestiques fassent partie des seules catégories de travailleurs à ne pas être protégées est inacceptable. Si elles se font renvoyer parce qu’elles sont malades ou accidentées, elles n’ont pas accès aux indemnités normalement octroyées et l’employeur n’a pas l’obligation de les réintégrer au travail. En période de crise sanitaire publique, la problématique devient encore plus alarmante.
En octobre 2020, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, présentait le projet de loi 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Plusieurs groupes de défense des droits des travailleuses domestiques avaient bon espoir que ce dernier retire complètement les articles discriminatoires à leur endroit.
Il n’en fut rien. Bien que les modifications suggérées incluent maintenant les travailleuses domestiques sous la définition de “travailleur”, plusieurs articles problématiques demeurent. Selon ce projet de loi, les travailleuses domestiques devraient compléter un nombre d’heure spécifique sur une période déterminée pour avoir accès aux protections prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui n’est le cas pour aucun autre groupe de travailleurs et maintient donc une importante discrimination à leur égard sur la base du sexe, de l’origine ethnique et de l’origine sociale.
Pour assurer une réelle protection de ces travailleuses déjà vulnérabilisées par leur isolement et leur statut migratoire précaire, les organisations signataires demandent aux députés siégeant sur la commission parlementaire de modifier ces dispositions afin que les travailleuses domestiques aient accès aux protections de la CNESST au même titre que les autres travailleuses et travailleurs, sans restriction.
Treize ans après l’avis sans équivoque de la Commission des droits de la personne, il est urgent de corriger cette injustice.
Organisations instigatrices
Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM)
Association pour la défense des droits du personnel domestique de maison et de ferme (ADDPD)
Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI)
Pinay
Signataires
Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ)
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN)
Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Unifor – Québec
Association des groupes d’éducation populaire autonome (AGÉPA)
Carrefour d’aide aux non-syndiqués (CANOS)
Aide internationale pour l’enfance (AIPE)
Mouvement des Chômeurs et Chômeuses de l’Estrie (MCCE)
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
Illusion-Emploi de l’Estrie
Ligue des droits et libertés du Québec
Comité québécois femmes et développement (CQFD) de l’AQOCI
Mouvement Action-Chômage de Montréal
La Table ronde des OVEP de l’Estrie (TROVEPE)
Collectif pour un Québec sans pauvreté
Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement social (CIBLES)
Au bas de l’échelle
Concertation Femmes Estrie
Carrefour de solidarité internationale de Sherbrooke
Table de concertation sur la situation des femmes immigrées de l’Agglomération de Longueuil (TCSFIAL)
Femmes de diverses origines (FDO)
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal