par Jonathan Frickert.
Le gouvernement remet sur la table sa proposition de passeport vert en tentant la voie européenne. Une initiative qui devrait nous inciter à la plus grande méfiance, en particulier lorsqu’on se souvient de la créativité gouvernementale de cette année.
Un an après le premier confinement, la crise sanitaire n’en finit pas de faire parler d’elle. Outre les 50 000 contaminations quotidiennes prévues pour les prochains jours, le virus continue de questionner les spécialistes sur sa transmissibilité par les personnes vaccinées ou sur sa forme longue. Autant de nouvelles rendant dubitatif sur la pertinence des mesures sanitaires gouvernementales.
Ce contexte n’empêche pourtant pas l’exécutif de remettre sur la table sa proposition de passeport vert, sorti par la petite porte fin décembre, mais qui tente son retour par la fenêtre de la politique européenne.
Une initiative qui devrait nous inciter à la plus grande méfiance, en particulier lorsqu’on se souvient de la créativité gouvernementale de cette année.
Après le scandale des masques, le fiasco des applications de suivi successives et la lenteur de la campagne vaccinale, le pass sanitaire est le dernier avatar d’une série de mesures à l’efficacité plus que relative.
Un permis de revivre
Si les réflexions sont toujours en cours, l’idée d’un pass sanitaire semble être actée dans l’esprit du gouvernement.
En témoignent les propos du secrétaire d’État aux Affaires européennes. Invité de France Inter, France Télévision et Le Monde le 28 février dernier, Clément Beaune a longuement évoqué le fameux pass sanitaire.
La proposition consisterait à conditionner l’accès aux lieux culturels et aux restaurants, sur le modèle du défunt passeport vert avancé l’année dernière, s’apparentant pour beaucoup à un permis de revivre.
Le retour du passeport vert
En effet, le pass sanitaire est la résurrection du passeport vaccinal – ou passeport vert – proposé à l’automne dernier par la députée UDI du Nord Valérie Six. L’objectif était de permettre aux personnes titulaires du document de se déplacer librement.
Initialement destiné à être introduit dans le projet de loi pérenisant les acquis de l’état d’urgence sanitaire, le passeport vert a suivi le texte sur la pile des mesures reportées sine die après une levée de boucliers sur les réseaux sociaux ainsi que sur les bancs du Sénat.
Face au tollé provoqué, le gouvernement a donc opté pour une autre méthode. Le pass ne sera plus uniquement vaccinal, mais inclura les différents tests négatifs passés, sur le modèle des cartes de donneur de sang, et surtout sera négocié au niveau européen et non plus imposé par Paris.
Une négociation européenne
L’idée est un calque de ce qui se fait déjà dans le transport aérien et aux frontières de différents pays, et notamment de l’Allemagne, qui impose depuis le 2 mars la présentation d’un test PCR négatif de moins de 48 heures à toute personne souhaitant accéder à son territoire.
La mesure, qui touche également les travailleurs frontaliers, pose la question d’une réponse européenne à la proposition de passeport sanitaire faite par plusieurs pays, en particulier touristiques tels que Chypre et la Grèce, à l’initiative de la proposition en janvier dernier.
Les deux États souhaitent une adoption accélérée de ce dispositif et ont d’ores et déjà conclut des accords avec Israël, par ailleurs principale inspiration du procédé en vigueur dans l’État hébreu depuis le 21 février dernier.
Placé à l’échelle européenne, le débat n’est évidemment pas fait pour se fluidifier. Souvenons-nous que la commande de vaccins a elle-même été opérée à cet échelon avec les résultats que l’on connaît.
Dans cette optique, le fameux groupe de Visegrád, à l’exception de la Pologne, a décidé de faire chambre à part en se tournant vers le vaccin russe Spoutnik V, snobant par la même occasion les procédures européennes d’autorisations. La procédure de validation du vaccin produit par l’institut Gamaleya n’a en effet débuté que ce jeudi.
Cette situation n’empêche pas la France d’appeler à une solidarité entre pays membres et motivant un système commun harmonisé au niveau européen.
Impôt pour tous, liberté pour quelques-uns
Le pass sanitaire promu aujourd’hui par Clément Beaune et l’application TousAntiCovid ont un point commun essentiel : replacer sur le devant de la scène la question du respect de la vie privée sur laquelle la CNIL aura tout intérêt à se pencher dans les prochaines semaines.
Le pass sanitaire pose également le premier jalon d’une liberté à la carte.
Ainsi, comment ne pas penser au fameux crédit social en vigueur en Chine ? Si la comparaison paraîtra grossière à certains, n’oublions pas que la peur induite par la pandémie a d’ores et déjà produit des effets légaux que beaucoup considéraient légitimement relégués dans les poubelles de l’Histoire.
L’idée se rapproche ainsi bel et bien d’un système de capital de points modulé en fonction de certains paramètres comportementaux. Le fameux crédit social chinois inclut ainsi depuis le printemps dernier le respect des mesures spécifiques à la situation « pandémique » tels que les fermetures d’entreprises et les mesures d’isolement.
Le pass sanitaire pourrait ainsi créer deux catégories de citoyens, avec des droits différents, mais des obligations similaires, telles que celle de payer par l’intermédiaire des impôts des services dont seraient exclus les non-vaccinés ou ceux ne disposant pas de tests négatifs valides.
Renforcer l’inégalité vaccinale
En soi, l’idée d’un conditionnement sanitaire de l’accès à certains services publics n’est pas une nouveauté. Depuis 1938, tout enfant scolarisé doit avoir été vacciné contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite. En 1950, la liste s’est allongée avec l’obligation de vaccination contre la tuberculose jusqu’en 2007. La liste évolue ainsi régulièrement.
Seulement, le cas de la Covid n’est pas une simple affaire de politique de santé publique. Elle relève de la bévue bureaucratique créant une inégalité face au vaccin. Là où l’expérience israélienne fait suite à la campagne vaccinale la plus rapide du monde, la France souffre, comme de nombreux pays d’Europe, d’une lenteur largement dénoncée depuis deux mois.
Ajouté à la priorité donnée aux seniors, le tout renforce d’avance le fossé générationnel induit par le pass sanitaire. Moins de 5% des Européens ont ainsi reçu leur première injection à l’heure où nous écrivons ces lignes et la population se trouve frappée par l’inégalité dans l’accès aux vaccins, et ce d’autant plus s’agissant des plus jeunes. La catégorie d’âge la plus voyageuse sera donc celle qui devra attendre le plus longtemps pour reprendre une vie normale.
En conséquence, l’inégalité face au vaccin renforce le malaise générationnel déjà présent dans l’Hexagone. De plus, il n’est pas certain que l’inclusion de tests négatifs améliore la situation. La proposition ajoute une nouvelle strate de contrainte doublée d’une d’incertitude liée à la relative fiabilité de certains tests.
Dans son architecture actuelle, le pass sanitaire ne devrait ainsi avoir pour conséquence que de cristalliser cette situation en y apportant un vernis légal.
source : https://www.contrepoints.org/
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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