par Maxime Tandonnet.
Nous pouvons lire ce matin sur le site de Paris-Match : « À treize mois de la présidentielle, l’exécutif peut voir l’avenir sereinement. Certes, le paysage politique semble comme gelé. Mais avec 41% de satisfaction, le locataire de l’Élysée est dans une situation plus confortable que celle de François Hollande (22%) et Nicolas Sarkozy (31%) à pareille époque de leur mandat » (sondage Paris-Match Ifop 2 mars 2021).
Emmanuel Macron serait donc un président « populaire » comparativement à M. Hollande et M. Sarkozy. Cette évidence ressort de la plupart des commentaires. Le refrain, comme obsessionnel, s’impose dans la presse et les media radio-télévision. Il se présente comme un dogme politico-médiatique, un fait reconnu et admis, une vérité quasi officielle. Nous subissons un véritable matraquage sur la popularité de M. Macron supposée supérieure à celle de ses deux prédécesseurs, à l’image du modeste échantillon ci-dessous :
- « La popularité du chef de l’État est en hausse de 3 points au mois de novembre, passant de 38 à 41% d’opinions favorables. Des chiffres supérieurs à ceux de ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy (32%) et François Hollande (27%) au même stade de leur mandat » (LCI 22 nov 2020)
- « La popularité d’Emmanuel Macron, à ce stade de son mandat, est supérieure à celle de Sarkozy (31%) et François Hollande (27%). (20 déc. 2020 – Ouest France)
- « La cote de popularité d’Emmanuel Macron est en hausse de deux points et supérieure à celle de ses prédécesseurs immédiats François Hollande (24%) et Nicolas Sarkozy (30%)». Le Point 24 janv. 2021
- « Le chef de l’État gagne un point en un mois dans notre baromètre Ifop*, à 41% de satisfaction. S’il reste majoritairement impopulaire, son socle de soutien est solide. François Hollande et Nicolas Sarkozy, par exemple, étaient à ce moment de leur quinquennat respectivement à 19% et 31% » (JDD 21 février 2021).
L’insistance à rapprocher le niveau de popularité du président Macron de celui de M. Hollande et M. Sarkozy est lourde de signification. Si l’objectif est de convaincre que M. Macron est un président populaire, le niveau d’environ 40% n’est pas suffisant : loin de la majorité de 50%. D’où le recours systématique à la comparaison avec M. Hollande et M. Sarkozy supposée favorable à l’actuel occupant de l’Élysée. En filigrane, le message est clair : si les deux prédécesseurs du président Macron ne sont pas parvenus à obtenir un second mandat, ce dernier est dans une situation plus favorable qui lui ouvre en 2022 la voie de la réussite.
Comparaison est-elle raison ? Le biais de ce raisonnement tient à la différence radicale qui oppose la période 2007-2017 à celle que vit la France depuis un an. La crise sanitaire est sans doute le plus grand bouleversement qu’ait connu notre pays depuis la guerre d’Algérie : 82 000 morts, naufrage économique et social, ruine de nombreuses catégories professionnelles, anéantissement des libertés, en particulier de la liberté d’aller et venir. Cet ouragan produit naturellement un réflexe légitimiste autour du chef de l’État. Une partie des Français dans la tourmente – comme souvent dans l’histoire – se tourne vers le « guide de la nation ». Français Hollande avait bénéficié de ce phénomène après l’attentat de Charlie Hebdo et du magasin kacher de janvier 2015 (+20%). À la différence, le séisme du covid-19 se prolonge indéfiniment dans le temps et le réflexe légitimiste joue ainsi de manière beaucoup plus étalée.
Par ailleurs, la crise sanitaire a bouleversé dans ses profondeurs le paysage français. Le régime politique a été radicalement transformé. La démocratie libérale et parlementaire s’est trouvée suspendue de fait au profit d’un état d’urgence indéfiniment prolongé. Sous le couvercle de la peur du covid-19, le Parlement a été marginalisé. La liberté d’aller-et-venir, mère de toutes les libertés, a été conditionnée. Les oppositions s’enferment dans le silence, la complaisance, la prudence ou l’autocensure. Une pensée unique sanitaire bat son plein et toute réflexion ou parole dissidente est vouée aux gémonies. Les grands débats de société (chômage, pauvreté, sécurité, pouvoir d’achat, immigration) se sont volatilisés. La nature du nouveau régime reste à définir. Post démocratique ? Autoritaire ? De fait, la quasi extinction de la contestation sociale ou intellectuelle et de la critique (voire de la caricature), contraste lourdement avec le lynchage quotidien des deux présidents précédents.
Un chef de l’État de Ve République a traditionnellement deux missions : l’une d’incarnation du pays (« le père de la nation ») et l’autre de gouvernement. Les enquêtes d’opinion montrent que les Français ne sont pas satisfaits de la manière dont la France est gouvernée : 81% estiment que l’exécutif « ne sait pas où il va » (Odexa-Figaro 4 février). L’allégeance de 40% d’entre eux au président Macron se rattache dès lors à la fonction emblématique de ce dernier et à la quête d’un protecteur, d’un symbole d’autorité ou d’un sauveur. Ce taux de confiance ne semble guère tenir à l’approbation d’une politique, à la conscience de réformes réussies ou à des résultats satisfaisants sur le plan économique, social ou sécuritaire. Il correspond à un phénomène émotionnel ou affectif autour d’une figure médiatisée. Il relève de la psychologie de foule dans une période troublée et touche pour l’essentiel les personnes et les catégories les plus exposées à la peur.
C’est pourquoi la sempiternelle comparaison de la cote de confiance du président Macron avec celle de ses deux prédécesseurs est largement infondée. Derrière la stabilité de la cote présidentielle depuis un an, l’avenir politique du pays n’a jamais été aussi incertain. Le climat de relative allégeance au chef de l’État peut-il se prolonger encore un an jusqu’aux élections ? De fait, il durera aussi longtemps que la peur continuera de hanter les esprits. Par ailleurs, cette cote de confiance à 40% conservera-t-elle toute sa pertinence à l’approche des échéances électorales, quand il faudra reparler de bilan et de projet ? L’inertie et l’immobilisme de la période sont-ils le calme qui prépare la tempête ? De fait, sous le couvercle de la crise sanitaire, la France glisse vers un abîme d’incertitude politique qui n’a guère de précédent…
source : https://maximetandonnet.wordpress.com
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