Pour construire une perspective politique positive, porteuse d’avenir et mobilisatrice notamment en vue de 2022, proposer des solutions s’impose. C’est ce que les communistes du PRCF, autour de leur chef de file Fadi Kassem, font en impulsant le débat autour de 30 mesures d’urgences. La première de ces 30 mesures d’urgences concerne le champ institutionnel et politique, avec pour objectif de rétablir une république souveraine et démocratique.
– Les 30 mesures d’urgence du PRCF : Pour construire de nouveaux « Jours heureux »
Mesure n°1 : Sortir de l’UE pour proclamer la supériorité des lois françaises sur les directives européennes
Situation : L’asservissement croissant à l’ordre juridique européiste
1) L’impressionnant arsenal juridique de l’Union européenne
C’est un fait incontestable : depuis des années, nombre de lois et décisions juridiques fondamentales adoptées en France ne sont qu’une transcription des décisions juridiques de l’Union européenne (UE). Si le nombre de 80% des lois nationales résultant de l’application du droit européen est fantasmé – il s’agissait d’un pronostic formulé par le « père de l’Europe » Jacques Delors –, il n’en demeure pas moins que des décisions prises au niveau de l’UE ont un impact négatif majeur pour les citoyens et travailleurs de France.
L’UE dispose d’un important arsenal juridique lui permettant d’imposer ses positions :
a) De manière juridiquement contraignante : les directives, décisions et règlements, souvent proposés par la Commission et – presque automatiquement – adoptés par le « Parlement » européen et par les ministres des États-membres ;
b) Sans obligation légale, mais avec un fort poids politique : les « recommandations » et « avis » sont très souvent formulés par la Commission, avec incitation à appliquer par les États-membres, au nom de la « mise en conformité » avec les politiques de l’UE.
c) La jurisprudence, résultat de l’interprétation des décisions juridiques par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui valent décision obligatoire pour les États-membres de l’UE même si ces derniers s’y opposent.
d) Enfin, les traités en tant que tels, qui doivent être exécutés et qui consacrent la « totale liberté de circulation » des marchandises, services, capitaux et hommes, et le principe d’une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée ».
2) Un euro-démantèlement des services publics
Les conséquences sont désastreuses pour les travailleurs, avant tout les ouvriers, les petits agriculteurs, les employés du secteur public et les travailleurs précaires : ainsi triomphe le capitalisme sauvage, avec la disparition de toute protection et l’« ouverture à la concurrence » des services publics appelés « services d’intérêt général » (donc gérables par des entreprises privées). Plusieurs exemples le démontrent ces dernières années :
a) Le code du travail. L’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker affirmait au printemps 2016 que « la réforme du droit du travail voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu’il faut faire » : elle traduisait les objectifs fixés par les « Grandes orientations de politique économique » (GOPE) formulées par la Commission, et que les États-membres s’empressent d’appliquer.
b) La SNCF. Dès 1991 est adoptée une directive visant à la « libéralisation » des transports ferroviaires : elle débouche sur l’adoption de quatre paquets ferroviaires de 2001 à 2016, le dernier paquet ayant été transposé au printemps 2018 en France. Il en résulte une mise en concurrence et une privatisation de fait des lignes nationales, dont la rentabilité devient un critère central pour les entreprises prenant en charge les lignes ferroviaires. En outre, le statut de la fonction publique est détruit au profit des emplois précaires.
c) EDF. La transformation d’EDF en société anonyme en 2004, tout en correspondant au projet politique de l’ex-UMP, répondait à la demande d’« ouverture à la concurrence » formulée par la Commission européenne. Dès lors, EDF doit faire face à la concurrence de groupes privés au sujet de la propriété et la gestion des barrages hydroélectriques, dont les concessions sont désormais attribuables au secteur privé. Plus généralement, le projet Hercule lance le mouvement de démantèlement du service public de l’électricité.
d) Les retraites. En 2019, la Commission européenne « recommande que la France s’attache, en 2019 et 2020 : 1. […] à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite, en vue de renforcer l’équité et la soutenabilité de ces régimes ». Ce sont exactement les éléments de langage du projet de loi adopté par le gouvernement Philippe, cassant les retraites par répartition.
e) Les hôpitaux. Entre 2011 et 2018, la Commission européenne a sommé à 63 reprises les États-membres de « réduire les dépenses de santé » et privatiser certains secteurs de la santé par le biais de « recommandations ». Nous en payons les conséquences : les hôpitaux sont saturés et les effectifs insuffisants pour faire face à la fois au coronavirus et à l’ensemble des autres maladies graves.
3) La fin de la souveraineté nationale et populaire
L’autre conséquence majeure est la fin de la souveraineté nationale et populaire sur tous les plans, y compris symboliquement avec la tendance croissante à ce que le drapeau de l’UE supplante le tricolore hérité de la Révolution française – tandis que le drapeau rouge, lui, est l’objet de la « chasse aux sorcières » euro-maccarthyste qui s’abat sur le continent. Parmi les évolutions funestes peuvent être signalées :
a) La fin du « produire en France » : l’affaire Bridgestone n’est qu’un énième symbole de l’euro-destruction de la production agricole et industrielle. Profitant de la « totale liberté de circulation » et de la complaisance des euro-gouvernements qui accordent des aides publiques, Bridgestone a annoncé la fermeture de son site à Béthune, entraînant la suppression de 863 postes, afin de délocaliser la production en Pologne – destination déjà prisée par Whirlpool en 2017 – et en Hongrie, où l’exploitation tourne à plein…
b) La dissolution de la République une et indivisible (se référer à la mesure d’urgence n°2), sociale (de nombreuses fiches reviendront sur ce point, en plus de la fiche ci-présente) et laïque : en effet, le traité de Lisbonne stipule que « l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Églises et organisations », portant atteinte au principe de séparation des Églises et de l’État et, par là même, au choix souverain de la France – la mesure d’urgence n°23 développera spécifiquement la question de la laïcité.
Explication : La primauté de l’ordre juridique européiste
1) La supériorité juridique du droit communautaire
Cette situation vient du fait que le droit communautaire est juridiquement supérieur au droit de tout État-nation membre de l’UE, ce qu’affirme l’arrêt Costa contre ENEL de juillet 1964. À cette époque, un actionnaire italien proteste contre la perte de ses dividendes consécutive à la nationalisation de la production et de la distribution d’énergie. Opposé à cette opération, Costa sollicite la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), dont l’interprétation de cette affaire se traduit par une mise à mort de la souveraineté juridique nationale de tout État-membre. En effet :
a) Il existe un ordre juridique européen propre et qui doit être intégré au sein des droits juridiques des États-membres : « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE [Traité de Rome]a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres […] et qui s’impose à leur juridiction. »
L’ordre juridique européen domine l’ordre juridique national : « En instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et ont créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes. »
b) Dès lors, tout texte national ne peut contredire le droit européen : « le droit du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même »
c) Enfin, tout texte national doit être conforme aux normes et traités européens, ce qui limite leur souveraineté car : « le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté ».
d) Ajoutons pour conclure qu’en faisant de l’anglais la langue unique de travail au sein des instances européistes, l’UE consacre l’hégémonie des normes anglo-saxonnes – dont la philosophie diffère fondamentalement de celle du droit romain dont est issue la tradition juridique française – et consacre le globish comme « langue des affaires », comme le réclamait le baron Seillière, alors président du MEDEF, en 2004.
2) Le « gouvernement des juges » européiste
Par la suite, d’autres arrêts rendus par la CJUE consacrent la primauté de l’ordre capitaliste européiste :
En 1979, l’arrêt Cassis de Dijon affirme « la libre circulation des marchandises constitue l’une des règles fondamentales de la communauté », rendant pratiquement impossible toute restriction réglementaire à une importation ; seules des exigences dites « impératives » (sanitaires) sont tolérées pour réguler le commerce. La voie est donc ouverte à la mis en concurrence absolue des produits agricoles et industriels. Ce principe touche même le domaine sportif avec l’arrêt Bosman de 1995.
En 2007, les arrêts Viking et Laval consacrent la primauté des libertés économiques sur le droit syndical. En effet, dans le premier cas, la société finlandaise Viking Line, en adoptant un pavillon estonien pour l’un de ses bateaux en lieu et place d’un pavillon finlandais – ce qui permet d’employer de la « main d’œuvre » estonienne à « moindres coûts » –, applique le principe de « liberté d’établissement » promu par l’UE et dénonce le droit de grève des syndicats finlandais comme une « entrave » économique…
3) Des euro-gouvernements subordonnant la souveraineté à des « traités inégaux »
L’UE est donc une camisole de force détruisant l’essence même de toute démocratie : cette dernière n’existe que parce que les citoyens pleinement souverains décident de leurs lois et de leur budget librement à l’échelle de leur nation. Ce principe fondamental constitue l’un des piliers de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789, comme le stipule l’article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »
Notons toutefois le zèle avec lequel les euro-gouvernements « français » appliquent cette hiérarchie des normes juridiques : en effet, le Conseil constitutionnel a ainsi affirmé que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle », vérifiant au passage que les lois de transposition sont conformes aux textes adoptés par l’UE ; en revanche, en Allemagne, la cour constitutionnelle de Karlsruhe a posé le principe du primat de la constitution fédérale à travers les arrêts Maastricht (1993) et Lisbonne (2009). On constate donc que selon ces traités européens sont de véritables « traités inégaux » reflétant les rapports de force et la nette domination de l’Allemagne, qui impose son ordo-libéralisme économique et son hégémonie juridico-politique aux pays membres de l’UE.
Solutions : La sortie de l’UE, préalable à une souveraineté nationale et populaire pleine et entière
1) Les trahisons des euro-gouvernements
Le 29 mai 2005, 55% des Français ont rejeté par référendum le traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE), et par là même le traité de Maastricht ratifié à seulement 51% en 1992. Pourtant, Nicolas Sarkozy et François Fillon, avec l’aval tacite des « socialistes », ont fait passer en force, par voie parlementaire, le même texte sous le nom de « traité de Lisbonne » en février 2008 ; quant à François Hollande, il a fait ratifier par voie parlementaire le « pacte budgétaire européen » (signé par Sarkozy en 2011), détruisant ainsi un autre élément central de la souveraineté nationale, à savoir la maîtrise du budget.
Il en résulte la transposition des « directives » et l’application des « recommandations » édictées par la mortifère UE, telles celles portant sur le code du travail, la SNCF ou encore les retraites, dont la destruction conditionne le pseudo « plan de relance » vanté par Macron.
2) Les fausses solutions « euro-socialistes » et « euro-gauchistes »
La solution ne réside donc pas dans les vaines promesses d’une harmonisation fiscale et sociale « par le haut », qui donnerait naissance à une « Europe sociale » : cette utopie, promise par les « socialistes » en 1992 avec leur slogan « Et maintenant, l’Europe sociale ! » afin de ratifier le traité de Maastricht, se traduira par une destruction toujours plus grande des droits et conquêtes sociaux et démocratiques, arrachés de haute lutte par un syndicalisme de combat. Ce n’est pas davantage le prétendu « dialogue social », tant vanté par les directions confédérales – à commencer par Laurent Berger, patron de la Confédération européenne des syndicats (CES) et de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) – collaborant avec le patronat (et Philippe Martinez est également concerné) que les travailleurs obtiendront des droits alors que l’ordre juridique européiste est franchement antisocial et antisyndical.
Quant aux illusions euro-gauchistes d’une « autre Europe », consistant à expliquer qu’il faut « sortir des traités mais pas de l’UE » pour les renégocier, cela n’a aucun sens : d’une part, pour obtenir la signature de nouveaux traités, il faut l’accord unanime des chefs de d’État et/ou de gouvernement ainsi que des citoyens des pays membres de l’UE (par référendum ou par voie parlementaire), soit 54 accords : autant capituler en rase campagne ! D’autre part, les traités fondateurs sont l’essence même de l’UE, ce que dénonçait déjà Pierre Mendès France en rejetant le traité de Rome le 18 janvier 1957, en annonçant prophétiquement :
« L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale. »
3) L’indispensable sortie de l’UE pour restaurer la souveraineté nationale et populaire
La SEULE solution réside dans la sortie unilatérale et définitive de l’UE, non pas par des « négociations » à travers un article 50 dont la seule raison d’être est de décourager et d’entraver au maximum tout processus de sortie dans de bonnes conditions, mais à travers le non-respect de tous les textes juridiques européens attentant aux intérêts des travailleurs et des citoyens, en particulier les droits sociaux et démocratiques. Cela passera notamment par :
Le non-respect de tous les textes œuvrant pour la « totale liberté de circulation » et une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée » ;
L’abrogation des textes nationaux transposant les régressives directives européistes ;
Le rétablissement de barrières douanières tarifaires et non-tarifaires, afin de contrôler les flux de marchandises, de services et (surtout) de capitaux ;
La sortie de l’espace Schengen pour rétablir un contrôle aux frontières ;
La nationalisation de tous les grands secteurs productifs de l’économie nationale avec une planification démocratiquement contrôlée par les travailleurs : banques (en priorité) et assurances, énergies, transports, communication ;
La reconstitution d’un grand service public sous contrôle démocratique des travailleurs : hôpitaux, éducation nationale, Sécurité sociale et retraites, etc.
La réaffirmation de la République une et indivisible : fin des « euro-régions » et « euro-départements » ainsi que toutes les mesures de « décentralisation » qui asservissent les communes et les départements, et consécration du principe de la loi unique pour tous les départements de France (fin du « saut fédéral européen » promu par Macron).
L’interdiction du drapeau européen dans tous les lieux et espaces publics.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir