L’auteur est vice-président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, Responsable du secteur université
Madame la ministre,
Vous avez demandé, le 4 février, aux enseignantes et aux enseignants de retourner donner des cours en présence dans les locaux des cégeps et universités tout en permettant aux étudiantes et aux étudiants qui le désirent de suivre leurs cours à distance, ce que plusieurs ont qualifié d’enseignement en comodal.
Permettez-moi d’illustrer votre demande par un exemple qui vous est plus familier : c’est comme si vous demandiez à une infirmière de soigner simultanément un patient de la main droite et une patiente de la main gauche.
Les risques d’erreur dans le cas de l’infirmière, vous en conviendrez avec moi, seraient décuplés. Pour nous, c’est le risque d’une mauvaise pédagogie ainsi que d’insatisfactions et de frustrations tant chez les personnes qui seraient dans la classe que chez celles qui seraient à distance. L’attention ne pourrait jamais être au rendez-vous pour l’ensemble du groupe. Il sera difficile de gérer les travaux et échanges en présence et en virtuel, les interactions avec les étudiantes et les étudiants de même que les présences et les déplacements dans la classe, le tout en posant un jugement professionnel sur les apprentissages, entre autres exemples.
Si le passé récent se révèle garant de l’avenir, le personnel enseignant servira de bouc émissaire de ces insatisfactions et frustrations sur les réseaux sociaux. Avec des enseignantes et des enseignants déjà psychologiquement fragilisés, cela pourrait bien être la goutte qui fera déborder le vase : des groupes perdront leur titulaire. D’autant plus que les directions d’établissement nous ont habitués à peu de reconnaissance et de défense de leur personnel au royaume du clientélisme.
À court terme, les directions ont demandé au personnel enseignant de mettre en place votre demande de manière volontaire. Cependant, compte tenu des frais encourus pour équiper les classes de matériel technologique, ce que certaines universités font massivement, nous craignons que le comodal devienne une demande formelle à l’automne. À cet égard, vous qui avez à cœur la réussite des étudiantes et des étudiants, sachez que votre proposition défavorisera celles et ceux qui seront à distance et qui ont des difficultés d’apprentissage.
Madame la ministre, votre demande démontre une incompréhension de notre travail, elle a été faite sans nous consulter, ce qui nous aurait permis de vous faire part de nos solutions. Nous croyons qu’elle est vouée à l’échec à grande échelle et qu’elle constitue un traquenard, un mauvais film dans lequel nous ne voulons pas jouer.
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