Thomas Douglas, hérita à la mort de son père du titre, de la fortune et des domaines de Selkirk et devint en 1799, le 5e comte de Selkirk.
Il avait voyagé précédemment dans les Highlands d’Écosse où il fut le témoin des transformations du monde agraire, qui entraînaient l’expropriation d’un grand nombre de paysans en Irlande, et en Ecosse. Les fermiers écossais se retrouvaient souvent sans terre et sans recours, cela lui fit penser immédiatement à l’immigration comme solution à ces « problèmes » sociaux, il commença à envisager des moyens pour soutenir une telle immigration vers les colonies britanniques, en pleine demandes.
En 1801 et 1802, il expose au ministère des Colonies sa théorie d’immigration pour les Irlandais, ce qui va être contesté par le gouvernement, leur préférant actuellement des Ecossais. En effet une telle ingérence dans les affaires irlandaises était impensable, Lord Pelham voulait que les esprits s’apaisent en Irlande, même si Selkirk se faisait fort « de mâter les fortes têtes irlandaises » ce à quoi le ministre Hobbard suggéra plutôt à Selkirk de se tourner « vers les Ecossais qui étaient beaucoup plus conciliants » Selkirk s’y plia mais demanda l’assistance financière du gouvernement pour cette migration.
Néanmoins avec l’argent de son héritage il offrit au gouvernement britannique d’acheter une concession de terres dans la vallée de la Rivière Rouge ainsi que la participation des futurs colons au commerce des fourrures de cette région. Le gouvernement refusa ces propositions, cela était impossible parce que la compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) avait à cette époque le monopole du commerce des fourrures sur l’ensemble de ces territoires*1 et elle n’accepterait pas une ingérence dans le commerce des fourrures.
Selkirk souhaitait également qu’on lui alloue des terres dans le Haut-Canada et qu’on lui concède des droits sur les « mines et les minerais » qu’il y découvrirait, afin de récompenser ses efforts financiers. Le secrétaire d’Etat à la guerre et aux colonies, Lord Hobart, ne souhaitait pas déroger aux règles politiques coloniales en place : en effet, les ressources minières étaient réservées essentiellement à la Couronne anglaise, le secrétaire d’Etat refusa de céder à Selkirk le moindre droit sur leur exploitation.
Selkirk continua d’insister pour obtenir toutes ces « considérations particulières ». Le ministre les lui ayant refusées, lui proposa d’orienter ses ambitions plutôt du côté de l’île du Prince Edouard*2.
Ainsi il va diriger lui-même, et finalement à ses propres frais, une colonie sur cette île et dès 1803 des navires transportent effectivement des immigrants écossais vers l’Île-du-Prince-Édouard et une seconde l’année suivante à Baldoon, au Haut-Canada (Ontario). Cependant, cette dernière colonie, située sur un terrain marécageux et bien mal administrée, échouera rapidement.
Selkirk, fort mécontent, après cette fin de non-recevoir au sujet des terres de la Rivière Rouge, avança pour en convaincre Londres que le refus du gouvernement britannique venait d’une campagne de persuasion de la Royal Highland Society avec Charles Hope, dont le but était de préserver la langue, les traditions, les coutumes des Highlanders, et principalement de promouvoir une politique d’amélioration de l’agriculture et de l’économie de la région et non de migration. C’était la politique des propriétaires qui était la seule responsable des migrations car ceux-ci déplaçaient les paysans sur les côtes afin d’utiliser l’intérieur des terres pour l’élevage de moutons. Ces changements poussaient ainsi les Highlanders à partir. Les grands propriétaires terriens écossais s’alarmaient de voir tant de Highlanders quitter la région, car ils avaient besoin de garder une main d’œuvre à bas coût pour la récolte d’algues, et la production de soude à partir du kelp et ainsi continuer à augmenter le rendement économique de leurs propriétés ! Telford préférait recommander de grands travaux qui permettraient aux Highlanders de trouver un emploi dans la région. Charles Hope et la Royal Highland Society réussirent néanmoins à convaincre le comité de la Chambre des communes, chargé, en 1803 de travailler sur les recommandations du rapport Telford, afin d’obtenir une loi visant à réglementer la traversée transatlantique et ainsi restreindre l’émigration.
Ce serait uniquement cette entente entre les élites anglaises et écossaises qui auraient sans aucun doute, d’après Selkirk, empêché l’immigration grâce au vote du Passenger Vessels Act de 1803
Ainsi, en 1805, Selkirk écrivit un livre au long intitulé Observations on the present state of the Highlands of Scotland, with a view of the causes and probable consequences of emigration. Malgré les critiques du ministère des Colonies de la Grande-Bretagne et de la Royal Highland and Agricultural Society of Scotland, qui le désavouèrent, le livre reçut un vif succès et commença à faire la célébrité de Selkirk, car il dénonçait les soi-disant « manœuvres » du gouvernement pour lui interdire l’émigration. Il décrivait à son avantage ce refus pour implanter une colonie dans le territoire de l’ouest canadien alors qu’il ne désirait « qu’apporter le soutien de l’immigration à tous les pauvres écossais chassés de leurs terres, etc. » en oubliant un peu vite qu’il n’avait évoqué pour cette immigration que des Irlandais, et que c’était le ministre qui lui avait suggéré d’emmener plutôt des Ecossais ! … C’était donc soit avoir une perte de mémoire, soit désirer se faire valoir, mais surtout oublier que les ministres Lord Pelham ministre de l’intérieur, Lord Hobart secrétaire général de la guerre et des colonies et Henry Addington Premier Ministre ne s’étaient en rien opposés à son projet, ils lui avaient seulement exposé que les terrains qu’il désirait, appartenaient à la CBH ! Ces ministres n’oublièrent par contre jamais qu’il avait non seulement demandé des aides financières conséquentes pour entreprendre cette immigration, tout en ayant en plus des vues particulièrement intéressées sur des concessions de minerais pour s’enrichir ! Par contre à ce sujet, le refus venait bien cette fois du gouvernement puisque les ressources minières étaient réservées à la Couronne, le secrétaire d’Etat refusa de céder à Selkirk le moindre droit sur leur exploitation. Ce qui ne l’empêcha pas d’y revenir souvent en exposant à nouveau ses désirs.
En 1806, il est nommé à la Chambre des lords, représentant l’Écosse ; en 1807, il est nommé lord-lieutenant du district de Kirkcudbright en Écosse, est élu fellow à la Royal Society de Londres et devient membre de l’Alfred Club de Londres.
Par la suite le comte Selkirk s’occupa à voyager en Amérique du Nord, entre Halifax, Boston, Montréal et Toronto, lorsqu’il revient, en 1808, il réitère la proposition qu’il avait faite six ans auparavant visant à établir une colonie à la rivière Rouge. Pourtant ce nouveau refus ne le découragea pas pour autant, avec son ami l’explorateur Alexander Mackenzie ils achetèrent un grand nombre d’actions de la compagnie de la Baie d’Hudson, pour pouvoir prendre le contrôle de leurs affaires, et cela d’autant plus facilement que son épouse Jean Wedderburn qu’il avait épousé à Inveresk, en Écosse, en 1807, était la sœur d’Andrew Wedderburn un membre important du comité directeur de cette compagnie. Cela permit à Selkirk d’obtenir cette concession de terres qu’il désirait, au Sud de ces territoires devenus depuis lors, « la terre de Rupert », afin d’y amener des colons pour établir une colonie agricole en ce pays de fourrures. En 1811, Selkirk signa un accord avec la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), par lequel il s’engageait à fonder ainsi une colonie agricole. Cet accord stipulait qu’en échange de l’établissement d’une colonie, la compagnie vendait à Selkirk 116 000 milles carrés de terres pour 10 shillings. Soit cinq fois l’Ecosse !
Le comte, après avoir obtenu le terrain, avait un urgent besoin de colons, il publia une annonce en Ecosse. Pourtant s’il leur proposait une nouvelle vie c’était dans un monde que non seulement lui-même connaissait mal, mais surtout que tous ces gens qui allaient être transplantés-là, n’imaginaient même pas, situé très loin dans le Nord glacial de ce Canada où deux compagnies de fourrures, la compagnie de la Baie d’Hudson (C.B.H) et la compagnie du Nord-Ouest (C.N.O) se livraient à une compétition acharnée. Ceux qui avaient parcouru cette région et ses problèmes afférents pouvaient immédiatement imaginer, que cette colonisation allait avoir bien des difficultés à arriver à s’implanter !
L’année suivante, en 1812, le groupe des 128 premiers colons de Lord Selkirk arriva. Coincés à York Factory sur la Baie d’Hudson, les colons durent construire des bateaux pour pouvoir continuer le voyage et lorsqu’enfin, les glaces commencèrent à fondre sur les rivières, ils purent commencer cette navigation, mais ils ne parvinrent qu’au printemps de 1812 à la Rivière Rouge. Miles McDonnell, avait été nommé gouverneur de cette petite colonie baptisée Assiniboia, or lorsqu’ils parvinrent enfin sur les lieux, la saison étant bien trop avancée ils n’eurent que le temps de construire rapidement leurs habitations avant l’arrivée du froid glacial de l’hiver, impossible donc de commencer à semer quoique ce soit. Les Métis francophones et les tribus Amérindiennes Cri et Assiniboine, les aidèrent pendant cette période difficile. L’année suivante les cultures enfin réalisées ne furent pas au rendez-vous prévu et la colonie ne réussit ni à se suffire ni à prospérer.
Cependant de 1812 à 1815 des colons continueront à arriver.
Lord Selkirk avait dû accepter de construire cette colonie agricole pour la compagnie de fourrures, et uniquement dans le cadre de ces accords, de lui fournir 200 hommes chaque année, toutefois ces hommes ne seraient pas autorisés à participer au commerce des fourrures, comme le lui avait parfaitement affirmé Lord Pelham. En installant une colonie à la lisière de la Rivière Rouge et des routes commerciales de la Compagnie du Nord-Ouest (CNO) concurrente de la CBH, cette dernière faisait une bonne affaire. En effet cela l’aiderait à diminuer les mouvements des coureurs des bois français de la CNO, c’est-à-dire cela allait permettre à la compagnie de fourrures anglaise de mettre en place une réelle stratégie offensive, grâce à cette colonie de peuplement que prévoyait d’amener Lord Selkirk, face à ses rivaux montréalais de la Compagnie du Nord-Ouest, permettant en plus d’envisager de substantielles économies, avec cette source de mains-d’œuvre et d’approvisionnements.
Immédiatement les dirigeants de la Compagnie du Nord-Ouest concurrente s’opposèrent au projet de fondation d’une colonie à la rivière Rouge, y voyant effectivement une stratégie parfaitement délibérée de la part de la Compagnie de la Baie d’Hudson pour compromettre leur réseau commercial dans l’Ouest.
S’il fut largement loué par le gouvernement du Canada anglophone, c’est parce que Selkirk contribuait largement à l’implantation de la civilisation impériale britannique, dans une région de l’Ouest non encore reprise aux Canadiens français de la Nouvelle France depuis le traité de Paris de 1763, une région de l’Ouest décrite comme « sauvage » peuplée uniquement de Canadiens français, de tribus Cris, Assiniboine et Objiwés ou Saulteux, et… d’un peuple Métis.
C’est effectivement ce qu’ils avaient oublié !
Cette province, qui deviendra plus tard le Manitoba*3 était occupée par différentes tribus amérindiennes et par des Métis à grande majorité francophones et catholiques ayant des liens très forts avec les coureurs des bois français en général, et avec ceux de la CNO en particulier. Ils n’étaient pas prêts à accepter les ordres de Selkirk dans leurs territoires.
Ils en avaient effectivement le droit en vertu de la Proclamation royale anglaise de 1763, qui certes les favorisa quelques années, mais seulement le temps que les Anglais s’installent vraiment dans ce pays nouvelle acquis. Le roi George III au moment de la cession par la France de la Nouvelle France, craignant la révolte des Amérindiens en voyant l’ennemi des Français s’installer à leur place, avait promulgué cette loi les autorisant à continuer leur vie sur leurs territoires de la même façon qu’avec les Français.
Lord Selkirk entrevoyait un grand potentiel agricole pour le Canada, notamment grâce à l’apport des colons écossais. Les Premières Nations et les Métis avaient été exclus de cette perspective ! En 1814 les colons de Selkirk étaient toujours aussi démunis, les Métis continuèrent à leur vendre du Pemmican qui les aidaient à survivre, jusqu’au moment où McDonnell publia la « Proclamation du Pemmican » interdisant son importation dans toute la région. Cela a exacerbé la colère des Métis parce qu’ils gagnaient leur vie en vendant cette nourriture séchée, en particulier aux coureurs des bois qui partaient faire la traite des mois entiers jusqu’en Athabasca et dont c’était une nourriture qui non seulement se conservait longtemps, mais était facile à transporter.
Furieux ils ont arrêté l’inconséquent McDonnell et se sont attaqués aux colons de Selkirk, ils les chassèrent et brûlèrent le fort Douglas que les colons avaient construit. Robert Semple a été nommé gouverneur à la place de McDonnell, le fort Douglas sera reconstruit et durant un temps les relations parurent s’apaiser.
Les Métis continuèrent à vendre le pemmican. Au printemps de 1816, Semple et les colons écossais de Selkirk, s’emparent du fort Gibraltar de la CNO concurrente et le détruisent totalement en y mettant le feu.
Cuthbert Grant, capitaine général des Métis du Nord-Ouest, réunit une centaine de cavaliers métis pour escorter une cargaison de pemmican au lac Winnipeg afin d’approvisionner malgré l’interdiction, les brigades de canots en route vers l’Athabasca, mais en voulant éviter le Fort Douglas, Grant et ses hommes passent par un endroit appelé la Grenouillère, mais le terrain marécageux les oblige à faire un détour, c’est à peu près par-là qu’ils sont aperçus par une sentinelle du fort Douglas. Semple et vingt-quatre hommes partent immédiatement les intercepter.
Lorsque la rencontre a lieu, ce 19 juin 1816, elle se terminera par la bataille de la Grenouillère – ou des Sept chênes – un coup de fusil malencontreusement tiré par un Amérindien, blessera Robert Semple à la jambe. Cela va déclencher immédiatement une fusillade de part et d’autre. En quelques minutes, Semple et vingt de ses hommes sont tués net, contre un seul parmi les Métis. Grant envoie un des hommes de Semple parmi les prisonniers qu’ils avaient fait parmi eux, demander la capitulation du fort Douglas. La colonie obtempérera sur le champ.
Plusieurs familles écossaises cherchèrent alors à fuir la région dans un tel contexte. Sans doute, l’arrivée de Lord Selkirk, l’année suivante, assura le maintien de la colonie. Selkirk est d’ailleurs accompagné d’une centaine de mercenaires suisses-allemands, venus combattre pour les Britanniques lors de la guerre contre les États-Unis en 1812. Ils se verront offrir des terres et serviront pour un temps de force policière dans la colonie. La violence commencée par les hommes de Selkirk continua avec Selkirk et les mercenaires allemands, ils prirent le poste de traite de fort William, ils y mirent le feu en représailles contre ceux de la CNO après la bataille des Sept Chênes qu’ils avaient pourtant eux-mêmes générée. A la suite de cet événement, Selkirk se trouva mêlé dans ce différend qui l’oppose à la CNO c’est pourquoi il va essayer de combattre ses adversaires devant les tribunaux. Il a tenté d’accuser les hommes de la CNO d’avoir soutenu et aidé les Métis, mais lors du procès tous seront disculpés.
Contrairement à Selkirk, les autorités canadiennes ne pensèrent pas que le conflit résultait d’une conspiration contre lui et la CBH. Selkirk a été condamné à comparaître devant un tribunal de Montréal où il a été accusé de quatre lourdes infractions liées à l’occupation illégale présumée du Fort William.
Au cours de son seul séjour à la rivière Rouge, Selkirk essaya de jeter les bases d’un système légal de propriété. En effet, avant 1817, lord Selkirk avait, en effet, voulu coloniser les terres en achetant celles-ci à la Compagnie de la Baie d’Hudson, mais sans se préoccuper des Amérindiens vivant sur ces territoires, et pas davantage des Métis. Il est compréhensible que la prétention de posséder ce territoire ait fâché les propriétaires véritables. De 1812 à 1816, de nombreux chefs amérindiens avaient formulé des plaintes importantes, soulignant l’absurdité qu’un étranger affirme posséder leur territoire, ils menaçaient d’intervenir contre tous ceux qui empiéteraient sur leurs terres.
Cette opposition était plus prononcée parmi les Bois-Brûlés du Nord-Ouest, c’est à dire les Métis. Tous faisaient partie d’un réseau complexe d’alliances qui les reliait aux deux compagnies rivales de traite de fourrures, la Compagnie de la Baie d’Hudson, et la Compagnie du Nord-Ouest. Mais cette dernière était composée presque uniquement de Canadiens français et de personnes étant aussi chefs des Bois-Brûlés.
Le comte de Selkirk, entreprit donc de rétablir la Colonie de la Rivière-Rouge après les évènements graves de la bataille des Sept Chênes. Pour en renforcer les chances de survie il s’employa à négocier avec les nations amérindiennes afin d’avoir accès aux terres en échange d’entente avec eux. En juillet 1817 un évènement important avait alors eu lieu celui de la signature d’un traité entre les chefs amérindiens qui vivaient dans la région et ce Lord écossais qui s’était mis en tête de fonder une colonie agricole, au confluent des rivières Rouge et Assiniboine.
Le Traité du 18 juillet 1817 fut un accord entre lord Selkirk actionnaire principal de la Compagnie de la Baie d’Hudson pratiquant la spéculation foncière et les Cris, les Saulteux ou Objiwés et Assiniboine de la vallée de la rivière Rouge, au sud du Manitoba. Les tribus amérindiennes permettaient peut-être par ce traité à des colons venus d’Ecosse de s’établir sur leurs territoires en échange de « redevance » annuelle, que ce soit d’une quantité de tabac ou d’autres présents comme le désiraient ces tribus.
Lord Selkirk savait fort bien qu’il se trouvait au centre même de d’un pays amérindien métissé de Français et que les « négociations territoriales feutrées dans des bureaux londoniens » n’avaient aucune prise sur les esprits des Amérindiens de ce pays. Il conclut un traité avec le chef Objiwés (saulteux) Peguis pour la location du territoire. Il entreprit également des démarches pour l’établissement de missions religieuses en vue de « civiliser » la population amérindienne et métisse.
Même si les Métis ne signèrent pas le traité avec lord Selkirk en 1817, le mécontentement et le soulèvement Métis de 1815–1816 avaient constitué un facteur de motivation important pour la négociation de ce traité.
Cependant les tribus amérindiennes accusèrent Peguis d’avoir signé pour toutes les autres nations, alors que ces Objiwés n’étaient arrivés que très récemment à la rivière Rouge ; il n’avait donc pas le droit de céder les terres dont la propriété revenait à ceux de la Nation Cri, d’ailleurs les Métis la revendiquaient également aux noms de leurs aïeules Cris en tant que leurs descendants ! Péguis, avait particulièrement rendu service aux colons écossais, mais cela ne l’avantagea en rien ! Lorsque le gouvernement anglais d’Ottawa en annulant de fait la Proclamation royale de 1763, décréta le système des réserves, ce fut pour toutes les nations indiennes sans exception.
Le Traité du 18 juillet 1817
L’arpenteur-géomètre et traiteur en chef, Peter Fidler, a écrit au sujet d’un certain nombre d’événements notables dans le journal de Brandon House de 1817-1818, dont la signature du traité de Selkirk
Ce traité constitue un important rappel du pouvoir politique des Amérindiens au début du 19e siècle. C’est la valeur des Bois-Brûlés qui a forcé lord Selkirk à négocier avec les tribus Cris et Saulteux, dont plus particulièrement le chef Objiwés, Peguis, lui permettant de mieux comprendre le pouvoir des autochtones. En raison de leur rôle important, lord Selkirk n’a pu qu’obtenir la permission d’établir ses compatriotes sur les terres des Amérindiens en échange d’une redevance annuelle. Ce traité est donc un document sur des négociations qui visaient au départ la cession de leurs terres mais lord Selkirk n’a réussi qu’à renforcer la primauté territoriale et politique des Amérindiens en reconnaissant que les terres qu’il croyait avoir payé, appartenaient à d’autres.
L’historien manitobain J.M. Bumsted, explique que le fils du chef Peguis, Henry Prince, aurait mentionné, lors d’une assemblée métisse tenue en 1869, que « la terre avait seulement été louée aux colons de Selkirk ». Peguis regretta son implication pourtant amicale auprès des Anglo-saxons lorsque par la suite il se retrouva lui et sa famille dans les réserves du gouvernement d’Ottawa !
Selkirk devra soutenir la colonie de la rivière Rouge face aux nombreux différends avec ceux de la compagnie du Nord-Ouest, adversaires de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ainsi il passera la majeure partie de ses dernières années à défendre ses actions en justice, dépensant une bonne part de sa fortune à se défendre sans résultat devant la justice.
Cependant malade il retournera en Angleterre en 1818. Pour soigner la tuberculose, dont il était atteint, il décida de tenter de retrouver la santé dans un pays chaud et sec, c’est pourquoi il voyagea pour se rendre dans le sud de l’Espagne, mais épuisé il dut s’arrêter en chemin, à Pau. Ainsi sans pouvoir aller plus loin vers le Sud, il va mourir là, en France, le 8 avril 1820 entouré de sa famille.
Il sera inhumé dans le cimetière d’Orthez faute de trouver un cimetière protestant à Pau.
La tombe de Thomas Douglas, n’est pas vraiment abandonnée. Elle a été restaurée en 1913 par son petit-fils, le capitaine John Hope. Une cérémonie du souvenir a eu lieu le 24 mai 1978, rassemblant Français et Canadiens.
Quant aux deux compagnies qui commençaient à péricliter, elles fusionneront en 1821, sous la seule appellation de la Compagnie de la Baie d’Hudson, les actionnaires de la compagnie du Nord-Ouest, continuant de partager les profits de la traite, tandis que la majorité des dirigeants deviendront des employés de la nouvelle compagnie de fourrures , compagnie désormais commune. Cette même année 1821, Nicholas Garry, de cette nouvelle Compagnie unie de la Baie d’Hudson, chiffre à 221 seulement le nombre d’Écossais restant dans la colonie, et contrairement à l’idée que s’en faisait son fondateur, elle devint de plus en plus métissée.
La colonie de Selkirk aura été un échec, ses terres seront récupérées des mains des héritiers de Selkirk par la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1836. Puisqu’à sa mort son fils Dunbar était trop jeune à seulement dix ans pour hériter, ainsi la succession de Selkirk avait été placée sous-exécuteurs testamentaires.
Que sait-on sur le 5e comte de Selkirk ? Uniquement ce qu’il a dit de lui dans le livre qu’il a dédié à sa propre gloire « …qu’il était un philanthrope écossais voulant donner une nouvelle chance à des petits paysans pauvres chassés par des propriétaires qui voulaient récupérer leurs terres pour en avoir un meilleur rendement ». Cette image semble à l’opposé des intentions premières du comte qui, dans un esprit bien moins charitable trois ans plus tôt, entendait « purger l’Irlande en peu de temps de tous ses sujets les plus dangereux ». C’est pourquoi il se garde bien d’indiquer, pour conserver ce rôle de patriote, que cette idée des migrants Ecossais vers les colonies britanniques, lui avait été suggérée par le Premier ministre, puis par le secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies
L’impression que Selkirk, seul contre tous, est parvenu à faire émigrer ces pauvres Highlanders va donc subsister, puisque sous la pression des propriétaires, le gouvernement aurait refusé son offre de terres dans le Haut-Canada. Selkirk aurait donc été victime de la campagne anti-émigration et aurait subi l’opposition du gouvernement. Selkirk a donc enjolivé son histoire en l’écrivant… Cette réécriture de la colonisation écossaise au Canada l’amena à se créer l’image d’un philanthrope dont le seul but était d’aider les Highlanders. Cette présentation des faits sous un jour embelli fut par la suite curieusement reprise par les historiens de Selkirk. Cette version n’a jamais été remise en question, et a même été véhiculée par de nombreux historiens suivants.
Pourquoi ces réécritures résistent-elles toujours aux révisions historiques ? Cela reste une question sans réponse.
Peu de personnes connaissent encore aujourd’hui ce lord écossais, à peine peut-être au Manitoba ou sur l’île du Prince Edouard, pourtant le maigre résultat de sa colonisation lui a permis d’être considéré comme un des pères fondateurs du Canada anglais, et cette colonie de la Rivière-Rouge aida plus tard à la fondation de la ville de Winnipeg. Un monument dédié aux premiers colons est situé sur un rond-point au centre de la ville de permettant de saluer le lord écossais, qui colonisa les terres proches de Winnipeg.
De même une plaque a été également érigée en souvenir du rôle joué par la colonie de la rivière rouge dans le patrimoine du Manitoba. La statue assise de Lord Selkirk occupe le côté sud devant l’entrée est du palais de l’Assemblée législative du Manitoba, à Winnipeg.
Et parfois un timbre sera émis comme en 1962 pour commémorer les 150 ans de la colonie de la Rivière-Rouge ou en 2012 !
Notes
*1 De1670 à 1870 ces territoires seront la propriété exclusive de la CBH il faudra attendre la création du Dominion canadien de 1867 et la confédération canadienne pour que le Canada rachète pour 1,5 millions de dollars la terre de Rupert. Mais ne pouvant payer une somme supérieure, craignant la surenchère des nouveaux états unis d’Amérique voisins, elle laissera la CBH continuer à occuper les territoires jusque dans les prairies fertiles. A partir de cette extension territoriale le Canada anglais a vu sa superficie être transformée.
*2 A l’Île-du-Prince-Édouard, tout comme l’industrie de la morue à Terre-Neuve ou celle du pétrole en Alberta, la pomme de terre a servi de point de ralliement et de fondation solide à la création, à la prospérité et à la survie de diverses autres industries., Même si le 19e siècle semble avoir été caractérisé par une croissance continue de l’industrie de la pomme de terre à l’Île-du-Prince-Édouard, cette dernière a quand même connu quelques difficultés. À la fin des années 1840 et au début des années 1850, l’Île a été frappée par la même épidémie de mildiou que celle qui a entraîné la grande famine en Irlande. Cette épidémie a causé bien des difficultés, mais a somme toute peu touché l’industrie dans son ensemble.
*3 Dans la langue des Cris, Manitoba signifie « l’Esprit qui parle » Ce nom a été choisi par Louis Riel et les Métis francophones lorsqu’ils ont voulu donner un nom à leur province. La province avait vu arriver de nombreux anglophones Ecossais lorsque Thomas Douglas, le cinquième comte de Selkirk, s’est servi de sa fortune et de ses liens politiques pour se procurer des terres pour faire une colonie de peuplement et établir des familles écossaises en Amérique du Nord britannique.
Cette rébellion de la rivière Rouge, orchestrée en 1869-1870 par Louis Riel et les Métis des plaines de l’Ouest, a directement abouti à l’entrée du Manitoba dans la Confédération, en 1870, à titre de cinquième province canadienne. Winnipeg en est devenue la capitale en 1873.
Sources
* L’émigration des Écossais, persée.fr
* Archives province Manitoba
* Archives Compagnie de la Baie d’Hudson
* Archives Compagnie du Nord-Ouest
* Alice Lemer-Fleury « Le gouvernement britannique et l’émigration des Highlanders : entre réécriture de l’histoire et construction d’un mythe »
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec