Dans la Belle Province, les descendants de Français qui sont devenus les Québécois perdront-ils leur statut de groupe majoritaire d’ici à 2042?
C’est du moins ce que prédit le chercheur indépendant Charles Gaudreault dans une étude récente. L’article est paru dans le dernier numéro de la revue Nations and Nationalism, que dirige l’Association for the Study of Ethnicity and Nationalism (association pour l’étude de l’ethnicité et du nationalisme), centre de recherche affilié à la London School of Economics.
Poids démographique, un déclin inéluctable?
En entrevue avec Sputnik, Charles Gaudreault avoue s’inquiéter des répercussions des résultats de son étude sur l’avenir du Québec sur les plans culturel et linguistique. Selon ses projections, les Québécois d’origine française ne représenteront pas plus de 45% de la population québécoise en 2050, alors qu’ils étaient 79% en 1971. Les Québécois nés entre 1945 et 1965 étaient les descendants à environ 95% des Français établis en Nouvelle-France. Pour rappel, le Québec est l’unique province canadienne où seul le français bénéficie du statut de langue officielle.
«L’angle ‘‘ethnique’’ permet d’entrevoir l’évolution de la dimension linguistique. Considérant que le poids démographique des Québécois d’ascendance canadienne-française est appelé à décliner significativement, on peut entrevoir que les Québécois francophones tendront à diminuer si l’assimilation linguistique des immigrants ne se fait pas», souligne le chercheur.
Charles Gaudreault est loin d’être le seul observateur préoccupé par la survie du français au Québec. Dans un entretien accordé à Sputnik en juillet 2019, l’auteur et ancien cadre à Emploi et Immigration Canada, Jacques Houle, rappelait qu’à peine 40% des immigrants qui arrivaient au Québec parlaient français. Au Québec et en particulier à Montréal, l’attraction qu’exerce la langue de Shakespeare sur les nouveaux arrivants est un phénomène bien connu et documenté.
Départ des baby-boomers: la pointe de l’iceberg?
Le décès prochain des baby-boomers devrait contribuer à réduire «de manière drastique» le poids des Québécois d’origine française:
«En 2042, les immigrants et leurs descendants seront plus nombreux que les Canadiens français dans le groupe des 0 à 18 ans et dans le groupe des 19 à 36 ans. La grande majorité des Québécois âgés de 72 ans et plus seront des Canadiens français. Ainsi, le jeune d’origine immigrée ou mixte sera le stéréotype du jeune Québécois de 2042, alors que le vieux Québécois de souche sera le stéréotype du vieillard», précise le chercheur, dont l’étude est fondée sur les taux d’immigration et de fécondité.
Les impacts de ces transformations ne se limiteront pas à la langue, prévient toutefois Charles Gaudreault. Les conséquences «identitaires et politiques» de ce déclin se feront sentir d’ici à moins de vingt ans, prévoit-il. D’abord à Montréal, ville plus proche du Canada anglais que le reste du Québec, où un cinquième de la population y est anglophone ou allophone.
«Cette question s’adresse davantage aux politologues, mais Montréal va peut-être être tentée de se séparer encore davantage du Québec. […] Les projections sont là. L’enjeu est de savoir si la majorité historique va réussir à survivre à ce déclin et à transmettre un intérêt pour sa culture aux nouveaux arrivants», analyse le chercheur.
Conforté par la politique de multiculturalisme d’Ottawa, l’installation d’un nombre grandissant d’immigrés en terre québécoise devrait également transformer en profondeur la vie politique québécoise.
Clientélisme électoral à prévoir
Dès lors, les partis politiques pourraient se tourner vers le «clientélisme» et courtiser davantage l’électorat en fonction des groupes ethnoculturels qui le composent. Charles Gaudreault estime que même le nationalisme de la Coalition Avenir Québec –parti actuellement à la tête du Québec– pourrait ne pas survivre à la nouvelle donne.
«Nous allons peut-être assister à une montée de l’anxiété identitaire parallèlement au développement d’une offre électorale tenant compte de préoccupations liées aux communautés culturelles. […] En démocratie, les partis ont besoin du vote de la population et si la population change, ce qu’ils vont offrir et proposer va changer aussi», conclut le chercheur.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec