par Max Blumenthal.
De nouvelles fuites de documents montrent l’implication de Reuters et de la BBC dans des programmes secrets du ministère britannique des Affaires étrangères afin de provoquer un « changement d’attitude » et « d’affaiblir l’influence de l’État russe », aux côtés de prestataires des services de renseignement et de Bellingcat.
Le ministère britannique des Affaires étrangères et du Commonwealth a sponsorisé Reuters et la BBC pour mener une série de programmes secrets visant à promouvoir un changement de régime en Russie et à saper l’influence de son gouvernement dans toute l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, selon une série de documents ayant été divulgués.
Les documents divulgués montrent que la Fondation Thomson Reuters et BBC Media Action participent à une campagne de guerre de l’information secrète visant à contrer la Russie. Travaillant par l’intermédiaire d’un département obscur au sein du ministère britannique des Affaires étrangères, connu sous le nom de Développement de la Contre-Désinformation et des Médias (DCDM), les organisations médiatiques ont opéré aux côtés d’une collection de prestataires des services de renseignement dans une entité secrète connue simplement sous le nom de « Consortium ».
Grâce à des programmes de formation de journalistes russes supervisés par Reuters, le ministère britannique des affaires étrangères a cherché à produire un « changement d’attitude chez les participants », en suscitant un « impact positif » sur leur « perception du Royaume-Uni ».
« Ces révélations montrent que lorsque les députés s’en prenaient à la Russie, les agents britanniques utilisaient la BBC et Reuters pour déployer exactement les mêmes tactiques que les politiciens et les commentateurs des médias accusaient la Russie d’utiliser », a déclaré à The Grayzone Chris Williamson, un ancien député travailliste britannique qui a tenté de soumettre les activités secrètes du DCDM au contrôle du public et qui a été empêché d’agir pour des raisons de sécurité nationale.
« La BBC et Reuters se présentent comme une source d’information mondiale irréprochable, impartiale et faisant autorité », a poursuivi M. Williamson, « mais tous deux sont maintenant énormément compromis par ces révélations. Cette politique de deux poids, deux mesures ne fait que jeter le discrédit sur les politiciens et les sociétés de médias ».
Jenny Vereker, porte-parole de la Fondation Thomson Reuters, a implicitement confirmé l’authenticité des documents divulgués dans une réponse par courriel aux questions de The Grayzone. Cependant, elle a soutenu que « la conclusion selon laquelle la Fondation Thomson Reuters s’est engagée dans des « activités secrètes » est inexacte et déforme notre travail dans l’intérêt du public. Depuis des décennies, nous soutenons ouvertement une presse libre et nous nous efforçons d’aider les journalistes du monde entier à développer les compétences nécessaires pour rapporter l’information en toute indépendance ».
La série de fichiers divulgués ressemble beaucoup aux documents, liés au ministère britannique des Affaires étrangères, publiés entre 2018 et 2020 par le collectif de pirates informatiques appelé Anonymous. La même source a revendiqué le fait d’avoir obtenu la dernière série de documents.
The Grayzone a fait état en octobre 2020 de fuites de documents publiés par Anonymous qui ont révélé une campagne de propagande massive financée par le ministère britannique des Affaires étrangères pour soutenir le changement de régime en Syrie. Peu après, le ministère britannique des Affaires étrangères a affirmé que ses systèmes informatiques avaient été pénétrés par des pirates informatiques, confirmant ainsi leur authenticité.
Les nouvelles fuites illustrent avec des détails alarmants comment Reuters et la BBC – deux des plus grandes et des plus distinguées organisations de presse dans le monde – ont tenté de répondre à la demande d’aide du ministère britannique des affaires étrangères pour améliorer sa « capacité à répondre et à promouvoir notre message à travers la Russie », et pour « contrer le récit du gouvernement russe ». Selon le directeur du DCDM, l’un des objectifs déclarés du ministère britannique ds Affaires étrangères était « d’affaiblir l’influence de l’État russe sur ses voisins proches ».
Reuters et la BBC ont sollicité des contrats de plusieurs millions de dollars pour faire avancer les objectifs interventionnistes de l’État britannique, promettant de former des journalistes russes par le biais de tournées et de séances de formation financées par le ministère britannique des Affaires étrangères, d’établir des réseaux d’influence en Russie et dans les environs, et de promouvoir les récits pro-OTAN dans les régions russophones.
Dans plusieurs propositions faites au ministère britannique des Affaires étrangères, Reuters s’est vanté de disposer d’un réseau d’influence mondial de 15 000 journalistes et collaborateurs, dont 400 en Russie.
Les projets du ministère britannique des Affaires étrangères ont été menés à bien de manière secrète et en partenariat avec des médias en ligne prétendument indépendants et très médiatisés, dont Bellingcat, Meduza et Mediazona, fondé par les Pussy Riot. La participation de Bellingcat entrait apparemment dans le cadre une intervention du ministère britannique des Affaires étrangères dans les élections de 2019 en Macédoine du Nord, au nom du candidat pro-OTAN.
Les prestataires des services de renseignement qui ont supervisé cette opération, Zinc Network, se sont vantés d’avoir établi « un réseau de YouTubers en Russie et en Asie centrale » tout en « aidant les participants à effectuer et à recevoir des paiements internationaux sans être enregistrés comme sources de financement étrangères ». La société a également vanté sa capacité à « activer une gamme de contenus » pour soutenir les protestations anti-gouvernementales en Russie.
Les nouveaux documents fournissent un contexte critique sur le rôle et l’influence des États membres de l’OTAN comme le Royaume-Uni dans les manifestations de type « révolution de couleur » qui se sont déroulées en Biélorussie en 2020, et soulèvent des questions troublantes sur l’intrigue et les troubles qui entourent la figure d’opposition russe emprisonnée, Alexeï Navalny.
En outre, ces documents jettent de sérieux doutes sur l’indépendance de deux des plus grandes et des plus prestigieuses organisations médiatiques du monde, révélant que Reuters et la BBC sont apparemment des paravents du renseignement festoyant au sein d’un appareil de sécurité nationale britannique que leurs reportages sont de plus en plus réticents à examiner de manière minutieuse.
Reuters sollicite un contrat confidentiel du ministère britannique des Affaires étrangères pour infiltrer les médias russes
Une série de documents officiels déclassifiés en janvier 2020 a révélé que Reuters a été secrètement financée par le gouvernement britannique tout au long des années 1960 et 1970 pour aider une organisation de propagande antisoviétique dirigée par l’agence de renseignement du MI6. Le gouvernement britannique a utilisé la BBC comme intermédiaire pour dissimuler des paiements au groupe de presse.
Cette révélation a incité un porte-parole de Reuters à déclarer que « l’accord de 1969 [avec le MI6] n’était pas conforme à nos principes de confiance et que nous ne le ferions pas aujourd’hui ».
Les principes de confiance définissent une mission consistant à « préserver l’indépendance, l’intégrité et l’impartialité de Reuters dans la collecte et la diffusion d’informations et de nouvelles ».
Dans sa propre déclaration de valeurs, la BBC proclame : « La confiance est le fondement de la BBC. Nous sommes indépendants, impartiaux et honnêtes ».
Cependant, les documents récemment divulgués et analysés par The Grayzone semblent révéler que Reuters et la BBC sont à nouveau engagés dans une relation non transparente avec le ministère britannique des Affaires étrangères pour contrer et affaiblir la Russie.
En 2017, la Fondation Thomson Reuters (FTR), la branche à but non lucratif de l’empire médiatique Reuters, a envoyé une proposition officielle pour « conclure un contrat avec le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, représenté par l’ambassade britannique à Moscou, pour la fourniture d’un projet de « renforcement des moyens dans les médias russes » ». La lettre a été signée par la PDG de Reuters, Monique Ville, le 31 juillet 2017.
La proposition de Reuters était une réponse à un appel d’offres du ministère britannique des Affaires étrangères, qui cherchait à obtenir de l’aide pour mettre en œuvre « un programme de visites thématiques au Royaume-Uni pour des journalistes et des influenceurs en ligne russes ».
Par l’intermédiaire de l’ambassade britannique à Moscou, le ministère des Affaires étrangères a cherché à produire un « changement d’attitude chez les participants », en suscitant un « impact positif » sur leur « perception du Royaume-Uni ».
En 2019, le ministère britannique des Affaires étrangères a présenté une initiative similaire, exposant cette fois un plan plus agressif pour « contrer le récit du gouvernement russe et sa domination de l’espace médiatique et de l’information ». En effet, le gouvernement britannique cherchait à infiltrer les médias russes et à propager son propre récit par le biais d’un réseau d’influence de journalistes russes formés au Royaume-Uni.
Reuters a répondu aux deux appels d’offres du ministère britannique des Affaires étrangères par des propositions détaillées. Dans sa première offre, le géant des médias s’est vanté d’avoir établi un réseau mondial de 15 000 journalistes et blogueurs grâce à des « interventions de renforcement des moyens ». En Russie, il a affirmé qu’au moins 400 journalistes avaient été formés grâce à ses programmes de formation.
Reuters a affirmé avoir déjà effectué dix tournées de formation pour 80 journalistes russes au nom de l’ambassade britannique à Moscou. Il en a proposé huit autres, promettant de promouvoir « les valeurs culturelles et politiques britanniques » et de « créer un réseau de journalistes à travers la Russie » liés par un « intérêt commun pour les affaires britanniques ».
La proposition de Reuters a mis en évidence les préjugés institutionnels et l’agenda interventionniste qui caractérisent ses programmes de formation. Détaillant une série de programmes financés par le ministère britannique des Affaires étrangères et destinés à « contrer la propagande financée par l’État russe », Reuters a confondu les récits du gouvernement russe avec l’extrémisme. Ironiquement, il a qualifié ses propres efforts pour les affaiblir de « journalisme impartial ».
Dans le même temps, Reuters semblait reconnaître que sa collaboration secrète avec l’ambassade britannique à Moscou était très provocatrice et potentiellement destructrice pour les relations diplomatiques. En relatant une tournée financée par le ministère britannique des Affaires étrangères pour des journalistes russes au milieu de l’affaire Sergueï Skripal, après que le gouvernement britannique ait accusé Moscou d’avoir empoisonné un officier de renseignement russe traître qui espionnait pour la Grande-Bretagne, l’appel d’offres indiquait que « [la Fondation Thomson Reuters] était en communication constante avec l’ambassade britannique à Moscou, pour évaluer les niveaux de risque, y compris le risque de réputation pour l’ambassade ».
La mention par Reuters de la chaîne de télévision biélorusse Belsat, et son intérêt particulier « pour la capacité de la stratégie du gouvernement britannique à détecter et à contrer la diffusion d’informations russes » était notable. Tout en se décrivant comme « la première chaîne de télévision indépendante de Biélorussie », Belsat est, comme l’indique clairement la proposition de Reuters, un instrument d’influence de l’OTAN.
Basée en Pologne et financée par le ministère polonais des Affaires étrangères et d’autres gouvernements de l’UE, Belsat a joué un rôle influent dans la promotion des manifestations de type « révolution de couleur » qui ont éclaté en mai 2020 pour demander l’éviction du président biélorusse Alexandre Loukachenko.
Finalement, l’offre de Reuters semble avoir été retenue, puisqu’elle a reçu un contrat en juillet 2019 avec le Fonds de conflit, de stabilité et de sécurité (FCSS) du ministère britannique des Affaires étrangères. Mais aucune des deux entités ne semblait vouloir que le public soit informé de sa collaboration à un projet destiné à contrer la Russie. Le contrat portait la mention « Strictement confidentiel ».
« Affaiblir l’influence de l’État russe »
Les programmes révélés par la dernière fuite de documents fonctionnent sous les auspices d’une division obscure du Bureau des affaires étrangères et du développement du Commonwealth appelée Développement de la Contre-Désinformation et des Médias (DCDM). Dirigé par un agent de renseignement nommé Andy Pryce, le programme était entouré de secret.
En effet, le gouvernement britannique a refusé les demandes de liberté d’information concernant le budget de la division et a fait obstruction aux membres du Parlement comme Chris Williamson qui cherchaient des données sur son budget et son programme, en invoquant la sécurité nationale pour bloquer leurs demandes d’information.
« Lorsque j’ai essayé d’approfondir la question », a déclaré l’ancien député Williamson à The Grayzone, « les ministres ont refusé de me donner accès à tout document ou correspondance concernant les activités de cette organisation. On m’a dit que la divulgation de ces informations pourrait « perturber et compromettre l’efficacité du programme ». »
Lors d’une réunion convoquée à Londres le 26 juin 2018, Pryce a présenté les grandes lignes d’un nouveau programme du ministère britannique des Affaires étrangères « pour affaiblir l’influence de l’État russe sur ses voisins proches ». Il a sollicité un consortium d’entreprises pour aider l’État britannique à créer de nouveaux médias indépendants en apparence pour contrer les médias soutenus par le gouvernement russe dans la sphère d’influence immédiate de Moscou, et pour amplifier le message des gouvernements alignés sur l’OTAN.
Justifiée par la prétendue intention de la Russie de « semer la désunion et de perturber les processus démocratiques », la campagne présentée par Pryce était plus agressive et d’une plus grande portée que tout ce que la Russie a été surprise à faire en Occident.
Pryce a souligné que le secret était essentiel, avertissant que « certains bénéficiaires ne souhaiteront pas être liés au ministère britannique des Affaires étrangères ».
Un an plus tard, la division DCDM du ministère britannique des Affaires étrangères a présenté un programme qui s’étendra jusqu’en 2022 et qui coûtera 8,3 millions de dollars au contribuable britannique. Il visait à créer de nouveaux médias et à soutenir les opérations médiatiques préexistantes « pour contrer les efforts de la Russie visant à semer la désunion » et « accroître la résistance aux messages hostiles du Kremlin dans les États baltes ».
Ainsi, le gouvernement britannique a entrepris, avec un ensemble de prestataires de services de renseignement, de dominer les médias baltes avec des messages pro-OTAN – et peut-être de semer une certaine désunion à son tour.
Comme on le voit ci-dessous, la BBC a fait une offre apparemment réussie pour participer au programme secret dans les pays baltes par le biais de sa branche à but non lucratif, connue sous le nom de BBC Media Action.
La BBC a également proposé de participer à un autre programme de propagande médiatique du ministère britannique des Affaires étrangères en Ukraine, en Moldavie et en Géorgie. Elle a désigné Reuters et un ancien prestataire de services de renseignement appelé Aktis Strategy, qui a participé aux précédents programmes du DCDM du ministère britannique des Affaires étrangères, comme alliés clés de son consortium.
La BBC a identifié des partenaires locaux comme Hromadske, un média basé à Kiev, né en plein milieu de la « Révolution de la dignité » du Maidan en 2014, qui s’est appuyé sur les forces ultra-nationalistes pour destituer le Président élu et installer un régime pro-OTAN. Hromadske s’est matérialisé presque du jour au lendemain grâce à un capital d’amorçage et au soutien logistique de l’agence américaine pour le développement international (USAID) et du Network Fund du milliardaire et magnat des médias Pierre Omidyar.
BBC Media Action a proposé de travailler par l’intermédiaire d’Aktis pour promouvoir et développer les médias pro-OTAN dans les zones de conflit comme la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, où une guerre par procuration fait rage depuis 2014 entre l’armée ukrainienne soutenue par l’Occident et les séparatistes pro-russes. Il s’agissait d’une guerre de l’information classique, utilisant les médias audiovisuels comme arme pour renverser le cours de la bataille dans un conflit prolongé et acharné.
L’équipe chargée de la campagne de propagande du ministère britannique des Affaires étrangères a averti que les « structures affiliées au Kremlin » pourraient saper le projet s’il était dévoilé. Pour une organisation médiatique qui prétend placer la confiance au cœur de sa charte de valeurs, la BBC opérait assurément dans le plus grand secret.
L’ingérence du ministère britannique des Affaires étrangères en Europe de l’Est et dans les pays baltes a créé une frénésie nourricière chez les prestataires qui cherchent à fournir une aide au « renforcement des moyens » et au développement des médias dans les pays voisins de la Russie. Parmi les candidats figuraient Reuters et des prestataires chevronnés du ministère britannique des Affaires étrangères qui avaient participé à toute une série de campagnes de guerre de l’information, de la Syrie au front intérieur britannique.
Le Consortium
Parmi les prestataires de services de renseignement qui ont postulé pour participer au consortium financé par le ministère britannique des Affaires étrangères, on trouve Zinc Network et Albany Communications. Comme l’a noté le journaliste Kit Klarenberg dans un rapport du 18 février sur les récentes fuites émanant du ministère britannique des Affaires étrangères, ces entreprises « se targuent de disposer d’un personnel possédant des habilitations [de sécurité], de personnes ayant précédemment servi aux plus hauts niveaux du gouvernement, de l’armée et des services de sécurité. Elles ont en outre une grande expérience de la conduite d’opérations de guerre de l’information pour le compte de Londres dans le monde entier ».
Auparavant connu sous le nom de Breakthrough, Zinc a passé un contrat avec le ministère britannique de l’Intérieur pour mettre en œuvre secrètement des projets médiatiques de propagande envers les musulmans britanniques sous les auspices de l’initiative de déradicalisation Prévenir. En Australie, Zinc a été attrapé en train de mener un programme clandestin visant à promouvoir le soutien aux politiques gouvernementales auprès des musulmans.
Ben Norton a fait un reportage pour The Grayzone sur le bilan d’Albany en matière de « sécurisation de la participation d’un vaste réseau local de plus de 55 pigistes, reporters et vidéastes » pour influencer les récits des médias et faire avancer les objectifs de changement de régime occidental en Syrie, tout en assurant des services de relations publiques au nom des milices syriennes extrémistes financées par les États membres de l’OTAN et les monarchies du Golfe pour déstabiliser le pays.
Dans sa candidature pour le programme médiatique du ministère britannique des Affaires étrangères dans les pays baltes, Albany a proposé une série de « jeux interactifs » satiriques comme « Poutine Bingo » pour encourager l’opposition au gouvernement russe et exploiter « les frustrations vécues par les Russes dans l’UE ».
Albany a présenté un média basé en Lettonie, Meduza, comme « un des principaux promoteurs de ces jeux ». Meduza est un site web de premier plan parmi les partisans de l’opposition russe. Il a reçu le soutien financier du gouvernement suédois et de plusieurs fondations pro-OTAN soutenues par des milliardaires.
En tant que prestataire du ministère britannique des Affaires étrangères, Zinc Network a déclaré qu’il « fournissait une segmentation du public et un soutien ciblé » non seulement à Meduza, mais aussi à Mediazona, une entreprise médiatique prétendument indépendante fondée par deux membres du groupe Pussy Riot, un groupe anti-Kremlin.
L’une des fondatrices de Mediazona, Nadia Tolokonnikova, a été sur scène avec l’ancien président américain Bill Clinton lors de la conférence de la Fondation Clinton en 2015. L’année suivante, Nadia Tolokonnikova a dénigré le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, aujourd’hui emprisonné, en déclarant : « Il est lié au gouvernement russe, et je sens qu’il en est fier ».
En plus de fournir un « soutien ciblé » pour les médias « indépendants » qui poussent le bon narratif contre le Kremlin, Zinc a proposé d’utiliser le financement du ministère britannique des Affaires étrangères dans un programme de paiements directs pour améliorer les résultats de recherche Google en leur faveur. Le prestataire des services de renseignements était explicite quant à son désir de réduire la visibilité dans les moteurs de recherche du diffuseur RT.com, soutenu par le gouvernement russe.
Le Royaume-Uni a secrètement financé et géré un réseau de YouTubers russes et a « lancé » des contenus de protestation contre le gouvernement
Dans un document portant la mention « privé et confidentiel », Zinc a révélé le rôle du Consortium dans la mise en place d’un « réseau de YouTubeurs » en Russie et en Asie centrale, destiné à propager le message du Royaume-Uni et de ses alliés de l’OTAN.
D’après Zinc, le Consortium « soutenait les participants qui effectuaient et recevaient des paiements internationaux sans être enregistrés comme sources de financement étrangères », vraisemblablement pour contourner les exigences russes d’enregistrement des médias à financement étranger.
Zinc a également aidé les influenceurs sur YouTube à « développer des stratégies éditoriales pour délivrer des messages clés » tout en travaillant « à garder leur participation confidentielle ». Et il a mené à bien tout son programme de propagande secrète au nom de la « promotion de l’intégrité des médias et des valeurs démocratiques ».
L’influenceur russe peut-être le plus important de YouTube est Alexey Navalny, une figure de l’opposition nationaliste autrefois marginal qui a été nominé pour un prix Nobel après avoir été la cible d’un « empoisonnement » très médiatisé qui a amené les relations entre la Russie et l’Occident à leur nadir de l’après-guerre froide.
La condamnation de Navalny à une peine de 2,5 ans de prison pour avoir enfreint sa liberté conditionnelle a suscité une nouvelle vague de protestations anti-gouvernementales. En 2018, Navalny a personnellement parrainé des manifestations nationales contre l’interdiction de l’application de messagerie cryptée Telegram.
Dans sa proposition pour un contrat du ministère britannique des Affaires étrangères, Zinc a révélé qu’il avait joué un rôle en coulisses « pour activer une série de contenus dans les 12 heures suivant les récentes protestations concernant Telegram ». Il n’est pas clair si ces activités impliquaient Navalny ou son réseau immédiat, mais la révélation de Zinc semble confirmer que les renseignements britanniques ont joué un rôle dans l’amplification des protestations de 2018.
Les services de renseignements russes ont publié des vidéos d’investigation montrant Vladimir Achourkov, le directeur de l’organisation anti-corruption FBK de Navalny, rencontrant en 2012 un agent britannique présumé du MI6 nommé James William Thomas Ford, qui opérait depuis l’ambassade britannique à Moscou. Au cours de ce rendez-vous, Achourkov peut être entendu demander 10 à 20 millions de dollars pour générer « une image tout à fait différente » du paysage politique.
En 2018, le nom d’Achourkov est apparu dans des documents ayant fuité, révélant l’existence d’un réseau d’influence secret du ministère britannique des Affaires étrangères, appelé « Integrity Initiative ». Comme l’a rapporté The Grayzone, Integrity Initiative a opéré sous couvert d’un groupe de réflexion appelé l’Institut pour l’habileté politique, qui a dissimulé son propre emplacement par un faux bureau en Écosse.
Dirigé par un groupe d’officiers du renseignement militaire, le groupe de propagande secrète a travaillé par l’intermédiaire de groupes de médias et d’influenceurs politiques pour faire monter les tensions entre l’Occident et la Russie. Achourkov figurait au sein de ces groupes d’influenceurs anti-russes à Londres.
Les directeurs militaires d’Integrity Initiative ont exposé leur programme en termes clairs et sans équivoque. Comme l’illustre la note de service ci-dessous, ils ont cherché à exploiter les médias, les groupes de réflexion et leur réseau d’influence pour susciter le plus d’hystérie possible à propos de l’influence prétendument malveillante de la Russie. Depuis qu’ils se sont lancés dans leur campagne clandestine, presque tous leurs vœux se sont réalisés.
Bellingcat rejoint Zinc Network, et se serait immiscé dans les élections en Macédoine du Nord
Après « l’empoisonnement » d’Alexeï Navalny, ce dernier a collaboré avec la société de journalisme « open source » Bellingcat, basée au Royaume-Uni, pour faire porter le chapeau aux services de renseignements russes du FSB. Bien qu’il soit bien établi que Bellingcat est financé par le National Endowment for Democracy (NED), une entité du gouvernement américain qui soutient les opérations de changement de régime dans le monde entier, le fait n’est jamais apparu dans la multitude de profils flatteurs que les médias, dont Reuters, ont publiés sur l’organisation.
Le rôle de Bellingcat en tant que partenaire du consortium EXPOSE, de Zinc Network, financé par le ministère britannique des Affaires étrangères, pourrait ajouter une couche supplémentaire de suspicion quant à la prétention d’indépendance du média.
En effet, Bellingcat a été cité dans des documents ayant fuité en 2018 comme un membre clé du « Réseau d’ONG » de Zinc. Parmi les membres de ce réseau figurait l’Institut pour l’Habileté politique, le paravent d’Integrity Initiative.
Le fondateur de Bellingcat, Eliot Higgins, a nié avec véhémence avoir accepté un financement du ministère britannique des Affaires étrangères ou avoir collaboré avec lui. Mais après la fuite de documents de Zinc début 2019, Higgins a révélé qu’une version de la proposition de Zinc avait reçu le feu vert du ministère des Affaires étrangères.
Looking forward to getting things rolling with the Open Information Partnership, with @bellingcat, @MDI_UK, @DFRLab, and @This_Is_Zinc https://t.co/RZecQgFD6k
— Eliot Higgins (@EliotHiggins) April 4, 2019
Christian Triebbert, un membre de Bellingcat qui a été désigné comme formateur potentiel par les documents de Zinc, et qui dirige maintenant l’unité d’enquêtes vidéo du New York Times, a affirmé que le programme consistait en des ateliers inoffensifs sur « les compétences de recherche et de vérification numériques ».
Ce que lui et Higgins n’ont cependant pas mentionné, c’est que Bellingcat avait apparemment été dépêché par Zinc Network pour « intervenir » lors des élections parlementaires de 2019 en Macédoine du Nord. Les enjeux étaient importants car les élections allaient probablement déterminer si le petit pays allait entrer dans l’OTAN et rejoindre l’UE. Le candidat pro-OTAN a triomphé, non sans un peu d’aide du ministère britannique des Affaires étrangères et de ses alliés.
Selon la proposition de Zinc, Bellingcat a fourni une formation au réseau Most, un média macédonien. Il a été rejoint par le DFR Lab, un projet d’Atlantic Council, financé par l’OTAN et le gouvernement américain.
Après avoir apparemment participé à l’intervention secrète financée par le ministère britannique des Affaires étrangères en Macédoine du Nord, Bellingcat a publié un article à l’approche des élections parlementaires de 2020 dans le pays, intitulé « L’ingérence de la Russie en Macédoine du Nord ».
Plusieurs documents de Zinc Network citent Reuters comme membre du consortium d’intervention médiatique financé par le ministère britannique des Affaires étrangères dans les pays baltes.
Interrogée par The Grayzone sur la conformité de la participation de Reuters aux programmes financés par le ministère britannique des Affaires étrangères pour contrer la Russie avec les principes de confiance de l’organisation, la porte-parole Jenny Vereker a déclaré : « Ce financement soutient notre travail indépendant d’aide aux journalistes et au journalisme dans le monde entier, dans le cadre de notre mission de renforcement d’un écosystème médiatique mondial libre et dynamique pour soutenir une pluralité de voix et préserver la circulation d’informations exactes et indépendantes. En effet, une couverture de l’actualité précise et équilibrée est un pilier essentiel de toute société libre, équitable et informée ».
Ces dernières années, la BBC et Reuters ont joué un rôle de plus en plus agressif pour diaboliser les gouvernements des pays où Londres et Washington cherchent à obtenir un changement de régime. Pendant ce temps, des sites d’investigation en ligne très médiatisés comme Bellingcat ont vu le jour, apparemment du jour au lendemain, pour soutenir ces efforts.
Avec la publication des documents du ministère britannique des Affaires étrangères, il convient de se demander si ces estimés organismes de presse sont vraiment les entités journalistiques indépendantes et éthiques qu’elles prétendent être. Alors qu’elles dénoncent les États « autoritaires » et les activités malveillantes de la Russie, elles ont peu à dire sur les machinations des puissants gouvernements occidentaux dans leur entourage immédiat. Peut-être hésitent-elles à mordre la main qui les nourrit.
source : https://thegrayzone.com
traduit par Christelle Néant pour Donbass Insider
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International