« une perte de temps de quémander au Canada le droit de protéger adéquatement notre propre langue »
C’est en grande pompe que le Parti libéral du Canada (PLC) a présenté vendredi son plan pour secourir la langue française au Québec, à travers une rénovation de la Loi sur les langues officielles du Canada – un plan qui, aux dires de Mélanie Joly, «est inspiré de la loi 101». En faisant une telle annonce, le PLC cherchait probablement à montrer aux Québécois sa sensibilité pour la langue française en période préélectorale, ainsi qu’à couper l’herbe sous le pied de la CAQ, qui tarde depuis maintenant plus de deux ans à déposer un quelconque plan en la matière.
Pour se remettre en contexte, il importe de rappeler que la loi fédérale sur les langues officielles, qui était la pierre angulaire de la politique linguistique de Pierre Elliott Trudeau, a largement contribué au déclin du français au Canada depuis son adoption. En instaurant un régime de bilinguisme institutionnalisé qui, en théorie, donne une place égale au français et à l’anglais, on a en pratique instauré l’anglais comme langue commune du travail dans la fonction publique fédérale, le français n’ayant jamais été maîtrisé par la grande majorité des fonctionnaires anglophones.
Il faut également rappeler que l’origine de cette volonté récente de rénover la Loi sur les langues officielles est une demande du gouvernement du Québec d’appliquer la loi 101 aux entreprises à charte fédérale, demande qui a été rejetée par Ottawa. On se souviendra à ce titre que la CAQ avait organisé tout un battage médiatique autour d’une lettre ouverte d’acteurs du monde politique québécois demandant cette application de la loi 101. Cette lettre fut suivie d’une autre, signée par six ex-premiers ministres, réclamant la même chose.
À l’époque, le Parti Québécois avait refusé de participer à cette opération de communication, soulignant que c’était une perte de temps de quémander au Canada le droit de protéger adéquatement notre propre langue et que la CAQ devait cesser de pelleter par en avant ses propres responsabilités.
Or, la résultante de cette nouvelle tentative caquiste de «faire des gains» dans le Canada parle d’elle-même. La rénovation de la Loi sur les langues officielles proposée par le PLC vendredi n’a aucun lien avec la loi 101 et n’aura aucun impact substantiel sur le déclin du français au Québec. En promettant un droit de travailler en français, Mme Joly reprend essentiellement ce qui existait déjà dans la loi, soit un droit de travailler en français tout comme en anglais.
Une telle approche fondée sur les droits individuels n’établira pas le français comme langue du travail dans les compagnies à charte fédérale au Québec; elle ne fait que confirmer le régime actuel de deux langues sur un pied d’égalité. Or, parce que plusieurs anglophones et allophones n’apprennent pas le français et que la langue commune du reste du Canada est l’anglais, s’entêter à vouloir exercer son droit de travailler en français mène au plafonnement et à l’ostracisation professionnelle.
Lorsqu’aucun collègue ne parle français, c’est se donner le droit de travailler tout seul dans son bureau. C’est pour ça que toutes les rencontres dans la fonction publique fédérale débutent par «Good morning everyone, bonjour tout le monde», pour ensuite se dérouler exclusivement en anglais. C’est aussi pour ça que la loi 101 avait été adoptée par le Parti Québécois: la seule manière de garantir que le français est la langue commune au Québec est d’assurer qu’il est la langue d’usage incontournable de nos milieux de travail.
Le PLC joue donc au jeu de la CAQ, c’est-à-dire qu’il ne fait rien d’utile pour freiner le déclin du français au Québec, tout en multipliant les artifices et les déclarations pour laisser croire à la population qu’il s’en occupe. On retrouve certes dans ce que propose Mme Joly des améliorations pour les minorités francophones hors Québec et des concessions, comme le bilinguisme des juges de la Cour suprême. Mais, en ce qui concerne la situation du français au Québec, la CAQ aura de nouveau fait la démonstration que son fédéralisme promettant des gains dans le Canada est un échec cuisant et que si le Québec veut donner à la langue française une pérennité, il doit nécessairement avoir le pouvoir d’agir lui-même, hors de la tutelle canadienne.
Ce constat entraîne une seule avenue possible: l’indépendance du Québec.
Paul St-Pierre Plamondon
Chef du Parti Québécois
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