par Miko Peled.
Trois questions judiciaires ont fait les gros titres en Israël récemment, toutes trois de nature grave et susceptibles de servir le premier ministre Benjamin Netanyahou lors des élections à venir.
La première est l’audition du premier ministre mis en accusation début février concernant son procès en cours pour corruption. La seconde est l’annonce par la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) que les territoires qu’Israël occupe depuis 1967 sont sous sa juridiction, signifiant que de nombreux israéliens pourraient très bien faire l’objet d’enquêtes pour crimes de guerre. La troisième, c’est une décision judiciaire israélienne de janvier 2021 interdisant de projection le film de 2003 « Jenin, Jenin » du réalisateur et acteur palestinien Mohammad Bakri. Le film montre les atrocités commises par les forces des FDI dans le camp de réfugiés de Jénine au printemps 2002.
Toutes trois sont susceptibles de susciter de sérieuses préoccupations au sein des plus hauts échelons du gouvernement israélien.
Toutefois, alors même que ces procès se profilent à l’horizon pour lui, son gouvernement, et l’armée israélienne, et que des élections nationales approchent à grands pas, ces crises sont pour Netanyahou une aubaine.
S’inspirant de la méthode Trump, Netanyahou peut transformer chaque accusation de corruption en une attaque des progressistes, toute allégation de crimes de guerre, ou même de mauvaise conduite par les forces israéliennes, en une attaque des forces antisémites contre tous les Juifs.
Il n’y a que dans l’Israël de Netanyahou que tant de problèmes peuvent s’avérer être une bénédiction.
En effet, Netanyahou et ses partisans affirment que les accusations de corruption portées contre lui représentent une persécution du premier ministre par la presse progressiste et un système judiciaire partial. Il mène l’offensive pour attaquer la CPI et a déjà déclaré que la décision de la cour c’était l’antisémitisme qui relevait à nouveau sa sale tête.
Quant à « Jenin, Jenin », le film est universellement condamné en Israël et est qualifié de diffamatoire et totalement faux.
Quand vous vous appelait Benjamin Netanyahou, le meilleur joueur de cartes du casino de la politique israélienne – quand vous êtes celui qui est capable de relever le défi de tous les autres joueurs dans la salle, avec des décennies d’expérience – il n’y a rien de mieux qu’une bonne crise. Cela contribue à rassembler les gens autour de vous.
En fait, gérer les crises, c’est ce que Netanyahou fait de mieux.
Mise en examen ? Pas de problème !
Selon le Times of Israël, étant donné que l’affaire pour corruption de Netanyahou est dans le cycle des nouvelles depuis près de cinq ans, « toute retombée politique est déjà intégrée dans les opinions, réponses aux sondages, et calculs électoraux de tous les camps ».
En d’autres termes, tout le monde s’en fout, et les résultats électoraux n’en seront pas affectés de manière significative.
En outre, le Times affirme que beaucoup de partisans de Netanyahou « sont d’accord avec Netanyahou pour dire qu’il est injustement ciblé par des poursuites politiquement motivées ». Ceux qui ont le sentiment que les accusations de corruption sont fondées argumentent que « les avantages qu’il apporte en tant que dirigeant dépassent de loin les possibles malversations dénoncées dans l’acte accusation ».
En fait, les sondages cités par le Times montrent que « jusqu’à 54% des Israéliens pensent qu’il est le meilleur candidat au poste de premier ministre.
Conclure un pacte avec le diable
Lorsqu’il n’y a pas de crise, Netanyahou crée la sienne. Des tensions le long de la frontière syrienne, une menace de l’Iran, ou une guerre imminente contre Gaza sont les crises favorites habituelles et elles fonctionnent très bien.
Récemment Netanyahou et son parti Le Likoud ont signé un accord avec les éléments les plus à droite du spectre politique sioniste. Les pires fanatiques religieux néo fascistes d’Israël ont toujours été ses alliés naturels et il a maintenant conclu un accord officiel avec eux portant sur un partage des voix intitulé « voix excédentaires ».
Selon cet accord, « le Likoud a promis que Netanyahou inclurait des élus à la Knesset du Sionisme religieux dans “tout gouvernement qu’il formerait” ». Ce qui signifie qu’une fois les votes à la Knesset dépouillés et les sièges au Parlement israélien attribués, toutes les voix excédentaires seront partagées avec les fanatiques religieux militants de droite d’Israël.
Les accords de partage des voix excédentaires sont largement utilisés aux élections israéliennes et permettent aux partis de s’assurer que les voix excédentaires ne sont pas gaspillées. Au contraire, les partis les utilisent pour conclure des accords spéciaux avec d’autres partis.
Si l’accord de partage des voix a irrité de nombreuses personnes du centre et au sein de ce qu’on appelle parfois le centre-gauche de la politique israélienne, il montre une fois de plus que c’est Netanyahou qui mène la danse à son grès.
Si d’autres élus à la Knesset et même de son propre parti sont mécontents, et bien, ils sont libres d’aller voir ailleurs. Toutefois, vu qu’il n’y a nulle part ailleurs où aller, année après année et élection après élection, les membres de son parti viennent en courant vers lui, tout comme des membres d’autres partis.
Parmi les partis avec lesquels le Likoud de Netanyahou a signé un accord de partage des voix il y a le Parti sioniste religieux d’extrême droite et le parti ouvertement raciste « Otzma Yehudit, » ou Force juive.
Les membres de ces partis soutiennent une idéologie qui inclut l’expulsion des Palestiniens qui refusent de prêter allégeance à Israël et d’accepter un statut inférieur dans un État juif élargi. Certains membres de ces partis sont aussi favorables à une thérapie de conversion des personnes LGBT.
Ces partis sionistes religieux fanatiques représentent des gangs armés qui terrorisent ouvertement les Palestiniens partout dans le pays.
La décision de la Cour pénale internationale
Après des délibérations prolongées qui ont abouti à une décision historique, la Cour pénale internationale a statué qu’elle avait compétence sur les crimes de guerre commis par Israël en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza, et à Jérusalem-Est.
Cette décision ouvre la porte à de possibles poursuites pénales contre du personnel militaire israélien et potentiellement même contre des responsables gouvernementaux.
Netanyahou a qualifié la décision du tribunal international « de pur antisémitisme », accusation sans fondement qu’il s’est gardé de justifier. Le jugement porte sur des incidents précis dans lesquels l’armée israélienne était impliquée et n’a strictement rien à voir avec le peuple juif.
Après presque 20 ans, une décision judiciaire interdit le film « Jenin, Jenin »
Le tribunal d’instance central d’Israël a interdit la projection du film documentaire de 2003 « Jenin, Jenin » et ordonné la confiscation de toutes les copies du film dans le pays. De plus, la Cour a condamné le réalisateur du film, Mohammed Bakri à payer au lieutenant-colonel Nissim Magnagi, l’un des officiers de réserves qui aurait été présent pendant l’attaque contre le camp de réfugiés de Jénine et que l’on voit brièvement dans le film, 44 115 € de dédommagement en plus des 12 604 € de frais de justice.
Il faut se demander quel est l’intérêt d’interdire un film en 2021 alors qu’il a été tourné en 2003. Il n’y aucune projection publique du film et les seuls spectateurs qui le regardent le font en ligne – et cela ne peut bien sûr pas être interdit.
Il n’empêche que l’amende est un coup dur et il reste à voir ce qui se produira lorsque la décision sera portée en appel devant une instance supérieure.
Des trois affaires judiciaires évoquées ici, une seule concerne Netanyahou et elle n’affectera probablement pas ou peu ses chances de remporter les élections.
Les deux autres ne font que confirmer ce que l’électorat israélien croit déjà, à savoir que la Cour pénale internationale est antisémite et qu’un film réalisé par un Palestinien montrant les crimes de l’armée israélienne est nécessairement odieux, mensonger et diffamatoire, et le sens commun veut que Netanyahou sait mieux que quiconque comment traiter les antisémites.
L’électorat israélien est habitué aux deux crises et à la controverse concernant le premier ministre Benjamin Netanyahou. Les résultats des prochaines élections, tout comme ceux des trois précédentes, sont quasiment garantis de se prononcer en sa faveur.
source : https://www.mintpressnews.com
traduit par MJB – Chronique de Palestine
via https://www.chroniquepalestine.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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