« En France on n’a pas de pétrole mais on a des idées ! », proclamaient fièrement nos élites cupides et traitresses, (autrefois on disait compradores), au moment où le pétrodollar a remplacé le dollar-or, nous mettant complètement à la merci des Etats-Unis.
Macron, et les cabinets de conseil étasuniens grassement rémunérés avec notre argent, nous le prouvent à chaque minute depuis un an. Leur délire répressif est sans limite : confinement, attestations, couvre-feu, fermeture des restaurants, des cinémas et de tout ce qui fait la vie sociale, déluge de recommandations, d’interdictions et d’obligations aussi humiliantes que contradictoires et variées, tout cela assorti d’une vraie maltraitance des plus faibles, notamment des seniors et des enfants, et assaisonné d’amendes, en veux-tu en voilà…
Et pour que nous ne nous apercevions pas que le virus, « l’ennemi invisible », n’était pas si dangereux qu’ON nous l’a fait croire et ne justifiait nullement la destruction de secteurs entiers de notre économie, ni l’assignation à résidence de toute la population, ni aucune des mesures punitives qui nous ont été imposées – et sans doute aussi pour détourner notre attention de leurs magouilles – , voilà qu’ON nous désigne une flopée de nouveaux « ennemis intérieurs » : la France insoumise et les universitaires coupables d’islamo-gauchisme, le groupuscule anti-migrants Génération identitaire que personne ne connaissait avant que les médias et le gouvernement ne leur fasse de la publicité, et last but not least « les musulmans-pas-d’amalgame» à travers « le projet de loi confortant les principes républicains ». C’est quoi, au fait, les principes républicains ?
Résultat des courses, nous voilà enfermés chez nous, assiégés par la police et toute une panoplie d’ennemis visibles ou invisibles, sans aucune vie sociale, ni distractions, à part regarder à la TV les gesticulations des clowns tyranniques et capricieux qui s’arrogent sur nous un pouvoir de vie et de mort que même certains de leurs robots de l’Assemblée nationale dénoncent. Une situation d’autant plus frustrante que les Suédois, les Vietnamiens, les Madrilènes, les Monégasques, le Russes, et finalement la plus grande partie du monde, a le droit de vivre normalement..
Alors, comme ON s’est tout de même rendu compte que nous allions craquer, ON a décidé de nous donner un peu d’espoir… Pas en ouvrant la porte de notre prison, non, ce serait déraisonnable, ni même en nous promettant quelque allègement de peine, ce serait imprudent. Non, les génies que nous payons à prix d’or pour penser à notre place, ont eu de meilleures idées.
Emigrer sur Mars
L’expédition du rover Perseverance a remplacé pendant deux jours des spéculations d’experts plus ou moins vendus sur le prochain confinement, le prochain vaccin ou les prochaines brimades. Des experts qui, comme les Pharisiens de l’Evangile, imposent aux autres des fardeaux que, eux, ne portent pas.
NASA Perseverance Rover Lands on Mars. Source : Flickr.com
Tout heureux, donc, d’échapper aux médecins de Molière qui nous saignent aux quatre veines du matin au soir, nous avons laissé notre cœur battre au rythme de l’atterrissage de Perseverance. Tous unis dans la joie et la fierté de maîtriser les technologies du futur, à défaut de l’épidémie, nous avons lancé un cocorico en apprenant que l’« œil » laser du rover Perseverance était français !
Et quel soulagement de se dire qu’un jour, après avoir tout détruit sur terre, nous pourrions tranquillement nous réfugier sur Mars… ou sur la lune, puisque la Chine a posé, en 2016, la première brique d’une grande station spatiale, Tiangong-3, qui devrait être habitée à l’horizon 2022.
Seulement, comment survivre en attendant de contempler la terre dévastée depuis la lune ou Mars, quand toute la richesse et le pouvoir sont accaparés par une petite caste de milliardaires ? La santé insolente de la Bourse, sur fond d’Etat d’urgence à durée indéterminée et de destruction d’une grande partie de notre économie – notamment des indépendants -, a eu raison de nos dernières illusions sur notre démocratie et notre président. Comme dit Gaël Giraud, du moment que la Bourse va bien, Macron se fiche bien du reste, des morts, des vivants, des Français et de la France.
Dans le futur proche, ce qui nous attend c’est le sort des Grecs, car il faudra rembourser la dette, nous diront Macron, ses sosies et ses sbires. Les medias ne nous en parlent jamais, mais les chiffres sont éloquents. En plus du dépeçage de tous les biens publics de la Grèce, le plan d’austérité a entraîné « une hausse de 190 % du chômage, de 44 % des suicides et de 42 % de la mortalité infantile », selon Thomas Porchet.
« Depuis le début de la crise grecque, ajoute un rapport de 2015 de l’institut Hans Böckler, les impôts ont augmenté de 337 % pour les plus pauvres contre seulement 9 % pour les plus riches, et les 10 % les plus pauvres ont perdu en moyenne 86 % de leurs revenus, contre 17 à 20 % pour les 30 % les plus riches ».
Inutile de préciser que les Grecs ne peuvent plus se soigner, ni se chauffer, ni se nourrir. Cerise sur le gâteau, loin de faire baisser la dette, toutes ces « réformes » l’ont fait croitre de 36% ! Pour aboutir à ce glorieux résultat, il a suffi que l’Allemagne ordonne à la Banque centrale européenne (BCE) de cesser d’alimenter la Grèce en billets de banque. Privés de monnaie, les dirigeants grecs ont dû céder. Le peuple grec a eu beau se révolter, ça n’a rien changé.
Et dans un futur plus lointain, comme on ne pourra toujours pas partir en masse à la conquête de Mars ou de la lune, les milliardaires concocteront peut-être une guerre entre l’Occident, la Chine, la Russie ou l’Iran. Cela leur permettrait de se débarrasser, en même temps, d’une dette devenue irremboursable et d’un grand nombre de bouches inutiles, de bras improductifs et de consommateurs impécunieux, tout en continuant de s’enrichir.
La France, l’Italie et l’Espagne, les trois pays que les pays du nord de l’UE ont dans le collimateur, sont plus gros que la Grèce. Il ne sera pas possible de leur faire subir le même sort uniquement par la force et l’intimidation. Les technocrates infaillibles qui nous guident depuis les palais de la République se sont mis à cogiter. Cette fois c’est cette vieille fripouille libérale de Milton Friedman qui vient à leur rescousse, même si sa proposition d’impôt sur le revenu négatif n’a pas grand-chose à voir avec le Revenu universel.
Il n’est absolument pas question de recycler de vieilles molécules pour sauver la vie des Français, mais si de vieilles idées peuvent aider les riches à dépouiller les pauvres, ON ne va pas cracher dessus.
Distribuer un revenu universel
Revoilà donc le Revenu universel, revenu de base, revenu minimum garanti, allocation universelle, (toutes ces appellations recoupant l’idée que chacun a « droit » à vie à un revenu minimum d’existence), mais cette fois en fanfare, car la situation est grave.
Frédéric Taddei y consacre une émission : Pour ou contre le revenu de base ? et le site économique Xerfi-canal un article : Revenu universel ou hausse des salaires ?
Pour ou contre le revenu de base ?
Daniel Zamora, le seul qui ne soit pas pour le Revenu de base (RdB), s’est révélé le plus intéressant des invités de Taddei. Il est professeur de sociologie à l’Université Libre de Bruxelles et il travaille sur les conceptualisations de la pauvreté au XXe siècle, sur les inégalités et sur l’histoire moderne des idées. Il est clair qu’il a réfléchi à la question. C’est toujours rafraîchissant et stimulant, étant donné que la plupart des gens ne font que répéter des phrases toutes faîtes. Il avait deux objections principales au RdB :
La première c’est qu’il permet d’ignorer la question des inégalités et qu’il risque même de les creuser. En effet, non seulement les propriétaires capitalistes, déjà gavés d’argent public, vont toucher un RdB dont ils n’ont nul besoin, mais ON va en profiter pour supprimer les autres aides.
La seconde, c’est qu’il met de côté la question des services publics, des services non marchands, de la gratuité, bref de tout ce qui permet aux plus pauvres de vivre à peu près dignement. Selon Zamora, c’est plutôt là qu’il faudrait mettre de l’argent.
J’ajouterais que le RdB sera financé par l’impôt à la différence de la Sécurité sociale qui est financée par la cotisation sociale. La cotisation sociale est fléchée, c’est à dire qu’ON ne peut pas tout à coup décider que l’argent qui devait aller à la santé ira plutôt dans la poche des milliardaires, raison pour laquelle ON supprime progressivement la cotisation sociale pour la remplacer par l’impôt (CSG, CRDS). D’autre part, ON va profiter du RDB pour éradiquer, en plus de la pauvreté, « tout ce maquis de système d’allocations, d’aides sociales et (…) toutes ces administrations qui les gèrent, qui les contrôlent » comme disait Frédéric Lefebvre qui proposait déjà un RdB en novembre 2015.
Pour lui et pour tous les libéraux, les 500 à 1000€ remplaceront les autres aides. Certes, cela simplifiera les procédures, mais cette simplification, cette visibilité, permettra aux employeurs capitalistes de réduire les salaires au motif que les salariés touchent directement une partie de leur salaire de l’Etat . Ce sera en fin de compte une nouvelle subvention déguisée aux entreprises. C’est plutôt au maquis des subventions au Capital qu’ON devrait s’attaquer, mais ça n’est pas demain la veille…
La liste des expérimentations du Revenu universel est impressionnante. Il y en a eu dans près de 40 pays du monde. Les résultats ont presque toujours été satisfaisants en termes de pouvoir d’achat, évidemment, mais aussi en termes d’émancipation. Cependant, c’est, à mon avis, parce que cela ne touchait qu’un petit groupe de gens et donc cela ne permettait pas aux pouvoirs publics ni aux employeurs d’en profiter pour supprimer d’autres sources de revenus. Cela augmentait vraiment les revenus des gens, tandis que le RdB de Macron servira juste à opérer un transfert plus commode de la richesse nationale vers le Capital financiarisé.
Revenu universel ou hausse des salaires ?
Olivier Passet de xerfi-Canal pose une excellente question :
« Et si le dysfonctionnement principal de nos économies était la panne de la distribution primaire ? Autrement dit, une rétribution biaisée entre le travail et le capital. Si l’argent de dingue de nos systèmes sociaux et l’empilement des déficits publics n’étaient qu’un effet secondaire de cette distorsion ? »
Selon lui, on y est déjà au revenu de base : « la crise sanitaire a fait glisser Macron vers un système de revenu quasi-universel » financé par la dette.
On le sait, depuis les années 1980, sous l’effet d’un rapport de force en faveur de la Finance, la part de la richesse nationale dédiée aux travailleurs n’a cessé de se réduire au profit de celle des actionnaires internationaux. La consommation, la production, la croissance, bref tout ce qui fait la richesse en régime capitaliste, ont diminué drastiquement et l’Etat et les particuliers se sont endettés pour compenser. La dette privée a atteint 140% du PIB. Elle est encore plus élevée que la dette publique (120% du PIB).
Cette dette fait l’affaire des banquiers, qui touchent des intérêts et/ou des commissions, et des pouvoirs supra-nationaux qui s’en servent comme d’une épée de Damoclès pour imposer l’austérité et rançonner les populations et les nations avec la complicité de leurs élites compradores, d’autant qu’avec la déflation les intérêts sont devenus négatifs, ce qui n’empêche évidemment pas les banquiers de s’enrichir, mais c’est une autre histoire.
Tout le monde sait maintenant que, dans certains pays occidentaux comme la France, l’Italie, les Etats-Unis, la dette est si grosse qu’il est devenu impossible de la rembourser. Pour que le système, basé sur un fragile équilibre entre la confiance et le chantage, ne s’effondre pas, les Banques centrales se sont mises en 2015 à « racheter » les dettes nationales, en augmentant leurs bilans (un simple jeu d’écriture qui efface la dette « rachetée »), comme l’explique très bien Anice Lajnef, un ancien trader repenti.
Source de la photo : The Conversation
Olivier Passet préfère la solution de Biden : « Aux USA, Biden augmente le salaire minimum ». Cette politique a le mérite de s’attaquer « à la question de la distribution primaire. Ce qui constitue une rupture avec 45 ans de déclin du pouvoir d’achat du salaire minimum américain. » Le partage de la richesse produite se fait au moment de la répartition primaire, alors que le RdB, payé par l’impôt, est une distribution secondaire qu’on appelle d’ailleurs redistribution. Augmenter les salaires est plus sain et plus juste, car ce n’est pas une simple correction qui porte en elle ses limites et ses effets pervers. C’est un rééquilibrage du rapport de force entre l’employeur et le salarié, qui peut, en redonnant du pouvoir aux salariés, forcer l’appareil productif à se remettre en question et à s’améliorer, selon Passet.
Moi aussi, je préférerais des hausses de salaire à un revenu de base. Je serais ravie que les entreprises cessent d’être des citrons que des fonds vautours pressent pour en extraire toute la valeur financière avant de les jeter à la poubelle. Je serais enchantée qu’elles (re)deviennent des collectifs de travail où les salariés ont de plus en plus de pouvoir comme dans les trente glorieuses, jusqu’à fonctionner comme des Scops…
Hélas, le MEDEF et Macron ont mille raisons de préférer un RdB, payé par les contribuables, qui ne change rien à l’ordre existant, et qui rend les bénéficiaires dépendants et dociles.
Donc soyons réalistes et voyons si nous pouvons imaginer un dispositif inclusif qui ne soit pas perçu comme de la charité mais comme un outil d’émancipation et qui ne pourra pas être utilisé pour appauvrir encore davantage la population. Un dispositif qui serait un premier pas vers une sortie du capitalisme, tout en ne menaçant pas immédiatement le système ordo-libéral. La quadrature du cercle ? En fait, non, Frédéric Lutaud a imaginé un tel dispositif, voyez plutôt !
Le Premier niveau de salaire inconditionnel (PNSI)
Parmi les différentes propositions de Revenu universel, le PNSI est, à mon avis, la plus intéressante, car c’est justement davantage un salaire qu’un revenu. Ce serait en fait un salaire socialisé, à hauteur du SMIC, qui serait versé au moment de la répartition primaire, comme la cotisation sociale que l’URSSAF encaisse et qui est immédiatement reversé pour régler les salaires des soignants de l’hôpital, les pensions de retraités, les indemnités chômage ou maladie. De plus le PNSI ne serait pas cumulable avec les revenus existants. Tout le monde le toucherait à partir de 18 ans, sans condition, et il se substituerait à une partie (à hauteur du SMIC, donc) des revenus du travail.
Pourquoi premier niveau de salaire ? Parce que le PNSI se veut une première étape vers le Salaire à vie qui, lui, nécessite la sortie du capitalisme. Cela parait aujourd’hui utopique mais le capitalisme n’a pas toujours existé, ce n’est qu’un moment de l’histoire de l’humanité, et c’est un système si pervers, si destructeur, qu’il faudra bien s’en défaire pour instaurer, – allez, rêvons -, une société sans préteurs, sans actionnaires et sans employeurs.
Dans cette société idéale mais pas utopique, car elle a déjà existé et existe toujours à l’état embryonnaire dans certains pans de l’économie (ceux gérés par la sécu), la propriété lucrative (le droit de tirer profit d’un bien qu’on possède mais qu’on n’utilise pas) sera abandonnée au profit de la propriété d’usage (l’utilisation personnelle ou collective d’un bien personnel ou collectif).
Les investissements se feront grâce à des subventions, comme on l’a fait pour construire les CHU dans les années 1960.
La monnaie, au lieu d’être une monnaie-dette qui nous enchaîne comme aujourd’hui, sera une monnaie d’échange, une monnaie fondante (elle perdra de sa valeur chaque mois), pour assurer la prospérité de tous et non la richesse de quelques-uns à travers la spéculation. L’expérience de Wörgl a prouvé que cela marchait au-delà de toute espérance, avant que les banques n’obtiennent qu’il y soit mis fin, car l’usure est leur fonds de commerce.
Et les entreprises seront évidemment autogérées.
Il est vrai que le Système libéral est aujourd’hui si puissant et si complexe qu’il semble incontournable et même invincible. La situation paraît désespérée et nous avons l’impression de nous battre en pure perte. Mais ce colosse a des pieds d’argile comme l’URSS en son temps. On l’a vu avec la gestion du Covid-19 où nous avons manqué de tout, sauf de répression.
Il ne tient qu’à nous de prendre notre courage à deux mains et de faire mentir Ehrenberg, qui écrivait en 1998 : « Tant d’hommes fatigués ne peuvent qu’imaginer des problèmes futurs auxquels ils n’auront pas le force de réagir ». (Discours de rentrée d’un enseignant)
Dominique Muselet
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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