Par Mana Rabiee
Source : Reuters, 21 février 2021
Traduction : lecridespeuples.fr
NEW YORK (Reuters) – Des membres de la famille de Malcolm X ont rendue publique ce qu’ils ont décrit comme une lettre écrite par un policier décédé déclarant que le département de police de New York et le FBI étaient à l’origine du meurtre en 1965 du célèbre activiste noir et défenseur des droits civiques.
Malcolm X était un orateur puissant qui s’est fait connaître en tant que porte-parole national de la Nation of Islam, un groupe musulman afro-américain qui a épousé le séparatisme noir. Il a passé plus d’une décennie avec le groupe avant de devenir désillusionné et de rompre publiquement avec lui en 1964. Après son pèlerinage à La Mecque, il a modéré certaines de ses vues antérieures sur la nécessité de la séparation raciale et s’est converti à l’Islam traditionnel, adoptant le nom de Hajj Malik al-Shabazz.
Il a été tué dans la salle de bal Audubon d’Harlem, à New York, alors qu’il se préparait à prononcer un discours. Trois membres de la Nation of Islam ont été condamnés pour la fusillade.
La lettre publiée lors d’une conférence de presse samedi a été attribuée à un ancien officier infiltré du NYPD nommé Raymond Wood. Son cousin Reggie Wood a rejoint certaines des filles de Malcolm X à la conférence de presse, qui s’est tenue sur l’ancien site de la salle de bal Audubon, pour rendre la lettre publique.
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La lettre de Raymond Wood indiquait qu’il avait subi des pressions de la part de ses supérieurs du NYPD pour inciter deux membres du service de sécurité de Malcolm X à commettre des crimes qui ont abouti à leur arrestation quelques jours à peine avant la fusillade mortelle. Ces arrestations ont empêché les deux hommes de gérer la sécurité des portes de la salle de bal et faisaient partie d’un complot ourdi par le NYPD et le FBI pour faire assassiner Malcolm, selon la lettre.
« Sous la direction de mes supérieurs, on m’a dit d’encourager les dirigeants et les membres des groupes de défense des droits civiques à commettre des actes criminels », a déclaré la lettre de Wood.
Certains historiens et universitaires ont soutenu que les hommes condamnés n’étaient pas les véritables responsables. Le bureau du procureur du district de Manhattan, Cy Vance, a déclaré l’année dernière qu’il réexaminerait les condamnations dans cette affaire.
Suite à la conférence de presse de samedi, le bureau de Vance a publié une déclaration disant que son « examen de cette question est actif et en cours ». Le NYPD a déclaré dans une déclaration distincte qu’il avait « fourni tous les documents disponibles concernant cette affaire au procureur de district » et « restait déterminé à aider de quelque manière que ce soit à cet examen ».
Le FBI a refusé de commenter la question.
La fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, a déclaré qu’elle avait toujours vécu dans l’incertitude quant aux circonstances de la mort de son père.
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« Toute preuve permettant de mieux comprendre la vérité derrière cette terrible tragédie doit faire l’objet d’une enquête approfondie », a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse.
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Lettre de Malcolm X envoyée depuis La Mecque, après son pèlerinage
Source : lecridespeuples.fr / desdomesetdesminarets.fr
« La Mecque, Arabie Saoudite – 26 avril 1964
Je viens de terminer mon pèlerinage (Hajj) ici dans la ville sainte de La Mecque, la ville la plus sainte de la terre, sur laquelle il est absolument interdit aux non-musulmans de ne poser ne serait-ce que les yeux. Ce pèlerinage est l’événement le plus important dans la vie de tous les musulmans, et il y en a plus de 226 000 qui sont ici en ce moment et qui viennent d’en dehors de l’Arabie. De Turquie est venue la plus grande cohorte, environ 50 000 personnes dans plus de 600 bus. Cela réfute la propagande occidentale selon laquelle la Turquie se détournerait de l’Islam.
Je connais seulement deux autres personnes qui ont fait le Hajj à La Mecque depuis l’Amérique, et tous deux viennent des Indes occidentales, et sont également convertis à l’Islam. M. Elijah Muhammad, deux de ses fils et deux de ses disciples ont visité La Mecque en dehors de la saison du Hajj, et leur visite est connue sous le nom de ‘Omra’, ou petit pèlerinage. C’est considéré comme une bénédiction dans le monde musulman même de faire l’Omra. Je doute fort que 10 citoyens américains aient déjà visité La Mecque, et je crois que je pourrais être le premier Noir né aux États-Unis à faire le Hajj lui-même. Je ne dis pas cela pour me vanter, mais seulement pour souligner à quel point c’est un accomplissement et une bénédiction merveilleux, et aussi pour vous permettre d’être dans une meilleure position intellectuellement pour l’évaluer dans sa juste lumière : alors seulement votre propre intelligence pourra l’estimer à sa juste valeur.
Ce pèlerinage dans la plus sainte des villes a été une expérience unique pour moi, mais qui a fait de moi le destinataire de nombreuses bénédictions inattendues au-delà de mes rêves les plus fous.
Peu de temps après mon arrivée à Djeddah, je fus rencontré par le prince Muhammed Faisal qui m’informa que son illustre père, Son Excellence le prince couronné Faisal avait décrété que je sois l’hôte du souverain d’Arabie. Ce qui s’est passé depuis lors nécessiterait la description de plusieurs livres, mais grâce à Son Excellence, j’ai depuis séjourné dans des hôtels à Jeddah, La Mecque, Mina, avec une voiture privée, un chauffeur, un guide religieux, et de nombreux serviteurs à ma disposition.
Jamais je n’ai connu d’hospitalité aussi sincère ni de fraternité aussi bouleversante que celles des hommes et des femmes de toutes races réunis sur cette vieille Terre Sainte, patrie d’Abraham, de Mohamed et des autres Prophètes des Saintes Écritures. Durant toute la semaine qui vient de passer, j’ai été à la fois interdit et charmé par la bonté et la gentillesse déployées, autour de moi, par des personnes de toutes les couleurs.
J’ai eu la chance de visiter la cité sainte de la Mecque ; j’ai fait sept fois le tour de la Ka’aba, guidé par un jeune nommé Mohammed ; j’ai bu l’eau du puits de Zam-Zam ; j’ai fait sept fois l’aller-retour, en courant, entre les collines de Safa et Marwa. J’ai prié dans l’ancienne cité de Mina et j’ai prié sur le Mont Arafat.
Il y avait des dizaines de milliers de pèlerins, qui étaient venus de partout à travers le monde. Ils étaient de toutes les races : il y avait des blonds aux yeux bleus et des Noirs africains. Mais nous nous soumettions tous aux mêmes rituels, dans un esprit d’unité et de fraternité que mes expériences, aux États-Unis, m’avaient amené à croire impossible entre un Blanc et un Noir.
L’Amérique a besoin de comprendre l’Islam, parce que c’est la seule religion qui ignore le racisme. À travers mes voyages dans le monde musulman, j’ai rencontré, discuté et même mangé avec des gens que nous aurions considéré comme des Blancs, aux Etats-Unis – mais la mentalité du Blanc était absente de leur esprit et avait été remplacée par l’Islam. Jamais auparavant je n’avais vu une telle fraternité réunissant des gens de toutes les races.
Peut-être serez-vous renversés par ces mots, surtout venant de moi. Mais ce que j’ai vu et vécu au cours de ce pèlerinage m’a obligé à réviser certaines idées qui étaient les miennes, à rejeter certaines conclusions auxquelles j’étais parvenu. Cela n’a d’ailleurs pas été très difficile. Car en dépit de mes fermes convictions, j’ai toujours été un homme qui sait faire face à la réalité et qui l’accepte, qui aime vivre de nouvelles expériences et apprendre de nouvelles choses. J’ai toujours gardé un esprit ouvert, ce qui est nécessaire à une flexibilité qui va de pair avec toute quête intelligente de la vérité.
Au cours de mes onze derniers jours, ici, dans le monde musulman, j’ai mangé dans le même plat, bu dans le même verre, dormi sur le même tapis et prié le même Dieu que mes frères musulmans aux yeux les plus bleus, aux cheveux les plus blonds et à la peau la plus blanche qui soient. Dans leurs paroles comme dans leurs actes, les musulmans “blancs” sont aussi sincères que les musulmans « noirs » d’Afrique, qu’ils soient du Nigéria, du Soudan ou du Ghana. Nous sommes véritablement frères. Parce qu’ils croient en un seul Dieu, ils excluent de leur esprit, de leurs actes et de leurs comportements toutes considérations raciales.
J’ai pensé, en les voyant, que si les Blancs américains admettaient l’Unicité de Dieu, ils pourraient peut-être admettre également l’unicité de l’homme et ils cesseraient de s’affronter, de nuire à autrui pour des raisons de couleur.
Le racisme étant le véritable cancer de l’Amérique, nos “chrétiens” blancs devraient se pencher sur la solution islamique du problème ; solution qui a fait ses preuves, et qui pourrait peut-être intervenir à temps pour sauver l’Amérique d’une catastrophe imminente – celle-là même qui s’est abattue sur l’Allemagne raciste et qui a fini par détruire les Allemands eux-mêmes.
Chaque heure passée ici en Terre Sainte m’a permis de mieux comprendre le problème racial des États-Unis. On ne saurait blâmer le Noir pour son agressivité dans ce domaine : il ne fait que réagir à quatre siècles de racisme conscient de la part des Blancs. Mais si le racisme mène l’Amérique au suicide, je crois que les jeunes Blancs de la nouvelle génération, ceux des universités, verront ce qui crève les yeux, et que nombre d’entre eux opteront pour la vérité spirituelle. C’est le seul moyen qu’ait encore l’Amérique d’éviter le désastre auquel mène inévitablement le racisme.
Jamais je n’ai été honoré comme ici. Jamais je ne me suis senti plus humble et plus digne. Qui aurait cru qu’un simple Noir américain serait comblé de tant de bénédictions. Il y a quelques nuits de cela, un homme que l’on aurait appelé un “homme blanc”, aux Etats-Unis, un diplomate de l’ONU, un ambassadeur, un ami des rois, m’a gracieusement cédé sa suite à l’hôtel, m’a donné son lit pour la nuit. Jamais je n’aurais même rêvé d’être l’objet d’un pareil honneur, d’un honneur qui, aux Etats-Unis, aurait été réservé à un roi, et non à un Noir.
Louanges à Dieu, le Seigneur des mondes ! »
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