Les deux premiers sont bien connus. Définition du troisième : une idée séparée de tout contexte et prête à se fixer sur la première émotion venue. Elle devient alors virale. Ces trois virus, liés les uns aux autres, ne sont-ils pas ce qui caractérise le mieux l’esprit du temps présent?
Par Jacques Dufresne − Le 19 février 2021 − Source L’agora
Beau sujet de réflexion pour les philosophes des sciences et les historiens des mentalités. Les trois virus marquent le triomphe en divers domaines de ce qu’on appelle en médecine l’étiologie spécifique, mot savant devenu viral suite aux travaux de Pasteur sur les microbes. Ces travaux confirmaient l’hypothèse selon laquelle la maladie a pour cause un agent infectieux extérieur microscopique plutôt qu’un déséquilibre à l’intérieur de l’organisme, appelé terrain dans ce contexte. Une telle théorie mettait hors de cause les modes de vie et la responsabilité, personnelle et communautaire, comme causes de la maladie. Elle ouvrait ainsi la porte à une médecine axée sur les vaccins et les médicaments en général par opposition à une approche holistique apparentée à celle d’Hippocrate.
Dans le cas de la COVID-19, cette approche aurait consisté à purifier l’air des CHSLD, ce qu’on tente de faire maintenant, à aider les malades à faire de l’exercice, à mieux les nourrir, à renforcer leur désir de vivre par mille petits soins, attentions et marques d’amour. Cela leur aurait donné à la fois des raisons de vivre et des raisons de mourir.
Il faut rappeler que Pasteur lui-même reconnaissait l’importance du terrain, ce qui expliquait à ses yeux pourquoi le microbe avait des effets variant d’un individu à l’autre. C’est toutefois la thèse de l’étiologie spécifique qui a prévalu en médecine, pour une foule de raisons dont nous ne pouvons pas rendre compte ici. Notons seulement que cette approche favorisait aussi le pouvoir médical et l’industrie pharmaceutique en particulier. Plus fondamentalement elle allait dans le sens d’un glissement du vivant autonome vers la machine hétéronome.
Arrêtons-nous à l’essentiel: l’organisme, nous l’appellerons désormais le système, est bon et hors de cause, le mal vient de la petite bête extérieure. Même préjugé favorable à propos du système de santé : c’est l’afflux subit et imprévu d’individus malades qui le déstabilise et non la surmédicalisation. On voit les choses de la même manière en informatique : le système est bon, ce sont les virus qui le paralysent et pour le guérir on fait appel au docteur Norton et autres fabricants de vaccins contre les virus informatiques. Les personnes tenues responsables de la diffusion du virus sont démonisées comme dans le cas de la pandémie.
On voit déjà le lien avec le virus idéologique. Là aussi, le système est bon. Le système démocratique américain, par exemple, est particulièrement bon : c’est le méga virus Trump et ses petits virus diffusés sur Twitter qui le mettent à mal. Dans ce pays, le système social est, cela va de soi, excellent : à défaut de pouvoir vacciner contre la révolte et l’agressivité les individus viraux qui le menacent de l’extérieur, on les met en quarantaine dans les prisons. Le système universitaire y est de premier ordre également. Les extrémistes de gauche qui le dénaturent en ce moment, ne sont pas ses produits, ce sont des agents infectieux venus d’on ne sait où.
De cette vue d’ensemble, si sommaire soit-elle, se dégage une thèse simple : le mal n’est pas à l’intérieur de chacun de nous et par suite dans les sociétés que nous formons en nous rassemblant, il est dans des terroristes viraux. Nous nous croyons alors dispensés de le combattre par une conversion intérieure libre et exigeante et, pour en triompher, nous misons sur le dépistage et l’éradication de l’ennemi extérieur, au prix d’une surveillance et d‘un contrôle accrus de la part de tous les systèmes. La pandémie nous permet de voir comment les systèmes sanitaire, informatique, politique, économique et technicien coopèrent dans ce but. Au détriment de la liberté…et de l’écosystème mondial, c’est-à-dire de la Vie, dans un infantilisme qui nous empêche de renoncer à nos véhicules récréatifs pollueurs. Voici un totalitarisme devant lequel nous sommes de plus en plus impuissants parce que, comme il est universel, il nous est aussi de plus en plus difficile d’en prendre conscience et de lui opposer une résistance digne de ce nom.
Jacques Dufresne
Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone