par Jonathan Frickert.
Les élus demandent la mise en place d’un encadrement constitutionnel du recours à l’état d’urgence.
Marine Le Pen accusée d’être « dans la mollesse », polémique sur « l’islamogauchisme » à l’université… À 14 mois de la prochaine élection présidentielle, le gouvernement joue un jeu dangereux. En droitisant son discours, la macronie tente de couper l’herbe sous le pied d’un potentiel candidat de droite en occupant le terrain régalien. Une stratégie qui risque fort de libérer l’espace à gauche de la majorité dont les prévisions électorales sont loin d’être encourageantes.
Prémisse de ce réveil : une initiative salutaire prise par une poignée de députés issus de l’aile gauche de la majorité. Dix députés ont ainsi demandé ce jeudi au premier ministre d’en finir avec l’état d’urgence sanitaire. Un appel bienvenu qui pourrait bel et bien amener retour des libertés perdues.
Un prolongement qui ne passe pas
Ils étaient dix. Menés par le vice-président de l’Assemblée nationale Hugues Renson, membre d’En Commun, parti écologiste cofondé en avril dernier par l’actuelle ministre de la Transition écologique, dix députés de la majorité ont écrit ce jeudi 18 février au premier ministre Jean Castex afin que le gouvernement mette fin à l’état d’urgence sanitaire. Une lettre qui fait suite à la loi du 15 février dernier prolongeant cet état d’exception jusqu’au 1er juin et sixième texte voté dans ce sens depuis mars 2020.
Votée du bout des lèvres par des parlementaires frappés d’une ostensible résignation, cette dernière prolongation fait suite à près d’une année de mesures.
Un an d’état d’exception
Cette année 2020 aura en effet montré l’inventivité du législateur lorsqu’il s’agit de restreindre les libertés. Outre la question sécuritaire avec les très décriés projets de lois sur la sécurité globale et sur le séparatisme, la crise sanitaire aura permis au gouvernement de restreindre quatre libertés fondamentales majeures : circulation, travail, enseignement et culte.
Toute crise est un moyen pour la puissance étatique d’accroître son emprise sur les individus. La crise sanitaire n’y a donc pas fait exception, au point que l’état d’urgence sanitaire a manqué d’entrer dans le droit commun à la veille des fêtes de fin d’année avant que la levée de boucliers des réseaux sociaux ne contraigne le gouvernement à reculer en seulement quelques heures.
Malgré ce sursis accordé aux Français, l’Hexagone vit toujours aujourd’hui sous un confinement qui ne dit pas son nom. Outre l’état d’urgence sanitaire prolongé jusqu’au 1er juin, ce que nous connaissons sous le terme de couvre-feu n’est rien d’autre qu’un confinement nocturne.
Une situation dont les députés En Commun rappellent à très juste titre qu’elle dénature notre démocratie.
À cette fin, les élus en appellent à un encadrement constitutionnel plus strict des recours à l’état d’urgence.
Vers une caducité automatique
Conscients de cette difficulté, les élus demandent la mise en place d’un encadrement constitutionnel du recours à l’état d’urgence. Un encadrement essentiellement temporel visant à limiter la durée de ce dispositif.
Fait intéressant : la lettre propose une caducité automatique de l’état d’urgence. Cette proposition de bon sens est déjà appliquée en France pour certains contrats et de plans d’urbanisme, mais gagnerait à être généralisée afin d’en finir non seulement avec la question de l’état d’exception, mais plus globalement avec l’inflation législative bien connue dont est gangrené l’Hexagone.
Le manifeste des 300 jours
Ces propositions s’inscrivent dans un sentiment général de lassitude des Français que tout élu un minimum connecté à sa circonscription constatera de lui-même. Les signataires de la lettre envoyée ce jeudi au premier ministre en sont particulièrement conscients, ces derniers en appelant à un bilan de ce qu’ils dénoncent à juste titre comme « 300 jours d’état d’exception ».
Si la formule fait fi des nombreuses lois liberticides votées ces dernières années ayant fait entrer dans notre droit commun des mesures d’exception de plus en plus restrictives, la lettre adressée à Matignon reste rafraîchissante dans une actualité politique où la liberté est souvent mise au second plan.
La révolution introuvable
Coup de grâce porté au président de la République : le texte rappelle enfin les propos de celui qui n’était encore que candidat à la magistrature suprême. Dans son livre phare, « Révolution », paru fin 2016, Emmanuel Macron appelait à la fin de l’état d’urgence antiterroriste.
Selon le futur chef de l’État, le régime mis en place après la vague d’attentats de 2015 ne saurait devenir une norme. « Il faut donc revenir au droit commun tel qu’il a été renforcé par le législateur et agir avec les bons instruments » estimait-il alors à l’époque, témoignant d’une volonté de ne pas se complaire dans un arbitraire qui l’emporterait par prescription.
Fait tristement ironique : une grande partie des mesures de cet état d’exception sont entrées dans le droit commun moins de six mois après l’entrée d’Emmanuel Macron à l’Élysée…
Ne pas mordre la main qui vous a nourri
Il y a dix jours, une première initiative d’une quinzaine de députés déjà emmenés par Hugues Renson appelait à un virage dans la politique du gouvernement, cette fois non pas vers plus de liberté, mais vers plus d’égalité. Salué par l’exécutif, le texte aura donc donné des ailes à cette frange oubliée de la majorité.
Si Emmanuel Macron semble gouverner aujourd’hui à droite, il ne doit pas oublier qu’il doit son élection aux transfuges de la hollandie dont il est lui-même issu.
Un rappel qui peut prendre des formes étonnantes et qu’il est difficile de ne pas saluer tant le petit groupe d’élus semble avoir pris en compte l’aspiration des Français à une liberté cadenassée depuis bientôt un an.
source : https://www.contrepoints.org
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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