Il ne fait pas bon vivre au Mont-Dore! La troisième ville de Nouvelle-Calédonie est en proie à l’insécurité et à de violentes manifestations, provoquées par le rachat de l’usine de nickel et le débat sur l’indépendance. Un habitant nous livre un témoignage glaçant.
Le 17 février, les indépendantistes prenaient le contrôle de l’exécutif en Nouvelle-Calédonie. Une première depuis l’accord de Nouméa en 1998, qui pourrait préparer les esprits en vue du troisième référendum sur l’indépendance d’ici à 2022. Depuis décembre, le Caillou est confronté à de fortes tensions autour de la vente de l’usine de nickel Vale, l’une des principales raisons de la démission des indépendantistes provoquant de facto le 2 février la chute du gouvernement collégial à majorité loyaliste. L’alliance avec le parti charnière l’Éveil océanien (EO) a permis aux deux listes indépendantistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) d’être majoritaires au gouvernement de l’île, en remportant six sièges sur 11.
Un événement historique
La prise du pouvoir par les indépendantistes «est très importante», a confié à Sputnik un habitant de la Nouvelle Calédonie, qui a préféré rester anonyme. Se qualifiant de «Calédonien blanc de troisième génération», il réfute cependant tout clivage idéologique: «Je ne suis pas encarté.» Celui-ci est très partagé, «mon cœur est pour l’indépendance» contrairement à sa «tête»:
«Je me suis battu depuis les années 1980 pour le vivre-ensemble, ce que le premier référendum a détruit. Je ne sais pas comment me situer. J’essaie de participer à toutes les formes de vie. Ici, on vit très bien ensemble. Il n’y a que les politiques qui sèment le trouble. Entre nous, dans notre famille, on a des Tahitiens, du Breton, du Kanak, du Japonais, le vivre-ensemble on le pratique tous les jours. Ensuite, c’est la politique qui nous divise, c’est le référendum.»
Mais il déplore la flambée de violences, constatant une atmosphère similaire aux «évènements des années 1984». À l’époque, l’archipel avait vécu une quasi-guerre civile, avec un bilan de 90 morts. Point d’orgue de ces heurts, la sanglante prise d’otages d’Ouvéa en 1988. La cause des violences actuelles? Le rachat du site industriel stratégique du brésilien Vale par un consortium où figure le géant suisse Trafigura, initialement prévu le 12 février. Envahie le 10 décembre par des émeutiers partisans de l’indépendance, l’usine employant 3000 salariés est toujours à l’arrêt et sous protection des forces de l’ordre.
«Nous sommes dans une zone de non-droit»
«Des choses se sont produites ces dernières semaines, ça a été terrible. Les gens avaient des fusils dans les mains, il y a eu des coups de feu», témoigne notre interlocuteur. La commune où il réside, le Mont-Dore, est la troisième ville du Caillou. Elle subit le phénomène de plein fouet. «Nous sommes dans une zone de non-droit» et «on vit avec la peur au ventre» souligne-t-il, amer, en évoquant une portion de route «bloquée régulièrement» par des manifestants.
«Avant de traverser le mauvais passage, certains parents couchent leurs enfants à l’arrière des voitures et les dissimulent sous une couverture. Il y a même eu des assassinats. Plein de choses se sont produites sur cette route. La situation est dramatique. Cette zone est complètement ruinée. Nos habitations ne valent plus rien», se désespère notre témoin.
Les riverains dénoncent avec virulence un climat d’intimidations, de vols et d’exactions. Ils ne supportent plus d’être pris en otage par le dossier politique du rachat de l’usine et d’être abandonnés par les autorités, explique la chaîne La Première. Des locaux souhaitent même organiser des rondes de surveillance dans certains quartiers. Ce sentiment d’insécurité s’est traduit dans les faits en 2020 avec une augmentation de 23,8% du nombre de victimes de coups et blessures volontaires sur tout le territoire, par rapport à 2019. «Pour nous, l’État joue un rôle extrêmement trouble», accuse l’habitant du Mont-Dore, évoquant le chiffre de quatre gendarmes pour veiller sur 15.000 personnes. «On n’a pas du tout de présence de la gendarmerie», sur le terrain. Il regrette l’absence d’ordres venus de plus haut. Il déplore également la différence de statut, entre les citoyens de «droit commun» et ceux de «droit coutumier»:
«C’est un climat de terreur que l’on vit. Autant nous ne sommes pas des gens à avoir peur, mais il y a des moments où ça devient très compliqué.»
La politique serait donc la source de ces violences. Notre correspondant se montre ainsi pessimiste sur l’organisation du prochain référendum, «une catastrophe» qui ne provoque que «du clivage et un repli communautaire». «La dernière fois, on a été très limite» renchérit-il à propos du second référendum, tenu le 4 octobre 2020. Là, les loyalistes l’avaient emporté avec 53,26% des suffrages. Dans un entretien accordé à Sputnik début février, Bastien Vandendyck, spécialiste de la géopolitique du Pacifique au sein du cabinet de conseil Vae Solis, estimait que «si la situation venait à empirer, il est évident que l’État devra s’investir encore plus». N’est-ce pas déjà le moment de réagir?
Source: Lire l'article complet de Réseau International