par Dmitri Kovalevitch.
Le mercredi 17 février, malgré le froid intense, les cheminots ukrainiens sont venus à Kiev pour manifester. Ils ont protesté contre les réductions de personnel et de salaire. Les cheminots ukrainiens disent que beaucoup d’entre eux sont obligés de travailler dans le froid et la chaleur pour 4 000 hryvnias (environ 119 euros). Dans le même temps, la direction d’Ukrzaliznytsia (UZ) s’attribue des primes et des salaires faramineux.
Le nom officiel de l’action de protestation est : « Attaque de l’administration contre les droits du travail et les garanties sociales des cheminots – résistance résolue des syndicats ».
Selon diverses sources, environ 500 personnes ont participé à la manifestation. Ils ont érigé une estrade près du cabinet des ministres, exigeant la démission du président du conseil d’administration d’Ukrzaliznytsia, Volodymyr Jmak, qui a récemment déclaré que son salaire était de 625 000 hryvnias (18 550 euros) par mois, se plaignant qu’il était « inférieur au niveau du marché pour son poste ».
Les manifestants ont tenu des pancartes avec des inscriptions : « Pour le bien-être du travailleur », « Arrêtons la politique du travail à bas prix », « Ne permettons pas que les droits syndicaux soient ignorés », « Arrêtons l’attaque contre les droits du travail », « Non à la réduction de 120 000 postes de cheminots », « Cabinet, examine le plan financier d’Ukrzaliznytsia ».
Les cheminots ukrainiens sont payés des kopecks
Les manifestants ont exprimé une indignation particulière face aux salaires exorbitants de la direction d’UZ et du conseil de surveillance dans un contexte d’infrastructures ferroviaires en ruine et de salaires qui, selon les participants, sont même insuffisants pour payer le chauffage et l’électricité.
Selon l’un des manifestants, un cheminot chargé d’assembler les trains, qui travaille par temps chaud et froid sur un wagon, reçoit environ 4 000 hryvnias (119 euros) « net » par mois, alors que la direction et le conseil de surveillance se vantent ouvertement de salaires de 300-600 000 hryvnias (8 900 à 17 800 euros).
L’année dernière, par exemple, le département d’Ukrzaliznytsia, qui est responsable des relations avec les autorités de l’État, était dirigé par Dmitro Romaniouk d’Ivano-Frankovsk avec un salaire de 300 000 hryvnias (8 900 euros). Sa seule réussite connue est qu’en 2004, alors qu’il était étudiant en première année, il a lancé des œufs sur le candidat à la présidence Viktor Ianoukovitch.
Selon les manifestants, les salaires dans ce secteur sont bas, les travailleurs sont privés de pratiquement tous les avantages sociaux, tandis que les étrangers dont les salaires énormes ne sont justifiés par rien sont mis à des postes de direction. Les manifestants affirment que 30 000 travailleurs pourraient être bientôt licenciés. Des licenciements massifs ont d’ailleurs déjà commencé.
« Ils ne renouvellent pas les contrats de travail des gens. Il y a ainsi environ 20 000 contrats « suspendus » rien que pour les conducteurs », explique Alexandre Skiba, représentant du Syndicat libre d’Ukraine.
Selon Vadim Boubniak, président du syndicat des cheminots et des travailleurs de la construction de transports ukrainiens, lors d’une conférence de presse le 16 février, les employés des branches et des subdivisions structurelles d’Ukrzaliznytsia sont constamment exposés à la réduction de postes et reçoivent de faibles salaires.
Boubniak a également déclaré que les syndicats s’étaient tournés vers la Fédération européenne des travailleurs des transports, la Confédération internationale des syndicats de cheminots et de travailleurs de la construction de transports et l’Organisation internationale du travail en quête de solidarité.
Début février, les employés des chemins de fer de Lvov ont déclaré qu’ils étaient prêts pour une « grève italienne » (les gens viennent au travail mais ne travaillent pas) en raison des bas salaires et d’une récente ordonnance de la direction d’Ukrzaliznytsia de reporter les dépenses pour l’amélioration de la santé, les traitements et d’autres engagements sociaux.
En août 2020, les cheminots ukrainiens ont déjà protesté sous les fenêtres du ministère de l’Infrastructure. Ils ont ensuite exigé le licenciement de la direction d’Ukrzaliznytsia, l’augmentation des salaires et l’arrêt du processus de liquidation des établissements médicaux des chemins de fer, qui ont leur propre système de prévention et de traitement des maladies professionnelles des cheminots. Cependant, comme on peut le constater, il n’y a pas eu de changement, si ce n’est le renouvellement des directeurs.
En 2019, l’équipe de Zelensky a promis de mettre de l’ordre, d’offrir des conditions de travail décentes et de « faire d’Ukrzaliznytsia la première entreprise d’État et la locomotive de l’économie ukrainienne ». Aujourd’hui, sur fond de manifestations, des membres de l’équipe de Zelensky, faisant état des réalisations de l’Euromaidan lors du forum « Ukraine 30 », mentent ouvertement, déclarant que depuis 2014, le revenu des Ukrainiens a été multiplié par 4.
De la ferraille sur roues
Une vidéo montrant un conducteur faisant brûler du papier pour réchauffer la vitre gelée d’une locomotive, afin qu’il puisse d’une certaine manière voir la voie devant lui et les signaux du sémaphore, a récemment été publiée sur la page Facebook du « Forum du cheminot ».
« C’est la situation actuelle dans les cabines des locomotives qui n’ont pas de chauffe-vitre. C’est comme ça qu’on dégèle les vitres, parce que la visibilité… tu vois… c’est la visibilité du conducteur adjoint… on ne voit rien du tout… la croûte de glace… le conducteur dégèle le pare-brise, au moins une petite partie de la vitre… pour que tu puisses voir les signaux… alors, Jmak, les cheminots ne méritent pas d’augmentation de salaire ? Et il y a une question pour la direction – pourquoi n’y a-t-il pas de chauffe-vitres ? Pourquoi ces équipes de locomotives doivent-elles tant souffrir ? », dit l’assistant du chauffeur dans la vidéo.
D’autres cheminots présents au forum affirment qu’ils doivent littéralement voyager sur une roue.
Selon les données de l’année dernière de la commission des transports de la Verkhovna Rada, la dépréciation du matériel roulant d’Ukrzaliznytsia a dépassé 95 %. Aujourd’hui, la compagnie utilise de vieux trains de type soviétique, qui ne sont pas équipés de dispositifs techniques modernes. La majeure partie des locomotives est bonne à mettre au rebut, car la durée de vie des trains a expiré depuis longtemps – de 30 à 53 ans.
Une des solutions « budgétaires » proposée par les syndicats des chemins de fer pour régler le problème, est qu’à défaut de renouvellement du parc, du moins la fabrication des pièces détachées soit faite par des entreprises internes au groupe Ukrzaliznytsia, au lieu de leur achat à des prix exorbitants auprès d’intermédiaires, alors que pour le prix d’un wagon complet on ne peut acheter qu’une vis.
Avec un tel niveau de corruption chez UZ, vous pouvez augmenter les financements autant que vous le voulez et multiplier les prix par au moins cent, alors que des millions et des milliards peuvent être dépensés pour l’achat de centaines de gobelets en plastique et la consultation « d’experts » sur l’augmentation des salaires des dirigeants.
Partez tous !
En conséquence, les travailleurs partent à l’étranger. Maintenant, ils sont activement attirés par la société allemande Deutshe Bahn. C’est pourquoi, même sans licenciements, il n’y a souvent personne pour travailler, comme le dit Alexandre Skiba, président du syndicat des cheminots ukrainiens.
« Je comprends que le volume du transport ferroviaire, en particulier le transport de passagers, a diminué. Mais il n’y a personne pour travailler dans l’état actuel des choses, il y a un énorme roulement de personnel. Sur les 14 assistants de conducteurs de train que nous avons récemment embauchés, 13 ont déjà démissionné – le travail est trop dur et le salaire trop bas. Ceux qui le peuvent, vont à l’étranger. La Deutsche Bahn recrute activement des personnes, envoie des offres. C’est plus difficile là-bas pour les chauffeurs – il faut connaître la langue allemande, mais ceux qui s’occupent des réseaux de contacts s’en vont déjà », explique le responsable syndical.
Cependant, c’est ce vers quoi la direction d’Ukrzaliznytsia semble pousser les travailleurs. Et pas seulement elle. L’autre jour, le ministère de l’énergie a tenu une réunion sur le complexe minier et de traitement de l’Est, dont on se souvient pour une déclaration scandaleuse du ministre par intérim Iouri Vitrenko sur les perspectives des mineurs. Il a notamment proposé de fermer les mines et d’acheter de l’uranium sur le marché mondial.
Quant aux personnes qui vont perdre leur emploi, elles peuvent aller en Pologne, et elles seront, comme il l’a dit, encore « mieux loties » de cette façon.
« Ils bénéficieront alors de meilleures conditions de travail. Et deuxièmement, ils y gagneront plus d’argent. Nous recevons des transferts de fonds des travailleurs expatriés, et c’est l’une des principales sources de fonds pour l’économie », a déclaré M. Vitrenko, en recommandant de ne s’engager que dans l’agriculture en Ukraine.
Cependant, même les produits agricoles doivent être exportés d’une manière ou d’une autre, et c’est difficile à faire quand le chemin de fer est mort, que le transport fluvial est effondré et que les routes sont défoncées.
Le Cabinet des ministres a répondu à la manifestation des cheminots en décidant de mettre en place une commission chargée d’auditer Ukrzaliznytsya. Comme l’ont fait remarquer les auteurs de la chaîne Telegram « Transmission », elle ne résoudra pas les problèmes des chemins de fer ukrainiens.
« Aujourd’hui, il y a eu une réunion du Cabinet des ministres, et il a notamment été décidé de former une commission d’audit d’Ukrzaliznytsia. Le texte de la décision a été affiché sur son canal par le député Gontcharenko, et, comme on peut le voir dans ce document, les inspecteurs ont le rang de petits fonctionnaires, et cinq personnes, c’est trop peu pour comprendre la structure, qui emploie près de 250 000 personnes. Quelles seront les conséquences et les résultats ? Rien du tout », estime « Transmission », soulignant que le chemin de fer ukrainien est en train de s’effondrer lentement mais sûrement.
Nous verrons probablement bientôt le président Zelensky organiser un autre forum consacré au « succès » des réformes des chemins de fer ukrainiens. Une autre commission sera mise en place pour contrôler Ukrzaliznytsia, et un autre conseil avec des salaires cosmiques sera créé pour contrôler le conseil de surveillance, où seront invités des Lituaniens, des Polonais, des Allemands et des Américains. Pour financer ces structures bureaucratiques, il faudra à nouveau augmenter les prix des billets et du fret.
Et cela continuera jusqu’à ce que les cheminots ukrainiens en aient assez de conduire dans le froid une locomotive fabriquée en 1953 avec un marteau, pour des kopecks, et qu’ils aillent travailler à l’étranger.
source : https://ukraina.ru
traduit par Christelle Néant pour Donbass Insider
via http://www.donbass-insider.com/fr/
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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