Bernard Dalbergue, médecin et ex-cadre de l’industrie pharmaceutique, nous expliquait les incroyables scandales sur la santé durant le «64′ Grand Angle» diffusé sur TV5 Monde le 13 février 2014.
«La santé est un marché comme les autres»
Mohamed Kaci (Journaliste): «C’est une réalité que nous préférons ne pas voir. La santé est un marché comme les autres, avec ses tricheries, sa corruption, ses malversations. Et que dire de ces médicaments surfacturés, inopérants, voire dangereux ?» Bernard Dalbergue: «Mon laboratoire a été racheté par l’américain Merck & Co., MSD en France, et pendant un an et demi, j’ai travaillé avec eux et là, j’ai vu apparaître des pratiques qui ont été décrites par ailleurs dans La Presse, qui consistaient à impliquer des médecins dans des contrats de consultants ou autres pour lesquels tout était légal par ailleurs mais, le problème de cette histoire, c’est que, dans le même temps, ils étaient dans des commissions, soit à l’Agence française du médicament de l’Afssaps qui est aujourd’hui la NSM, ou experts pour l’EMA, l’Agence européenne de Londres qui donne les autorisations à l’échelle du continent européen.»
«Ces médecins travaillent avec l’industrie»
Bernard Dalbergue: «Donc, c’est vraiment un conflit d’intérêts, les liens d’intérêts qui tournent au conflit d’intérêts et je n’ai pas voulu cautionner cela et c’est une des raisons pour lesquelles je suis parti. A partir du moment où des leaders d’opinion sont payés, parfois pendant plusieurs années, qui sont les leaders d’opinion? Ce sont les gens qui sont les sachants, les grands maîtres du savoir médical. Et à partir du moment où ces médecins travaillent avec l’industrie et parfois pendant des années et sont rémunérés pour des contrats divers et variés, allant du contrat de consultant à des contrats d’experts cliniques en passant par être orateurs dans les grands congrès internationaux, de manière très transparente, d’ailleurs, la plupart du temps, et bien, on comprendra que lorsqu’ils sont appelés par les agences pour décider de la mise en pharmacie d’un médicament qui va concerner des milliers de gens, des millions de gens, parfois et bien, leur avis peut être sujet à caution.»
«Il y a eu des crash sanitaires en France»
Bernard Dalbergue: «D’un côté, il est obligatoire de déclarer si un médecin a mangé pour 50 euros à la cafétéria en face de l’hôpital et ça sera checké par le Conseil national de l’Ordre des médecins, ce sera public. Par contre, s’il y a un contrat de consultant à 200 000 euros pour un leader d’opinion qui, 6 mois plus tard, va donner l’autorisation d’un médicament du dit laboratoire, personne ne le saura. Aux Etats-Unis, le crash du Vioxx a fait refondre complètement leur système sanitaire et tout est complètement transparent. Ce n’est pas le cas en France. Le diagnostic est fait depuis longtemps. Je ne suis pas le premier lanceur d’alerte qui le dit. Nous ne sommes pas les premiers. Ça fait des années que tout le monde le dit. Il y a eu des crash sanitaires en France, il y a eu le Médiator, il y en aura d’autres si on ne change pas l’opacité complète qui règne sur le sujet. Si on parle des médecins, qui décident, qui sont en relation avec l’industrie pharmaceutique, il faut comprendre qu’ils n’ont pas le choix.»
«Personne ne veut aborder cet aspect»
Bernard Dalbergue: «Ces grands savants, ces grands leaders d’opinion, que nous respectons tous et avec raison, n’ont pas d’argent des pouvoirs publics pour exister, hormis payer les salaires de leur personnel. Ils ne peuvent pas faire de recherche et s’ils n’ont pas l’argent pour faire des recherches, ils sont morts et la recherche française est morte. Donc, il n’y a que les industriels qui peuvent leur apporter ça. Donc, il y a une espèce de prêté pour un rendu, une espèce d’omerta de la référence à l’argent qui fait avancer aussi leur carrière. Bon, voilà. Personne ne veut aborder cet aspect des choses alors qu’à chaque fois qu’on évalue un médicament, il est toujours possible de trouver quelqu’un qui n’a pas de lien d’intérêt avec le laboratoire.»
«Les enquêtes démontrent qu’il y a eu malversation volontaire»
Bernard Dalbergue: «Au jour d’aujourd’hui, des gens vont mourir et meurent et continueront à mourir des scandales du médicament, quelquefois pour de très bonnes raisons, parce que personne ne l’aura vu et dans ce cas là, on ne peut pas reprocher à quiconque ni aux industriels de ne pas avoir vu arriver le coup. Bon, mais parfois, les enquêtes démontrent qu’il y a eu malversation volontaire, qu’il y a eu camouflage des informations et dans ce cas-là, la loi doit permettre aux patients de s’associer entre eux pour faire ces actions de groupe. Parce qu’au jour d’aujourd’hui, qu’est-ce qu’il se passe ? Chaque malade est obligé de déposer un recours et c’est le parcours du combattant. Il n’y arrive pas.»
«Ces industriels vont en Inde ou en Chine»
Bernard Dalbergue: «Tous les grands groupes industriels, tous les majors de l’industrie vont faire leurs recherches cliniques pour mettre au point les données qui vont prouver l’efficacité ou non de leurs médicaments dans des pays où ça coûte beaucoup moins cher. Juste un ordre de grandeur pour faire entrer un patient ici en Europe dans une étude, ça va coûter 1500 à 1300 euros. Ces industriels vont en Inde ou en Chine. Ça va leur coûter 50 euros. Tout le monde aura compris. Et puis, en plus, ça va beaucoup plus vite dans ces pays parce que les lois sont beaucoup moins draconiennes. Il y a une législation beaucoup moins forte pour protéger les malades.»
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