par Candice Vacle.
« Un million de français ont basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise [Covid-19] » ~ Axelle Brodiez-Dolino, historienne au CNRS
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« En France et dans le monde, la crise sanitaire fait basculer des millions de personnes dans la précarité, voire l’extrême pauvreté. Pour la première fois depuis trente ans, cette dernière est en augmentation au niveau mondial, préfigurant une année 2021 « catastrophique » selon l’historienne du CNRS Axelle Brodiez-Dolino qui dresse dans ce podcast un bilan éloquent sur les « nouveaux pauvres » de la “pandémie” ».
En voici quelques extraits :
En 2020, en France « les pauvres […] sont devenus encore plus pauvres et nombre de précaires ont basculé dans la pauvreté, devenant les “nouveaux pauvres” de cette crise ».
« Ont été en particuliers touchés ceux qui étaient en contrat précaire : en CDD, en intérim, en période d’essai, ou saisonniers ; les travailleurs informels… C’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas pu bénéficier des mesures de chômage partiel.
Mais aussi, ceux qui étaient déjà pauvres, qui ont eu des difficultés d’accès à leurs allocations, qui ont eu durant le confinement des surcroîts de dépenses (davantage de repas à préparer, frais de scolarisation à la maison…) et moins de recettes (perte des revenus) ».
« Cette situation a touché la plupart des pays occidentaux. Au Royaume-Unis le nombre de personnes qui n’avaient pas mangé à leur faim avait quadruplé durant les trois premières semaines du confinement. Les États-Unis ont compté 22 millions de chômeurs en plus pour le seul mois d’avril [2020].
Du côté de la France, on sait que le chômage, qui était de 8,1% fin 2019, est aujourd’hui de 9,7% […] il devrait atteindre 11,5% au milieu de l’année 2021. […] Ce serait le plus haut niveau de chômage jamais mesuré dans le pays […, en particulier] dû à une explosion prévisible de faillites […]. On sait aussi qu’un million de Français ont basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise. […] Le nombre de demandes de RSA (le revenu de solidarité active) a augmenté de 10% en moyenne depuis le début du confinement ».
« Le premier confinement, qui a été très strict, a aussi augmenté les violences domestiques, notamment envers les femmes et les enfants. Il y aura des séquelles.
On sait plus globalement que les gens ont connu une forte dégradation de leur santé mentale. Mais aussi de leur santé physique, car l’accès au système de soin a été très perturbé.
On sait aussi que les gens qui ont perdu leur emploi n’en retrouveront pas rapidement. Cela vaut pour les étudiants, les travailleurs précaires, mais aussi les petites entreprises, les indépendants, les artisans… parce que le marché de l’emploi est très déprimé et que les entreprises se concentrent sur la préservation des emplois existants. Il va donc aussi y avoir de forts risques d’expulsions locatives.
Il y aura aussi des conséquences éducatives et scolaires : les plus démunis ont eu des difficultés à faire l’école aux enfants avec le manque de matériel informatique (de connexions, d’ordinateurs, d’imprimantes…) ; il est donc à craindre que les inégalités scolaires aient été creusées.
Enfin, un autre public est actuellement dans une situation très préoccupante : les étudiants et les jeunes entrant sur le marché du travail. Ils sont sur-représentés dans les demandes d’aides alimentaires. Ils sont en décrochage d’étude et ils arrivent sur un marché de l’emploi complètement déprimé ».
« Les sommes massives qui ont été injectées dans l’économie, dont le chômage partiel, [sont] des très bonnes choses, car elles permettent de prévenir les chutes dans la pauvreté. Il vient d’être mis en place un plan de 100 milliards d’euros, en France qui est une très bonne chose : des mesures contre le chômage, pour la formation, des garanties de ressources, des créations de jobs étudiants, etc. C’est vraiment massif ».
« Mais ce que les associations ont souligné, c’est la faiblesse des sommes en particulier consacrées aux plus démunis : 800 millions sur 100 milliards, c’est-à-dire 0,8% du plan. C’est significativement extrêmement peu ».
« Les associations ont été en première ligne [… : ] auprès des sans-abris dans les centres d’hébergements, par les distributions alimentaires… Mais elles ont aussi été confrontées à un problème inédit [… : ] car leur cœur de bénévolat […] ce sont les retraités […c’est-à-dire le] public qui était le plus vulnérable à cette “pandémie” de Covid-19 ».
« Les pays du Sud, sur lesquels nous sommes complètement aveugles en ce moment, […], sont dans une situation bien pire que la nôtre, et qui s’ajoute à des problèmes déjà structurels. On connaît les violences endémiques, les sécheresses, les populations déplacées, le changement climatique, etc. […] Aujourd’hui […] vous avez dans le monde 270 millions de personnes qui sont menacées d’insécurité alimentaire aiguë, c’est-à-dire une augmentation de 82% par rapport à l’année dernière. Et 150 millions de personnes risquent de basculer dans l’extrême pauvreté d’ici la fin de l’année 2021. Pour la première fois depuis 30 ans […] l’extrême pauvreté va augmenter dans le monde alors qu’on avait réussi à la faire constamment reculer. Donc, il faut vraiment s’attendre à une année catastrophique au Sud en 2021. Il [ne faut pas] regarder seulement notre nombril au Nord, mais aussi ce qui va se passer au Sud, parce que quand bien même nous serions égoïstes, ce qui se passe au Sud aura des impacts au Nord ».
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Je remercie Axelle Brodiez-Dolino pour sa relecture et les informations complémentaires.
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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