En décembre, le bureau de l’Assemblée nationale avait refusé la levée d’immunité parlementaire réclamée par le parquet de Bordeaux. La donne pourrait changer après un article du « Monde » révélant des agissements déconcertants de la part du député.
Le député (ex-LREM) de Gironde Benoît Simian, le 21 juin 2017, à l’Assemblée nationale. (THOMAS SAMSON / AFP)
Benoît Simian va-t-il être contraint de s’expliquer sur les accusations portées contre lui par son épouse ? Depuis plusieurs mois, le député de Gironde, sous le coup d’une enquête pour « harcèlement moral par conjoint », échappe à la garde à vue grâce à son immunité parlementaire, que l’Assemblée nationale a refusé de lever en décembre. Après la parution d’un article du Monde décrivant avec force détails les agissements du député, la présidence de l’Assemblée nationale s’est dite prête, jeudi 21 janvier, à réexaminer la question. Voici ce que l’on sait de cette affaire.
Un divorce conflictuel
L’affaire, révélée en septembre par Mediapart, « s’inscrit, au vu des éléments de l’enquête, dans le cadre d’une séparation houleuse entre les époux », indiquait à l’époque le parquet de Bordeaux. Benoît Simian et son épouse Soraya, tous deux anciens militants du Parti socialiste en Gironde, se sont mariés en 2016 et sont parents d’une fille aujourd’hui âgée de 3 ans.
Après avoir quitté le PS pour soutenir Emmanuel Macron à l’élection présidentielle, Benoît Simian, jusqu’alors maire de Ludon-Médoc et âgé de 34 ans, est élu député de Gironde sous l’étiquette LREM (groupe qu’il quitte en octobre 2020 pour rejoindre Liberté et territoires).
Son ascension politique semble bien lancée. En revanche, le couple bat de l’aile et les relations s’enveniment. Au printemps 2020, rapporte Le Monde, le député demande le divorce et quitte leur maison de Ludon-Médoc avec l’enfant. Un mois plus tard, un juge aux affaires familiales accorde la garde à Soraya Simian, ainsi que la jouissance de la propriété.
« Une forme de harcèlement psychologique »
Malgré la décision de justice, Benoît Simian continue à se rendre régulièrement dans la propriété, ou au moins dans une de ses dépendances, un studio séparé dont il avait fait son bureau parlementaire, selon Mediapart. Fin juillet, alors que Soraya Simian avait tenté de condamner la porte permettant d’accéder au reste de la propriété, son mari aurait défoncé une chatière et pénétré dans le jardin pour aller se baigner, habillé, dans la piscine. « Je me suis cachée chez moi, j’étais terrifiée », a raconté l’épouse au site d’information.
« Il a tagué la boîte aux lettres. Il volait les poubelles (…) Il nous écoutait, il nous observait. Il était là tout le temps, du matin au soir », confie-t-elle également à RTL. Cinq jours après l’épisode de la piscine, corroboré par des images de vidéosurveillance, le juge aux affaires familiales rend une nouvelle décision interdisant formellement au député de paraître au domicile conjugal, considérant que Soraya Simian est « vraisemblablement victime d’une forme de harcèlement psychologique de la part de son époux ».
Le Monde rapporte aussi cette scène lors de laquelle Soraya aurait surpris son mari, début septembre, urinant sur la clôture de la maison. « Je venais de faire quatre heures de route, c’est normal de se soulager », s’est-il justifié auprès du journal.
Depuis le mois de septembre, comme 1 200 femmes menacées par leur compagnon ou leur ex, Soraya Simian a été équipée d’un téléphone grave danger permettant d’alerter immédiatement un service d’assistance. De son côté, Benoît Simian dit être victime d’une machination. « Comme de nombreux Français, j’ai demandé le divorce. La stratégie de mon ex-épouse est d’en faire une affaire politique », écrivait-il dans un communiqué diffusé notamment sur Facebook.
Une attitude fuyante face aux enquêteurs
Les plaintes croisées entre les deux époux (lui a porté plainte pour violences volontaires, elle pour harcèlement moral) amènent les gendarmes, saisis de l’enquête, à vouloir interroger Benoît Simian. En tant que député, celui-ci jouit cependant d’une immunité parlementaire qui empêche toute mesure coercitive à son encontre.
Toutefois, rien n’empêche les gendarmes de le convoquer en audition libre. Début août, une première audition tourne court, car le député s’y présente avec sa fille en bas âge, empêchant tout interrogatoire, indique Le Monde.
Un mois plus tard, c’est lui qui se rend de son propre chef à la gendarmerie, pour porter plainte contre son épouse qui aurait refusé de lui présenter l’enfant. Une occasion en or pour les enquêteurs, mais après quatre heures d’une audition inachevée, le député prétexte un dîner pour s’éclipser, et refuse de poursuivre le lendemain.
La demande de levée de l’immunité parlementaire refusée
Face à l’attitude du député, le parquet de Bordeaux s’impatiente, et réclame en septembre la levée de l’immunité parlementaire du député. Dans sa demande adressée à l’Assemblée nationale, le ministère public précise qu’une mesure de garde à vue est le « seul moyen désormais » mis à sa disposition « pour le contraindre à venir s’expliquer et fixer les limites de ses agissements ».
Saisi le 9 décembre, le bureau de l’Assemblée, instance composée de députés de tous les groupes parlementaires, refuse pourtant de lever l’immunité de Benoît Simian, arguant qu’il « ne s’est jamais dérobé à la justice mais a, au contraire, toujours déféré aux convocations à des auditions libres que lui ont adressées les services de gendarmerie ; qu’il s’est engagé à se tenir à l’entière disposition de la justice et à déférer à des convocations à de nouvelles auditions libres autant de temps que nécessaire ». Ainsi, la garde à vue envisagée par le parquet « ne paraît pas suffisamment étayée pour être considérée comme nécessaire ». Une décision prise à l’unanimité, moins deux abstentions.
Dans une interview le 11 décembre à Libération, la députée de La France insoumise Clémentine Autain, membre du bureau, a déploré les conditions dans lesquelles ce vote avait été organisé. « Le point à l’ordre du jour concerné ne stipulait pas clairement qu’il s’agissait d’une décision concernant une levée d’immunité. (…) Il y avait une note de bas de page qui expliquait que nous pouvions consulter sur place un dossier à 10h30 alors que la réunion démarrait à 11 heures. L’ordre du jour avait l’air banal et je n’ai donc pas consulté le dossier. La réunion a été très courte. On a vraiment été mis devant le fait accompli. »
Vers une nouvelle demande de levée de son immunité ?
Après l’article du Monde jetant une lumière crue sur les agissements imputés à l’élu, la présidence du Palais Bourbon s’est dite prête à réexaminer la levée d’immunité parlementaire, si le parquet en fait la demande. Contacté par franceinfo, le parquet de Bordeaux a toutefois indiqué ne pas envisager « en l’état » de formuler une nouvelle demande. Explication : un mois et demi plus tard, le parquet n’a, à ce jour, « pas été destinataire de la décision du bureau de l’Assemblée nationale » et le dossier ne comporte « pas d’élément nouveau » depuis la première demande.
Source : France TV Info
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