Le retour de Moscou sur le devant de la scène médiatique occidentale, avec évidemment le flot de propagande hystérique que cela implique, est tout sauf un hasard. Avec son compère chinois, l’ours pose en effet chaque jour une griffe un peu plus grande sur le monde post-Covid (à ce titre, la deuxième partie du billet sur l’inexorable montée en puissance sino-russe, promise par votre serviteur, n’a pas été oubliée mais devra attendre un peu…)
Le « péril rouge » – blanc, bleu, rouge en l’occurrence – menace à nouveau et les petits propagandistes qui nous annoncent depuis vingt ans que, cette fois c’est sûr, Poutine est au bord de la rupture, en sont à nouveau pour leurs frais.
En parlant de menace, l’armée polonaise a organisé une simulation pour tester sa résistance à une éventuelle invasion russe. Le résultat est sans appel :
Et l’article de continuer :
La défaite aurait été plus cuisante encore que l’invasion éclair de 1939 par l’Allemagne, si le déploiement militaire n’avait pas été un simple exercice, destiné à tester la capacité de l’armée polonaise à résister à une agression extérieure de la Russie.
L’opération, simulée le long de la frontière orientale de la Pologne, consistait à tenir les lignes de défense pendant une durée d’au moins 22 jours. Mais ces grandes manœuvres, intitulées « Zima 20 » (Hiver 2020), se sont visiblement soldées par un fiasco. Au terme de cette guerre virtuelle, les Russes avaient atteint les rives de la Vistule, et assiégé Varsovie en seulement quatre jours, révèlent plusieurs sites d’information, comme Interia, alors que ce genre d’entraînement est en principe ultra-confidentiel (…)
Ce mauvais résultat, s’il est avéré, remet en question le commandement, la stratégie d’équipement militaire, et interroge indirectement le jeu des alliances, alors que l’armée polonaise et ses 140 000 soldats sont intégrés dans l’Otan. En principe, la stratégie adoptée est d’infliger un maximum de perte aux forces russes, et de retarder leur avancée, pour les rendre vulnérables à une contre-attaque ultérieure menée avec les alliés. Pourtant, les bataillons en première ligne auraient été très vite brisés, entraînant de 60 à 80 % de pertes humaines selon les unités.
Le but de la manœuvre était aussi de tester l’efficacité d’un nouveau système d’armement, pour l’essentiel acheté aux États-Unis, et ce avant même d’avoir été livré : des systèmes anti-aérien Patriot, des missiles HIMARS, et des avions de chasse polyvalents F-35. Un équipement qui doit en principe devenir pleinement opérationnel dans dix ans.
L’on peut avoir deux lectures de la chose. La première est d’éclater de rire en imaginant les mines renfrognées à l’OTAN et à Varsovie, où certains doivent se demander quel peut bien être l’intérêt d’acheter tant de matériel américain si c’est pour le voir s’évaporer en quelques heures.
Mais un mot de l’article doit évidemment retenir notre attention : fuites dans la presse. On voudrait monter en épingle l’importance de l’Alliance atlantique dans la défense de la Pologne et la nécessité d’y installer encore plus de troupes otaniennes qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Ca tombe bien, Joe l’Indien est maintenant à la Maison Blanche et ne jure que par l’organisation bruxelloise…
La tactique est vieille comme le monde et était déjà employée durant le premier Grand jeu par les autorités britanniques de Calcutta, qui exagéraient régulièrement le « danger russe » afin d’obtenir de Londres plus de moyens. On se rappelle qu’un nouveau plan de défense de la Pologne et des pays Baltes a été adopté en juin dernier. Ne soyons pas surpris si l’on apprend dans quelques mois qu’il est encore amplifié, au prétexte que Varsovie pourrait être assiégée en quatre jours par les menaçants Popov qui, c’est bien connu, ne rêvent que de se baigner dans la Vistule.
Aux Etats-Unis, le retour des Démocrates au pouvoir semble s’être accompagné, au sein de la bonne MSN, des vieux réflexes pavloviens obamesques. Personne n’a en effet oublié les contradictions de Barack à frites, qualifiant la Russie de « puissance régionale » mais passant la totalité de sa présidence à… la combattre !
Le procédé quelque peu infantile consistant à déprécier l’adversaire tout en exagérant ses menaces semble être la marque de fabrique des géniaux troubadours de l’empire. Parmi eux, l’inénarrable Thomas Friedman, soldat élimé du New York Times qui nous ressert le vieux couplet laborieux et somnifère : « Poutine n’est pas très important pour nous mais il continue à nous harceler ».
Le maître du Kremlin est tellement peu important que le clown en question appelle à soutenir sans failles Navalny, envoyer plus de troupes otaniennes en Europe de l’Est et renforcer les sanctions. Apparemment, cette schizophrénie est le must de la communication politique…
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