par Nicholas Molodyko.
L’ère Trump a révélé l’empire américain caché. L’anti-américanisme est redevenu très présent en France. Il n’est plus caché non plus.
Merci à tous
Merci à tous ceux qui m’ont permis de franchir un cap important dans mon travail d’écriture. J’étais trop concentré sur tout le théâtre de la politique américaine. Et, comme tout le monde, pendant les vingt dernières années, j’ai presque ignoré l’impérialisme américain.
Aujourd’hui, je suis expié des erreurs que j’ai commises en cours de route. Et j’ai le moral au plus haut. C’est une bonne journée pour moi. C’est un bon jour pour les États-Unis.
Tout ce qui se passe aujourd’hui en politique peut être retrouvé dans l’histoire. La majorité des Américains n’ont pas été suffisamment éduqués en histoire. Je sais que je ne l’ai pas été non plus, parce que les historiens américains ne parlent que des relations publiques de l’Empire.
J’ai essayé de rattraper mon retard, en matière d’histoire d’un point de vue narratif, et non pas systématique – la substance sur la forme.
Il s’agit alors vraiment de mettre des œillères au public. On nous montre sans cesse des images de propagande dystopique des médias et d’Hollywood, alors que la réalité est assez classique et certainement beaucoup plus intéressante.
En même temps, les discours et les théories largement reproduits sur la mondialisation éludent la domination américaine. Nous souffrons d’illusions sur le degré d’influence que les universitaires exercent généralement sur les débats politiques contemporains et nous ne reconnaissons pas quand un chien est en fait un loup.
Nous avons un angle mort lorsqu’il s’agit de l’impérialisme américain.
Pendant ce temps, les États-Unis, sous la doctrine Bush, ont poussé furieusement la politique étrangère vers un empire élargi. Et le carburant de la politique intérieure qui alimente le moteur est celui du conflit, du chaos et de la division. Une politique américaine de terrorisme à la fois à l’étranger et sur le territoire national.
L’histoire nous apprend qu’il y a les États-Unis et ensuite l’Empire américain. Ce sont deux grandes bêtes complètement différentes. L’impérialisme est la division politique. C’est notre pierre de touche comme disent les Français.
Nous, les Américains, devrions parler plus souvent de la France de manière fraternelle. Les Français comprennent ce fossé politique, ils l’ont toujours compris.
Merci, Monsieur Trump
Le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ont tous été en guerre avec les États-Unis à un moment ou à un autre. La France, non. Cependant, la France est le pays où l’anti-américanisme a été et est resté, au moins jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont été imputés à l’Islam. Cela mérite d’être considéré comme une sorte de relation familiale ou fraternelle.
En 1968, il y a eu des soulèvements en France, avec des protestations d’étudiants contre le capitalisme, les institutions bureaucratiques et surtout l’impérialisme américain. Les grèves à travers la France ont été confrontées avec force par la police et l’administration universitaire. Cela vous semble familier ?
Je suis assez âgé pour me souvenir du sentiment anti-américain français. En fait, j’ai été élevé avec ce sentiment. C’est mon territoire. L’anti-américanisme en France s’étend sur toute ma vie.
Ce sentiment est en relation directe avec la politique étrangère impérialiste des États-Unis qui a persisté jusqu’en 2000. L’anti-américanisme avait refait surface dans les années 1960 avec Charles de Gaulle. Et je suis fier d’être gaulliste. Nous reviendrons sur lui.
J’étais bien conscient de l’impérialisme américain quand j’étais jeune, dans les années 1970, avec la Guerre du Vietnam et ce fossé politique irréconciliable qui existe chez nous en Amérique. Puis, dans les années 80 avec un anti-américanisme français assez intense, et dans les années 90 avec mon travail et mes voyages à l’étranger, notamment au Rwanda, je voyais très bien que l’anti-américanisme était encore palpable.
En fait, je faisais semblant de ne pas être américain quand je voyageais à l’étranger, c’était plus facile comme ça. Principalement parce que je n’ai jamais soutenu l’impérialisme et que je ne voulais pas être un porte-parole de l’impérialisme américain.
D’une certaine manière, dans les années 2000, j’ai perdu conscience de ce phénomène, jusqu’à ce que la crise financière mondiale de 2008 ne me le rappelle. À l’époque, j’étais un Américain travaillant aux Pays-Bas et laissez-moi vous dire qu’il y avait du ressentiment pour les États-Unis chez les Néerlandais. Au moins pendant quelques mois. Cela n’a pas duré aussi longtemps qu’il aurait fallu.
Il est remarquable que la plupart des Américains n’aient pas vu que notre politique étrangère impérialiste n’a jamais disparu, impunément, au cours des vingt dernières années. Seules nos perceptions ont changé. La poursuite sanguinaire des conquêtes étrangères de l’Empire américain n’a pas faibli.
Après tout, le premier travail d’un empire est de garder ses sujets stupides. On n’a parlé que de mondialisme. Mais qu’est-ce que le mondialisme ? Est-ce le capitalisme américain ? Est-ce l’impérialisme américain ?
L’Américain de tous les jours est donc redevable aux médias et à Hollywood, qui effacent effectivement le fait que le patriotisme et l’impérialisme américains sont en désaccord. La majorité des Américains sont des militants, comme moi, et à notre insu, une minorité d’impérialistes sont concentrés à Washington et dans les grandes villes.
Récemment, ma conscience de l’impérialisme américain est revenue en force. Je remercie le président américain Trump pour cela. Énormément, un mot qu’il a popularisé. Parce qu’ici, chez nous, nos libertés, en particulier la liberté d’expression, la liberté de religion, la liberté de vivre à l’abri du besoin et de la peur, sont en danger, et ce depuis un certain temps.
On ne saurait trop insister sur ce point. L’impérialisme américain provoque invariablement l’oppression des citoyens de notre pays aujourd’hui.
Un empire défend et promeut les intérêts économiques et politiques étrangers de l’empire. Le programme intérieur d’un empire consiste à maintenir l’ordre, et non à promouvoir le bien-être général des citoyens. Lorsque l’impérialisme passe à la vitesse supérieure, nos quatre libertés sont abandonnées au bord de la route, alors que les véhicules militaires s’éloignent. Comme elles le sont aujourd’hui.
Que ce soit sciemment ou non, lorsque Donald Trump était président des États-Unis, il a fait remonter tout cela à la surface, comme un furoncle sur la peau. La question n’est pas de savoir si Donald Trump était un bon président ou non. En tant qu’agent de changement, il a fait preuve d’une efficacité phénoménale, dans des proportions historiques. Intentionnellement, ou plus probablement involontairement, il nous a amené à voir l’Empire américain chez nous, aux États-Unis.
J’ai personnellement saisi l’occasion de m’instruire et tout récemment, j’ai transformé l’enseignement que m’a donné Trump en thèse :
Les États-Unis ne sont pas une nation. Les États-Unis étaient une république et sont gérés comme un empire depuis 1945. Le néoconservatisme est l’impérialisme américain. Mais l’empire américain n’est pas américain, tout comme l’empire soviétique n’était pas russe.
Merci, France
Oui, c’est un grand moment dans l’histoire des États-Unis. Oui, j’utilise le mot « grand » et ses variantes à dessein.
Comme l’a dit un jour un modeste président : « Un gouvernement assez grand pour vous donner tout ce que vous voulez est un gouvernement assez grand pour vous prendre tout ce que vous avez ».
Le grand problème pour nous est maintenant la guerre civile. Non pas de la manière dont les médias se plaignent, mais à l’instar du mouvement des Gilets jaunes en France. C’est exactement là où nous en sommes en tant qu’Américains.
J’avais écrit l’année dernière sur les Gilets jaunes et le mouvement contre le mondialisme. Ce n’est que récemment qu’il m’est apparu que la France réagissait à l’impérialisme américain.
Le même anti-américanisme de ma jeunesse, en particulier pendant les années Reagan, a refait surface à l’âge adulte, mais en bien pire. Laissez-moi vous dire que le reconnaître n’a pas été un moment agréable.
Les parallèles sont nombreux.
Joe Biden a volé les primaires à Bernie Sanders et a volé l’élection présidentielle à Donald Trump. Joe Biden sans aucune base réelle de soutien. Et ces priorités qu’il a choisies semblent destinées à causer encore plus d’oppression à la majorité des Américains.
Emmanuel Macron a été installé à la présidence de la France de la même manière frauduleuse que Biden aux États-Unis récemment. Ainsi, Macron n’a pas de soutien public légitime.
Maintenant, l’Élysée doit se résoudre à la violence après plus de deux ans de manifestations de Gilet jaunes. C’est la direction que prennent les États-Unis. La désobéissance civile, pas la guerre civile.
Dans les deux pays, la France et les États-Unis, les médias ne racontent que des mensonges et les courtisans des médias s’efforcent de créer davantage de conflits dans les pays. C’est le visage de l’impérialisme américain dans les deux pays, la France et les États-Unis.
Les impérialistes américains ont essayé de séduire la France toute ma vie et il semble que cela ait finalement fonctionné en 2001 avec le 11 septembre, puis avec une série « d’attentats terroristes » coordonnés à Paris en novembre 2015.
Quand les Français apprendront-ils vraiment que la répression policière du mouvement des Gilets jaunes est un effort américain ? Quand la France reconnaîtra-t-elle que l’Empire américain est derrière les attentats de Paris de 2015 ?
Écoutez, ne haïssez pas les États-Unis, laissez-nous, nous les Américains, en dehors de tout ça. Il s’agit de l’OTAN.
Merci, Charles de Gaulle
Personne n’a contesté les règles de l’OTAN pendant la Guerre froide, sauf la France. Charles de Gaulle et la France ont mis fin à une partie cruciale de l’OTAN. Le pays avait l’intention d’arrêter de mettre ses forces militaires à la disposition de l’OTAN et avait l’intention de chasser les forces militaires de l’OTAN – et les membres de l’OTAN – de son territoire.
Ainsi, les gens de l’OTAN méprisent le bon sens et l’intelligence de ce genre de pensée claire, le gaullisme, alors que j’admire cet héritage plus que tout autre concept de relations internationales dans l’histoire moderne.
Le gaullisme était un mouvement politique pendant la seconde Guerre mondiale dirigé par Charles de Gaulle en opposition au régime de Vichy (nazi). Mais le gaullisme ne peut être considéré comme une doctrine ou une idéologie politique et n’est ni de gauche ni de droite. Il est aussi intemporel. L’idée gaulliste est principalement basée sur l’histoire du monde et sur une observation pragmatique de la puissance mondiale.
Une Europe gaulliste aurait englobé la stratégie économique, politique et de défense et aurait permis à l’Europe d’atténuer la tension et de corriger le déséquilibre dans le système bipolaire prétendument dangereux. Une Europe avec sa propre défense, c’est-à-dire une défense qui s’appuie sur la force de frappe française.
Le gaullisme est un phénomène typiquement français et il est très mal représenté et donc très mal compris en dehors de la France. Le gaullisme est la vérification politique de la souveraineté et de l’unité nationales et s’oppose totalement à toute division à l’intérieur du pays.
Au lieu de cela, l’Empire américain s’est emparé secrètement de l’Europe avec une série de doctrines réelles, bien que toujours malhonnêtes, à commencer par la Doctrine Monroe. On peut maintenant en avoir une vision honnête.
Merci, Gilets jaunes
Nous commençons à peine à comprendre cette histoire et nous vivons maintenant à l’époque des Gilets jaunes aux États-Unis.
L’impérialisme américain a une grande empreinte en France. Nous n’en étions pas conscients. À bien des égards, la réponse française d’aujourd’hui n’est pas différente de celle des manifestations de 1968.
Rappelons que les citoyens français des Gilets jaunes ont été le premier et le plus important mouvement à ce jour à se lever en tant que nation, la France, et à s’insurger contre la cruauté de l’impérialisme américain.
Après tout, la France est le berceau des concepts de liberté d’expression, de liberté, d’égalité et de démocratie.
Sous Emmanuel Macron, la France est rapidement devenue un lieu où la liberté d’expression est un crime, l’égalité une cause perdue et la démocratie a été remplacée par la haine théologique, oui, théologique, des impérialistes américains qui occupent maintenant la France comme l’avaient fait les nazis.
Aujourd’hui en France, les impérialistes américains sont à l’origine de l’agitation du racisme, des incendies d’églises, de la brutalité policière et des coupes dans le modèle social français. Les mêmes menaces à la démocratie pendant tous ces siècles. Et ce sont les impérialistes américains contre lesquels les Gilets jaunes français protestent.
Maintenant que Biden semble déterminé à faire passer l’impérialisme américain au niveau supérieur, je vois que la situation ne fait qu’empirer. Mais rappelez-vous, et n’oubliez pas, il y a les États-Unis et puis il y a l’Empire américain. Ce sont deux grandes bêtes totalement différentes.
Lorsque vous considérez tout ce qui précède, vous devez alors vous demander, eh bien, quelle bête le président américain Trump représentait-il vraiment ?
L’ère Trump a révélé l’Empire américain caché. Je suis presque sûr que ce n’était pas intentionnel. L’Empire américain a été fondé par la guerre et doit se maintenir par la guerre.
La première visite officielle de Donald Trump en France a eu lieu du 9 au 11 novembre 2018, et le pays a commencé à sombrer dans le chaos peu de temps après.
Les manifestations de Gilets jaunes ont commencé le 17 novembre 2018 dans toute la France.
Avec les médias américains, le président américain Trump a complètement ignoré les Gilets jaunes. Pendant des années.
L’anti-américanisme est de nouveau important en France. Il n’est plus caché.
C’est la partie où l’on a l’impression d’être pris dans un film noir et blanc du cinéma français de la Nouvelle Vague des années 60. Un film avec un Jean-Paul Belmondo, dur mais vulnérable, laconique mais intense.
Avec cela, voici un film très français qui termine ce court essai.
Une dame blonde platine fumant une cigarette demande : « Peut-être que l’impérialisme américain a inventé le monde matériel d’aujourd’hui ? »
Maintenant, un des montages de Godard – où le temps passe à chaque coupure successive – l’espace entre les coupures suggère une richesse d’informations.
Un homme portant des lunettes de soleil noires répond : « Oui, chérie. Il y a le cadavre embaumé d’un bolchevique dans un mausolée de la Place Rouge à Moscou. Il disait : « L’impérialisme est le stade le plus élevé du capitalisme ».
source : https://blogs.mediapart.fr/nicholas-molodyko/blog
traduit par Réseau International
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