par Jean-Baptiste Mendes.
Le Vietnam a accompli une prouesse économique et sanitaire en 2020 : 2,9% de croissance et seulement 35 morts du coronavirus. Pour le géopoliticien Gérard Chaliand, auteur du livre « Des guérillas au reflux de l’Occident », la discipline du peuple vietnamien et son esprit de résistance expliquent cet exploit.
Notre économie a « une des croissances les plus fortes au monde », s’est réjoui ce 26 janvier Nguyen Phu Trong, président de la République et secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV), à l’occasion du XIIIème Congrès quinquennal du parti. Le « double objectif : contenir la pandémie et développer l’économie » a été mené à bien, a-t-il ajouté. Avec 2,9% de croissance, le Vietnam est l’un des rares pays avec la Chine à avoir échappé à la récession en 2020. Une performance extraordinaire dans un contexte économique mondial en berne. Ce résultat s’accompagne d’une maîtrise de la propagation du virus depuis un an. Du coup, les usines restent ouvertes. Moins de 1 600 cas ont été recensés dans le pays grâce à des quarantaines de masse, un traçage des contacts à grande échelle et un strict contrôle des mouvements. Quant au nombre de décès, il plafonne à 35 !
« Faire de la croissance »
C’est pourtant la croissance du PIB la plus basse depuis deux décennies dans l’une des économies les plus dynamiques au monde. En 2019, le pays s’honorait d’un taux de 7,02%. Si le tourisme, secteur important, s’est effondré en 2020, le commerce extérieur a en revanche été quasi florissant. Profitant de la guerre économique entre la Chine et les États-Unis, les exportations vers l’Empire du Milieu ont augmenté de 15% durant les neuf premiers mois de 2020. Vers la patrie de Donald Trump, elles ont crû de 23%, atteignant 54,7 milliards de dollars, selon les douanes vietnamiennes citées par La Tribune.
« C’est une longue histoire. Ce n’est pas strictement lié à l’actualité », confie à Sputnik Gérard Chaliand, auteur de l’essai « Des guérillas au reflux de l’Occident » (éd. Passés composés, 2020) sur les raisons de ce fameux miracle économique et sanitaire. Pour lui, ces résultats récompensent le choix des autorités d’asseoir la puissance étatique et de se légitimer.
« Ils se sont rendu compte qu’il n’y avait qu’une façon de s’en sortir en regardant leur voisin chinois. La seule solution pour s’en sortir aujourd’hui, c’est de produire de la croissance économique. Sans croissance économique, votre régime ne vaut rien, qu’il s’appelle communiste, socialiste, libéral, etc. La croissance économique justifie un régime ».
L’auteur en 1968 de l’enquête « Les Paysans du Nord-Vietnam et la guerre » explique que le pays communiste a profité de la mise en place d’un capitalisme d’État. Il souligne les succès économiques remarquables de Hanoï depuis une décennie.
Construire des digues chaque année pour survivre
L’un des rares Français ayant longtemps observé la guérilla au Vietnam décrit pour Sputnik une organisation sanitaire pensée de « façon intelligente » depuis la guerre. « J’étais en 1967 sous les bombardements américains », rappelle-t-il, évoquant les décisions de décentralisation de la santé au niveau de la province et du district : « Aucun médecin, aucun infirmier ne devait rester à Haiphong ou Hanoï ». Cela leur a permis de tenir face aux innombrables bombardements des B-52 américains.
« C’est ça, le Vietnam. Là réside l’explication de leur capacité économique : la population dont ils disposent, leur capacité organisationnelle, le sens de la discipline ».
Le pays mérite ce mythe de « tombeau des empires » souvent dévolu à l’Afghanistan, selon lui. Après mille ans d’occupation, les Vietnamiens ont réussi à « se libérer et à bouter les Chinois dehors » en conservant « le noyau de leur culture ». La société vietnamienne s’est ainsi forgé sa mentalité à partir du « Fleuve rouge, le fleuve nourricier » au Nord-Vietnam (ex-Tonkin) qui permet les récoltes de riz. Assumant son déterminisme géographique, Gérard Chaliand remarque que, afin de survivre, il fallait « construire des digues chaque année ou les consolider » pour contenir un fleuve qui eût sinon « débordé et noyé le pays ».
« Il fallait une organisation disciplinée, fondée sur le travail, le collectif, l’effort, la sobriété, tout un tas de caractéristiques remarquées chez les Vietnamiens lorsqu’ils ont mené la guerre contre les Américains. C’est-à-dire la capacité à survivre avec peu. C’est un peuple très travailleur, organisé et doté d’un indiscutable sens de l’État. Un peuple qui a réussi à triompher au XXe siècle d’abord du colonialisme français de façon tout à fait inattendue avec Diên Biên Phu puis à tenir tête aux États-Unis en prenant Saigon, ce qui semblait impossible ». « Enfreindre ce qui est décrété par l’État peut vous coûter très cher », explique Chaliand.
À l’instar de ce qui se passe en Chine, la croissance économique du Vietnam et sa résistance face au virus illustrent les « mouvements de l’histoire ». L’Asie sinisée est dans une « phase ascendante ». Alors que les Européens ont dominé militairement et démographiquement le monde durant « deux-trois siècles », ceux-ci ne représentent plus que « 7% de la population mondiale » et se situent dans une « période de reflux ».
« C’est très peu et, en plus, l’Europe a perdu tout esprit combatif. Quel que soit le discours, on voit bien en France à quel point nous sommes de facto déclinants », estime le géopoliticien.
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