Que savons-nous vraiment de Dieu ? N’est-ce pas l’un des termes les plus galvaudés de notre vocabulaire ? Le jeune Thomas d’Aquin, que nous fêtons en ce 28 janvier, harassait les moines bénédictins du Mont-Cassin en leur demandant sans cesse : « Quid Deus — Qu’est-ce que Dieu ? »
Dieu par-ci, Dieu par-là, l’on parle souvent de Dieu — surtout dans nos articles — mais aussi à bâtons rompus au fil des conversations mondaines ; pour dire qu’il n’existe pas, qu’il est mort, ou pire, qu’il est ressuscité.
Les Frères prêcheurs de l’Ordre de Saint-Dominique (communément appelés dominicains) sont reconnus pour leur amour de la définition. Ils savent bien que, trop souvent, une conversation est minée d’avance, car, tout en utilisant les mêmes termes, on parle en fait de choses complètement différentes. Nombre d’excommunications, d’incompréhensions et de chicanes se seraient réglées en un tour de main si l’on avait pris le temps de définir les termes utilisés plutôt que de monter tout de suite aux barricades.
Le don de l’intelligence
Saint Thomas d’Aquin a été le doux fils de la Sagesse faiseuse d’unité. Son habit de mendiant, son cœur d’enfant et son intelligence surhumaine ont été l’apanage voulu par Dieu pour qu’il sache concilier la philosophie antique, avec Aristote en tête de file, la grande tradition chrétienne pluriséculaire et les meilleurs penseurs de son temps, notamment juifs et arabes.
Toute sa science était ordonnée au service d’autrui, et l’est encore aujourd’hui pour qui veut bien la consulter. Avant de recevoir la charge de Maitre en théologie, il suppliait en larmes le Seigneur de le soutenir et de le sauver, car, disait-il, « les vérités disparaissent d’entre les enfants des hommes ».
En véritable maitre, [saint Thomas d’Aquin] accompagne la croissance intellectuelle et pénètre au cœur même des difficultés, en ne négligeant aucune objection.
Chaque saint est un don de Dieu à un moment précis, cependant tout tient dans la réponse personnelle à une vocation particulière.
Jacques Maritain disait que Dieu avait suscité la titanesque mission intellectuelle de saint Thomas d’Aquin à une époque providentielle : « Un instant privilégié de l’histoire rendait possible une telle synthèse. Hier la pensée chrétienne n’était pas encore mure, demain elle commencera à se dissoudre ».
Cette vocation d’apôtre député au salut de l’intelligence est toujours d’actualité et cruciale dans notre société.
L’amour qui fait connaitre
Saint Thomas d’Aquin, connu comme le Docteur angélique, mais plus anciennement encore comme le Docteur commun, est un guide sûr et encore pertinent1. Non pas parce qu’il donne des réponses toutes faites, mais parce que, en véritable maitre, il accompagne la croissance intellectuelle et pénètre au cœur même des difficultés, en ne négligeant aucune objection.
C’est l’amour du Christ, et par lui, l’amour de ses adversaires, qui l’ont poussé à mener le bon combat dialectique pour la Vérité. Il nous invite à poursuivre la recherche de Dieu et à ne pas fuir les occasions de le rencontrer, autant devant l’autel que dans le feu d’une discussion quodlibétaire un verre à la main.
Le père dominicain Serges-Thomas Bonino, au début de l’ouvrage qu’il a dédié à la question de Dieu, rend témoignage à l’amour profond que le saint frère Thomas vouait à son Maitre et Seigneur :
Non certes que la théologie soit sans valeur : elle est un authentique chemin de sainteté, mais au-delà de la paille des mots et des concepts, Thomas a faim du grain que contient mais dissimule encore la paille, de la Res (Réalité) au-delà des verba (paroles). Aussi sur son lit de mort laisse-t-il s’exprimer ce qui fut le désir de toute sa vie, la cause de sa recherche et son effet en même temps :
Jésus que maintenant je vois comme voilé, Quand sera ce que tant je désire ? Te voir à visage découvert Et être heureux par la vision de ta gloire.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe