L’opposant russe Alexeï Navalny, qui a été interpellé le 24 janvier 2021 à l’aéroport de Moscou au moment même où il y a posé le pied (en revenant de Berlin, cette enclave américaine en Europe), a avant cela trouvé le temps et les moyens de produire et diffuser une vidéo qui dénonce la munificence du palais de Poutine en mer Noire. Ou plutôt qui dénoncerait car le président russe a répondu aux accusations sur sa prétendue corruption portées dans le document.
« Je n’ai pas regardé ce film, tout simplement parce je n’ai pas de temps libre pour ce genre d’informations. J’ai en revanche parcouru des playlists sélectionnées par mes aides. Tout de suite pour répondre à votre question : rien de ce qui est montré [dans la vidéo d’Alexeï Navalny] comme étant mes biens ne m’appartient à moi ou à mes proches, et ne m’a jamais appartenu. Ja-mais », a déclaré le président russe lors d’une conférence avec des étudiants diffusée par la chaîne publique d’information en continu Rossia 24. (RT France)
La vidéo mise en ligne par Navalny – on peut supposer qu’il n’a pas fait ça tout seul, vu la qualité de la production et le travail sur les images de synthèse, d’ailleurs il ne cache pas ses liens avec les services américains – montre durant deux heures le faste d’un palais qui appartiendrait au président russe et qui prouverait sa vénalité, et donc sa corruption, et sa paranoïa sécuritaire.
L’édifice de plus de 17 000 m2 contient tout ce qu’on peut imaginer pour le confort et pour la sécurité :
Les médias occidentaux, qui avaient déjà dénoncé les fastes de la vie cachée et les « milliards » de Vladimir Poutine (qu’ils ont même accusé d’être pédophile, ou au minimum homosexuel), notamment via la presse britannique (antirusse au possible), ont fait des gorges chaudes des « révélations » de Navalny. Le 23 janvier 2021, Paris Match Belgique écrit :
Dans la vidéo vue plus de 67 millions de fois, l’opulente propriété de Poutine – inspirée des « palazzo » italiens – se dévoile dans tous les excès : vignobles, enceinte de hockey sur glace, salle de massage, sauna, hammam, discothèque, casino et même strip-clup viennent s’agencer dans ce « château » si secret.
Il a été financé, selon Nava, par des proches du président russe, comme le patron du géant pétrolier Rosneft, Igor Setchine, et l’homme d’affaires Guennadi Timtchenko. Le tout a été construit pour la somme de 1,12 milliard d’euros.
« C’est un État au sein de la Russie. Et, dans cet État, il n’y a qu’un tsar inamovible. Poutine », estime Alexeï Navalny, accusant aussi le président russe d’être « obsédé par les richesses et le luxe. »
Cet ensemble rappelle les fameux « murs rouges », cet immense complexe baptisé Zhongnanhai (« mers du centre et du sud ») au cœur de Pékin où vivaient Mao et les premiers hiérarques communistes dans les années 50, après la victoire de la révolution en 1949. C’est là où se décidait la politique chinoise et où avaient lieu les purges en direct, l’ascenseur vers le haut ou vers le bas.
Derrière ces informations contradictoires pro et anti-Poutine, il reste que le souci de sécurité des dirigeants russes n’est pas une légende. Les présidents, tsars et dictateurs, dans un pays qui a traversé des épisodes extrêmement violentes depuis un siècle, n’ont pas transigé avec leur protection, rapprochée ou pas.
Nous avons déniché un extrait du Staline de Jean-Jacques Maris (PUF, 1995) à ce propos :
Staline enfin vit dans la hantise de l’attentat et de l’empoisonnement : lors des dîners avec ses pairs, il ne touche aux plats, aux bouteilles qu’après les autres. Cette peur le rend dépendant de Beria, responsable de sa sécurité personnelle, qui nomme ses cuisiniers, ses domestiques et ses gardes, et l’entoure d’un réseau protecteur que le dictateur réclame mais qui le ligote à son protecteur envahissant. Ainsi Beria a disposé entre la gare de Sotchi et la villa de Staline, peu éloignée de la ville, 184 postes de police ! Lorsqu’en 1945 Staline se rend en train à Potsdam, Beria assure sa protection avec 17 000 soldats du NKVD, 1515 hommes des détachements spéciaux et 8 trains blindés, plus les 7 régiments du NKVD et les 1500 hommes des détachements spéciaux affectés à son hôtel particulier à Potsdam.
Dans un monde dit démocratique où les services américains et israéliens éliminent leurs ennemis politiques par tous les moyens possibles (missile, drone, poison, attentat, révolution orange, chantage sexuel, corruption), la « paranoïa » des dirigeants du monde non aligné dénoncée par les médias occidentaux prend une autre couleur.
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