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Il n’y a que le pouvoir et ses serviteurs, dont beaucoup de hauts magistrats, pour nier l’existence d’une justice à deux vitesses dans notre pays. La majorité des médias ne s’en offusquent qu’à peine, puisque la justice spectacle est au fond la seule qui fasse de l’audience.
MM. Balkany et Cahuzac ont été de très bons « clients ». Aujourd’hui, c’est Nicolas Sarkozy qui approvisionne régulièrement l’actualité judiciaire au plan politique. Du côté du peuple, les victimes du crash judiciaire d’Outreau ou de l’affaire Gregory, comme d’autres, assurent à l’occasion les ventes et l’audimat.
En revanche les innombrables victimes des caïds des cités et de la délinquance quotidienne, exaspérées, pourront attendre longtemps que la Justice et les médias majeurs s’intéressent à elles.
Parce que d’abord elles n’ont pas droit à la parole. Parce que le service public de la Justice française est dans une situation de dénuement incroyable. Parce que le pouvoir ne fait que parer au plus pressé en n’engageant rapidement des poursuites que lorsque l’ordre public est visiblement et notoirement mis en péril. Dans les parquets, on a institué le T.T.R ; comprendre le « traitement en temps réel » de la délinquance visible.
Ainsi pour le reste, les procédures s’amoncellent, les victimes attendent et les délinquants courent…
Quelques incongruités et traitements particuliers illustrent la justice visible
Il est de fait que « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
Christine Lagarde écope d’une dispense de peine, sanction réservée essentiellement aux petits délinquants qui ont réparé le préjudice causé à leur victime. Comme Edmond Hervé devant la même juridiction, la Cour de Justice de la République (CJR). Poursuivie pour complicité de faux et de détournement de biens publics, Christine Lagarde a en effet bénéficié de ce curieux traitement de faveur. Le juge motivera ainsi son choix : « le contexte de crise financière mondiale dans lequel Madame Lagarde s’est retrouvée » ainsi que de « la bonne réputation de Mme Lagarde et son statut international ». Tout est dit. Ce n’est en effet qu’une petite affaire de près de 450 millions d’euros, toujours pas récupérés. On rêve…
François Fillon lui sera traité en T.T.R, si l’on peut dire. Le Parquet national financier, pourtant chargé de réprimer la « grande délinquance économique et financière » engage ses poursuites le soir même de la divulgation de l’affaire par le Canard Enchaîné. Pas sûr que les salaires d’assistants parlementaires, d’une épouse dans une maison d’édition et deux costards offerts correspondent exactement à la grande délinquance. Mais on n’en est pas à cela près en politique.
Quant à Benjamin Griveaux, pourtant auteur de ce qui ressemble fort à un attentat à la pudeur, c’est lui, nous dit-on, la victime des errements du Net et d’un activiste. Là encore, les poursuites seront engagées contre le méchant Russe et sa naïve petite amie avec une célérité applaudie par une classe politique et des médias qui se seront préalablement et largement gobergés – sans la partager – de la vidéo avant la révélation de l’affaire. Mais si Piotr a été condamné, on attend encore l’engagement de poursuites à l’encontre de tous ceux qui ont relayé goulument la vidéo.
Un spectacle garanti
Prenez le cas de Nicolas Sarkozy, bien imprudent dans l’affaire des écoutes qui révèlent qu’à tout le moins, l’idée de donner un coup de pouce à la nomination d’un magistrat pour obtenir des informations dans l’affaire Bettencourt ne heurtait pas sa morale. Il devrait se tirer aisément de ce mauvais pas judiciaire, ourdi par un Parquet national financier qui donne là l’exemple de sa politisation. Il est vrai que cet organe de poursuite cumule toutes les caractéristiques d’un instrument ou d’un agent politique, en fonction des circonstances et des régimes en place.
Le cas de l’affaire dite d’Outreau assurera également le spectacle, grâce aux ingrédients croustillants que sont la misère, le sexe, et particulièrement la fourniture supposée d’enfants à un prêtre et un huissier. Le système judiciaire va protéger, en tout cas dans la phase de l’enquête d’un juge d’instruction incompétent, la machine infernale en rejetant systématiquement tous les recours contre des décisions irresponsables.
Les vrais responsables de ce désastre ne seront pas sanctionnés à la mesure de leurs fautes. Le juge d’instruction écopera d’une « réprimande avec inscription au dossier », inscription que ne l’empêche pas aujourd’hui d’être avocat général référendaire à la Cour de Cassation. Aucune sanction ne sera prise contre le juges des libertés et de la détention du tribunal de Saint Omer qui embastillera 18 personnes. Quant au procureur, initiateur des poursuites, qui soutiendra sans faille son juge d’instruction, le Conseil supérieur de la Magistrature s’opposera à toute sanction ; la Chancellerie le déplacera tout de même d’office – avec promotion – en qualité de substitut général à la Cour d’appel de Caen, où il terminera sa carrière. Aucune sanction n’a été prise à l’encontre des magistrats de la cour d’appel qui ont confirmé les mises en examen et détentions provisoires…
Une justice aux ordres
Il ne faut pas se voiler la face. La structure hiérarchique de notre système judiciaire est faite pour assurer son obéissance. Tant que les juges du siège seront notés par leur chef de juridiction et que les membres du parquet seront hiérarchiquement soumis à leur chefs, dont la carrière dépend d’abord des appréciations de la Chancellerie, il ne faudra rien espérer. Tant que nous admettrons l’existence d’une juridiction d’exception comme la Cour de Justice de la République, nous serons toujours convaincus que nos dirigeants politiques bénéficient d’un traitement de faveur. Tant que des Harlem Désir et Julien Dray ne seront pas punis comme nous le serions dans le même cas de figure, nous croirons qu’il existe une justice à deux vitesses.
source : https://24heuresactu.com/
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